Un fantôme du passé [PV Eliaz]

La vie de vampire peut être passionnante comme très longue. Lorsque les journées se ressemblent, ça peut-être épuisant. Parfois… Je suis épuisé, épuisé de courir après ce masque que je tente tant de garder secret. Épuisé de devoir sans cesse me cacher ou faire en sorte que Crystal et Artémis s’entendent ou juste qu’Artémis veuille rester assez longtemps en vie pour que la culpabilité ne me ronge pas plus encore. J’en avais faits des conneries en seulement 200 ans de vie et presque de 170 ans d’éternité, mais j’assumais les actes et c’est pour ça que j’étais toujours en vie au jour d’aujourd’hui et que je faisais tout pour mener une vie tranquille dans cette « nouvelle vie » que je mène depuis 50 ans maintenant. La vie d’un gentil petit vampire de qui personne ne supposerais que je sois le vampire sanguinaire qui éteint des villages entiers.

Tout ça pour dire que ce soir, je travaille au club. Je n’ai pas eu à travailler à l’hôpital de la journée, donc je suis totalement en forme lorsque je débarque en début de soirée pour y travailler. D’ailleurs la soirée se passe parfaitement bien, sans incident, personne ne se blesse, le sang ne m’appelle donc pas et tout le monde garde son calme et sa bonne humeur. En jetant un coup d’oeil à l’heure je remarque que j’ai presque fini mon service lorsqu’une personne arrive au bar. Je pense que ce sera ma dernière cliente de la soirée puisque le barman est occupé avec deux alcooliques à l’autre bout du bar. M’approchant d’elle, derrière, je reprends.

-Bonsoir ! Que puis-je vous servir ?

Ne lui laissant pas le temps de se retourner, c’est moi qui passe derrière le comptoir, donc face à elle. Je relève finalement les yeux pour la regarder et attendre sa réponse lorsque je me stoppe totalement. Ce visage....

Encore quelques minutes et je devrais avoir terminé. Il faut juste que je serve une dernière personne, enfin j’aurais pu juste arrêter là, mais je vais aider le barman qui semble avoir bien assez de mal ce soir avec toutes ces personnes présente. Les patronnes devraient être satisfaites de comment le club marche. Enfin surtout Lilith, je ne pense pas qu’Eretria en a réellement quelque chose à faire. Je passe donc rapidement devant le bar, sauf que je ne m’attendais pas à ça.

Lorsque mon regard presque noisette, bien qu’il puisse paraître totalement noir à cause de l’éclairage, se pose sur la belle brune face à moi, mon coeur, bel et bien présent et battant au vu de ma condition de né, rate un battement justement. J’ai l’impression que la vie me joue de bien mauvais tour en ce moment. Comment était-ce possible ?

De quoi vous me demanderez ? De la revoir. Oui… La revoir. Cette jolie brune face à moi au visage presque de poupon, au petit nez joliment dessiné et qui lui donne un air tellement candide… Avait été le premier amour d’un futur vampire sanguinaire, qui en tua plus d’un. Ce vampire c’est bel et bien moi. Comment, même avec toutes les personnes que j’ai vues dans ma vie, j’aurais pu l’oublier ? On oublie jamais réellement son premier coup de coeur n’est-ce pas ? Et bien voilà, vous avez votre réponse.

Seulement c’est impossible qu’elle soit encore en vie après autant de temps. À mes yeux elle n’avait toujours été qu’humaine, rien d’autre… Elle avait surtout disparu du jour au lendemain après m’avoir quitté. Une première peine de coeur bien douloureuse, mais rien de comparable n'a la douleur qui avait suivi quelque temps après en apprenant la vérité sur mon existence. Mais alors que je me disais que c’était impossible, elle prononce mon prénom... Et comme pour m’assurer, je reprends… Peu sur au final.

-Ombeline....

Malgré le bruit ambiant de la salle, malgré les sifflements, les cris face au numéro dénuder qu’offre la strip-teaseuse présente ce soir je parviens à entendre son souffle. Je suis un vampire il ne faut pas l’oublier et j’ai l'ouïe plus développée que la plupart des êtres existant sur cette Terre, tout être confondu d’ailleurs. À ce qu’elle dit d’ailleurs je n’ai plus aucun doute. C’est elle, ce n’est pas une descente qui lui ressemble, non… C’est elle. Mais comment ? Comment est-ce que cela peut être possible tout simplement.

Mon coeur de jeune vampire revenait à la charge. La savoir vivante et me rappeler tous nos souvenirs étaient douloureux. Au final elle fut le premier amour d’une longue ligné d’absence. Suite à ça je me suis un peu… Voir totalement interdit de ressentir ça. La dernière fois que j’ai tenté de laisser ce sentiment me gagner… Je l’ai tué… Maintenant Artémis purge l’éternité dans la souffrance d’un être qu’elle ne voulait pas être. Peut-être alors qu’elle a bien fait de me quitter et de fuir… Même si c’était avant que je ne m’offre moi-même l’éternité.

Puis soudainement elle s’excuse et je reviens brusquement en 2018. Je reviens brusquement sur Terre. Je la regarde, elle n’a pas l’air bien… Elle a l’air même très mal… Et moi ? Je ne sais pas comment je me sens. Tout ce que je parviens à répondre à son excuse c’est…

-Comment est-ce possible ? Qu’es-tu ?

Je repose le verre que je tenais en suspend. J’en ai presque oublié que je devais la servir. Ici n’est pas le meilleur endroit pour parler, mais ces deux questions m’ont totalement échappé, comme si… Ce n’était pas moi qui parlais, mais l'Eliaz qui fut en premier émoi face à cette magnifique brune.

Je ne pouvais pas croire que ce que je voyais était possible. Pourtant je savais que je ne dormais pas, lorsque je le faisais je ne rêvais pas. Il y a bien longtemps que je ne rêvais plus… Ce genre de belle chose était réserver aux humains et aux bonnes âmes. La mienne n’étant souvent que tourmente alors il valait mieux ne pas rêver de peur que se soient plutôt des cauchemars qui m’éveillent. Elle était là… Elle était bel et bien là. Sa beauté n’avait pas bougé, elle était exactement comme dans mes souvenirs tout simplement. C’est alors qu’elle regarde autour de nous avant de se pencher vers moi. Elle me révèle alors comment c’est possible. Je recule un peu suite à sa confidence et ne retiens pas un haussement de sourcils. Je suis un vampire vieux de deux cents ans. Je suis peut-être, certainement, un bébé face à elle, mais normalement… Sa race a disparu. J’en étais convaincu.

-Mais… Normalement vous avez toutes … Disparu…

La seconde information que je retenais ? C’est que j’aurais pu l’aimer tout ce temps… Peut-être même que si ça avait été le cas rien de tout ce que j’ai pu faire ne serait arrivé. Je n’aurais tué personne, encore moins mon propre fils. Sentant tout remonté, je tente de me canaliser sur elle avant de répondre presque comme… Absent. Ne faisant nul attention aux mondes qui nous entourent, de toute façon je ne parlait pas assez fort pour que d'autres personnes qu'elle n'entende.

-Il n’y a rien de plus réputé pour leur immortalité que les vampires…

Je ne le disais pas directement, mais indirectement, elle ne pouvait que comprendre. Sortant soudainement de ma bulle de souvenir, de questionnement je fronce à nouveau légèrement les sourcils.

-Pourquoi ?

Pourquoi quoi ? Pourquoi beaucoup de choses en réalité. C’est la seule chose qui est parvenu à traverser mes lèvres alors que je réalisais à quel point tout aurait pu être différent… Tout....

Mon premier amour une fée… Une fée… Ces créatures-là n’existaient plus que dans les contes de fées. Que ce soi pour les humains qui n’avaient connaissance de rien ou même pour les surnaturels dans mon cas. Visiblement non… C’est d’ailleurs ce qu’elle me fait remarquer. Elle me montre qu’elle est toujours là, vivante et bien en vie. Je la regarde un instant, totalement silencieux… Ne répondant au final pas à sa « blague », trop surpris de la revoir. Trop ailleurs. Elle semble le comprendre puisqu’elle reprend immédiatement beaucoup plus sérieusement. Ma tête se hoche doucement.

-Je vois… Pour une raison particulière ?

Parce que visiblement elles sont les reines pour fuir. Moi qui la pensait morte depuis tout ce temps… Moi qui est tant souffert de ce premier amour perdu. Je me suis beaucoup remis en question et quelques semaines après ma vie à totalement basculer et je suis devenu un dangereux meurtrier. Mais ça… Je ne le dirais pas, je le garde pour moi, précieusement.

Je sors de mes pensées lorsqu’elle me retourne la question. C’est légitime… Et je ne lui donne que le strict nécessaire d’information sur moi, pas besoin d’en dire plus. J’ai d'autres questions tout aussi légitimes. Une surtout… En l’entendant me répondre… Je garde le silence un instant. Je peux comprendre ses raisons. Elles sont justifiées en tout cas. Je sors à nouveau de mes pensées et regarde autour de nous.

-Tu as raison… J’ai fini mon service de toute façon, suit moi…

Je quitte donc le bar avant de marcher hors de la salle principale. Déjà on s’entend à nouveau. Je finis par dévier vers une porte que je lui tiens ouvert, le temps qu’elle entre à l’intérieur. Une fois fait je la referme derrière nous. Ce sont les vestiaires, totalement vide à cette heure-ci. Je repose mon regard brun sur elle et c’est encore pire. Pas un bruit… Sauf nos respirations. Je l’observe, elle n’a vraiment aucunement changé ou juste un peu. Dans tous les cas elle reste très belle… Comme dans mes souvenirs.

Je peux voir toute joie absente de son visage et de son regard et je ne saurais pas dire si ça vient de notre sujet actuel ou de nos retrouvailles… Quoi qu’il en soit je reste surpris par ces retrouvailles et je ne sais pas sur quel pied danser alors… « Idiotement » je la questionne sur sa race. Sa race qui me surprends puisqu’elle est rare et j’en comprends mieux sa rareté lorsqu’elle répond à mes questions.

-Vous êtes lié à la nature ?

Ca ne serait pas si surprenant… Au final ce n’est pas la seule espèce qui le serait, mais c’est le pire. Enfin je trouve, pour ma part. Ma race est liée et dépendante du soleil malgré tout, mais les nés a un peu plus de liberté. Les loups sont liés à la lune. Au final… Chaque espèce, chaque race à son fardeau, à savoir quel est le pire…

Quoi qu’il en soit ce sont deux sujets, ça ou nos retrouvailles, bien trop… Intime, pointilleux et difficile pour que l’on continue d’en parler alors qu’un strip-tease s’effectue derrière nous et que des hommes en lance leurs billets à tout va sur scène. Alors je l’entraine loin de tout ça… Je l’entraine dans le silence des vestiaires et pile à ce moment-là je me demande pourquoi j’ai faits ça. Maintenant nous sommes seuls et nous n’avons pas d’autres choix que de faire face à la réalité. La réalité dont l’autre n’est pas mort, mais surtout que l’autre est immortel. À la réalité qu’on a perdu tant d’années… Relevant mes yeux sombre vers elle je réponds presque comme un murmure.

-Toi non plus…

Oh non elle non plus. Elle est toujours aussi belle. Son joli regard brun, son petit nez a croqué, ses longs cils… Cette beauté des plus frappantes… Sortant de mes pensées à ses nouvelles questions je me retrouve un peu perdu sur le coup et je bouge pour m’asseoir sur l’un des bancs de la petite pièce.

-Non pas tant… Je travaille beaucoup plus à l’hôpital de la ville... Et toi… Tu es là depuis longtemps ?

Est-ce normal que nous parlions comme si de rien était ? Non… Mais peut-être que nous avions besoin de ça. De l’illusion d’un monde « normal », de deux « amis » qui prennent des nouvelles, comme le feraient des… Humains....

À ma question la jeune femme ne fait que hocher la tête pour me montrer que oui, elles sont liées à la nature. Vu qu’elle n’enchaine pas là-dessus je ne sais pas si je me dois de poser d’ample question ou si je dois me taire… Peut-être qu’elle ne préfère pas parler de ça. En même temps qui aimerait parler de sa possible extinction ? C’est vrai que la nature a une place moins importante et je n’ai vécu « que » deux cents ans. Et déjà en « si peu de temps » je trouve que l’être humain a su raser la planète a une vitesse phénoménale. La technique n’a absolument pas aidé à ça et la surpopulation aussi. Alors… Finalement je ne dis rien.

De toute façon elle me parle d’un endroit qu’elle voudrait plus serein et je sors alors de mes pensées en pensant au vestiaire. Je lui fais signe de me suivre, puisque de toute façon j’ai fini mon service, puis rapidement on se retrouve à enfermer elle et moi. C’est une des choses les plus bizarres que j’ai eu à vivre dernièrement et pourtant, croyez-moi, j’en ai vécu des choses étranges.

La première femme que j’ai aimée, celle de mon petit coeur de jeunes adultes… Se retrouve là, devant moi, alors que je la pensais morte il y a bien des années maintenant. Bien des siècles mêmes au vu de mon âge. Au moins un. Elle m’avoue finalement qu’elle travaille à l’hôpital aussi et je pose mon regard sombre sur elle.

-Le destin a vraiment tout fait pour qu’on finisse par tomber sur l’autre à un moment donner…

Ma voix marque le silence. On ne parle plus tous les deux deux moments avant qu’elle ne reprenne la parole pour me parler de ma mort et de cette situation étrange. Ma tête se hoche alors doucement.

-Je te pensais morte aussi… Et je t’ai détesté longtemps… Autant que je t’ai aimé…

Pourquoi je dis ça ? Je ne sais pas… Peut-être que ça me fait du bien. Parce qu’elle ne m’a jamais donné la moindre occasion de la revoir, de tenter de la garder près de moi… Tenter de pouvoir lui montrer que notre amour pouvait tout traverser....

Peut-être que je n’aurais pas du lancer cette phrase ainsi. Peut-être… Mais nous n’étions plus des enfants n’est-ce pas ? Et ceux depuis bien longtemps visiblement autant pour moi que pour elle. Lorsque nous nous sommes aimé… En tout cas moi je l’ai aimé, on se disait tout. Enfin presque, sinon on ne serait certainement pas dans cette situation. Mais je ne me sentais pas bridé avec elle ! Alors pourquoi est-ce que je le serais aujourd’hui ? D’autant plus que les années avaient passé, je l’avais perdu il y avait longtemps… Je n’avais plus « rien » à perdre en sois hormis lui dire enfin ce que je ressentais vraiment. J’avais tellement pensé, pendant longtemps, que jamais je n’en aurais eu l’occasion. Mon but, en tout cas, n’était pas de la blesser, mais juste de me libérer.

Lorsqu’elle m’explique je ne peux m’empêcher de la fixer. Je me perds presque dans cette admiration. Je regarde ses lèvres bouger pour former ses explications. Ses lèvres que j’ai si souvent embrassées, que j’ai tant souvent désiré… Je sors finalement de ma contemplation avant de perdre totalement le fil de l’histoire. Dans le fond… Je ne peux pas réellement lui en vouloir et puis c’était il y a si longtemps.

-Comme je te disais… Je t’ai détesté… Longtemps… Mais aujourd’hui ça va mieux. Je vis « une nouvelle vie »… Tu ne pouvais pas savoir, tout comme je ne pouvais pas savoir. J’imagine simplement que ce n’était pas … Écrit…

Je ne sais pas si les fées sont du genre à croire au destin, mais dans un sens c’était presque ça. Puis soudain elle semble curieuse… Inquiète, peut-être un peu des deux, de mon état. Dans un petit rire lassé, je me redresse un peu.

-Rien de tout ça… Après toi, j’ai… Eu une période longue… Très longue et difficile. Et mon coeur n’a plus jamais été prit, par aucune femme… Et toi ?

Bien sur que j’en ai connu des femmes, mais pour la plupart c’était simplement physique. Pendant longtemps et si aujourd’hui j’étais un autre homme. Je n’étais pas pour autant en couple, bien que plus posé et moins… Tueur aussi. Sauf pour Artémis. J’avais tenté d’ouvrir mon coeur et la pauvre avait été victime de mes premières pulsions et aujourd’hui elle était damnée.

Tout le long que je parle je ne lâche pas Ombeline des yeux. Ça me semble tellement irréel de la voir, ici, face à moi. J’ai longtemps cru que je ne le reverrais plus, et à juste titre puisque je pensais qu’elle était mortelle… Tout comme visiblement elle l’a aussi cru pour moi. Je remarque alors parfaitement le fait qu’elle se mordille légèrement la lèvre et, je ne sais pas si elle se rends compte, à quel point ce geste peut être sexy et me troubler tandis que je redécouvre mon premier amour. Combien de fois ai-je embrassé ces lèvres ? Tant de fois… Je sors de mes pensées lorsqu’elle reprend la parole et je tente de focusser.

-Mais il n’y a pas que des mortels dans la vie… La preuve…

Elle me parle souvent de mortels, mais elle a pu avoir d’autres amours immortels ? Remarque elle serait certainement avec non ? Je ne sais pas. Peut-être qu’elle a son propre vécu tout simplement, comme moi. Moi au final, je n’ai plus non plus eu d’histoire après elle. Plus aussi sérieuse pour moi, que ça l’a été avec elle, en tout cas. À son aveux soudain je plante mon regard sombre dans le sien de la même couleur.

-Toi aussi tu ne voulais plus être blessé… ?

Même si au final... C’est elle qui nous à blesser. À son souffle j’ai le mien qui se coupe légèrement. Alors, dans un petit sourire, presque songeur, je reprends doucement.

-J’aurais été tout ce temps avec mon premier amour… Ça aurait été une belle chose… D’autant plus que dans ce siècle j’ai l’impression qu’il est vraiment difficile de rester avec quelqu’un… C’est de pire en pire… Tu ne trouves pas ?

Je peux voir un sourire venir naitre sur les traits fins du visage d’Ombeline. Ce visage aux traits qui ont tant hanté mes nuits… Et mes jours, quelques années durant, jusqu’à ce que je ferme totalement la porte a de l’humanité… Et que s’ensuivit ce qui s'est produit dans ma vie, tout simplement. Et à sa réponse, cette fois, c’est moi qui souris légèrement… Avant d’enchainer sur une autre phrase qui montre bien là que j’ai pu être blessé et souffrir de tout ça. Je la fixe, avec intensité parce que je veux voir ce qu’elle en dira vraiment, ce qu’elle ressent vraiment… Et j’ai presque l’impression de voir son souffle s’arrêter. En fait je l’entends très distinctement, juste un instant, mais assez pour qu’un vampire de mon âge l’entende. J’allais reprendre sur une question, mais elle m’en pause une, aussi, en quelque sorte et je lui réponds de la façon là plus… Sincère possible... Sauf que visiblement j’en apprends encore à la jolie brune. Ma tête se hoche légèrement lorsqu’elle relève le « premier amour », car oui elle l’a été. Elle l’est encore au final, un premier amour reste éternellement le premier. Je me redresse légèrement alors qu’elle s’excuse et que mes épaules se haussent un peu.

-Comme on l’a dit, peut-être que ça ne devait pas se faire tout simplement. Tu sembles vraiment surprise, tu ne t’en doutais pas une seule minute ? Jeune comme j’étais… Que tu pouvais être le premier ?

À cette époque j’étais un vampire… Mortel. Je n’avais tué aucun loup-garou. Mais je restais tout de même jeune. Maintenant je peux comprendre qu’elle va avoir du mal à se dire qu’en réalité j’étais bien mortel, mais pas réellement. Je ne lui ai pas encore dit, mais peut-être que ça viendra. Je sors de mes pensées en l’entendant rire et je ne réponds rien de plus… Sans risquer d’ouvrir peut-être des blessures tout juste refermer. Cependant je réfléchis sérieusement à ce qu’elle me dit et sourit pour toute réponse.

-Ce n'est pas tout à fait faux, pas tout à fait juste non plus… L’amour ça s’entretient, on doit se battre pour ça… Abandonner à la première difficulté c’est aussi devenu monnaie courante ! Mais… Qui suis-je pour changer le monde avec ma vision trop… Vieux jeu ?

Je me relève en la regardant et en la questionnant finalement dans un petit sourire et un sourire un peu trop franc… Simplement pour cacher un mal-être que je ressens vis-à-vis de l’amour depuis elle.

Ombeline semblait mal à l’aise face à ma révélation, pourtant elle n’avait rien de surprenant. Enfin je trouvais… Je trouvais même qu’elle était plutôt logique. Je regarde alors son mouvement au niveau de ses lèvres qui me confirme qu’elle se sent mal à l’aise puis elle me l’avoue à voix haute qu’elle ne s’en doutait pas un seul instant. Un petit rire m’échappe à la fin de sa phrase sur son grand âge, avant qu’elle ne s’insulte légèrement et que je reprenne doucement… Après tout…

-Doit-on vraiment avoir des regrets ? Si ça se trouve… On aurait finit par s’étrangler l’un et l’autre…

Est-ce que je parlais pour la rassurer elle ? Ou bien moi ? Au fond j’avais vraiment plus ou moins changé. Il y a cinquante ans je l’aurais littéralement, au sens propre, dévorer sur place pour m’avoir fait tant souffrir. Aujourd’hui je jouais la carte du gentil… Parce que c’était ce que j’étais dans cette vie. Lorsqu’elle relève finalement que je parlais carrément de changer le monde, un simple petit sourire amusé naît sur mes lèvres, faisant légèrement plisser mes yeux d’un petit air de malice sans que j’y réponde pour autant en fait. Mais la belle brune, celle qui a su faire battre mon coeur pour la première fois il y a des années, reprends alors ma vision du monde et m’en donne un chemin optimiste elle aussi.

-Peut-être… Surtout que j’ai l’éternité devant moi alors même si ça avance lentement… Petit à petit… J’ai tout mon temps…

Passant une main distrait sur ma joue, je me mets à penser un instant, perdu dans un silence. J’en sors brusquement lorsqu’elle bouge et je me sens captivé par ses gestes. Je l’ai toujours été. Plantant à nouveau mon regard sombre dans le sien, je lui offre un sourire.

-Si seulement c’était possible…

Je n’aurais jamais tout ce que je veux, c’est impossible. Tout simplement parce que j’ai enlevé la vie… À mon propre fils il y a de cela 50 ans… Même si je ne le savais pas.

À ma réplique la belle brune se met à rire avant de m’informer que j’aurais bien été le premier avec qui le courant ne serait pas passer jusqu’à la fin. Je finis alors par sourire et relever la tête pour la regarder à nouveau.

-Je suis visiblement aussi le premier immortel… Je suis… Surement, peut-être… Une exception !

Puis soudainement elle me parle de décès et de nouvelle relation et je fais rapidement le lien avec le terme « jusqu’à la fin » dit précédemment. C’est ça qui me pousse à devenir un peu curieux, moi qui ne le suis pas forcément de nature.

-Tu restais jusqu’a la mort… De tes anciens copains ? Je veux dire… Personnes ne remarquaient rien sur toi ?

Je me suis toujours dit qu’une relation était impossible. Déjà j’ai eu le coeur brisé par la jolie fée face à moi, mais au-delà de ça je sais que je devrais sans cesse bouger. Une relation avec des mortelles, c’est beaucoup trop compliqué… C’est leur imposer une vie de voyage, presque de saltimbanque. Lorsqu’elle finit par me dire qu’elle va mieux, une simple question me vient.

-Tu es sûr ?

La regardant un instant je jaugeais si elle me mentait. Mais en étais-je encore capable ? Je l’espérais en tout cas. Je voulais croire qu’elle ne m’avait pas encore totalement échappé. Que je n’avais pas que le souvenir d’un premier amour, le genre d’amour éternel pour le coup. Finalement on dérive sur un tas de soucis et lorsqu’elle parle de ma détermination mon sourire se fait un peu plus grand. C’est vrai que c’est un trait notable chez moi et je ne sais pas si c’est réellement une bonne chose pour tout… Ne souhaitant pas penser à ça maintenant je me concentre immédiatement sur Ombeline pour lui répondre dans un petit rire.

-Les humains sont fascinants tout simplement… Ils créent des choses incroyables, sans comprendre qu’ils détruisent des choses merveilleuses…

La technique de prime abord et la nature après… Seulement c’est la nature qui nous fait vivre, pas leurs techniques. Mais la jolie fée avait une vision que je partageais également. Même si je devais vivre depuis, peut-être, moins longtemps qu’elle. Au final… Spatialement je ne la connais plus… Réellement.

-Mais… Combien d’évolution as-tu connue ?

Je pars finalement dans mes pensées lorsque la conversation avance et je ne réalise pas que je pense tout haut. Je le réalise seulement lorsqu’elle reprend la parole. J’allais ouvrir la bouche pour répondre à sa première question après avoir gardé le silence un petit instant, mais… Elle enchaine sur autre chose qui me laisse garder la bouche entrouverte quelques secondes avant qu’un petit sourire apparaisse sur mes lèvres.

-Mentalement ou… Oralement ?

Normalement les vœux sont mentals… Mais peut-être qu’elle partait dans une autre optique et tout ceci m’intrigue ! Me faisant oubliant mon petit moment de flottement assez triste en soit.

Un sourire naît sur mes lèvres lorsqu’elle confirme le fait que je sois peut-être une exception dans sa vie. Je suis sur que le jeune Eliaz, celui d’avant, aurait été aux anges d’entendre ça de la bouche, si divine, de son premier amour. Aujourd’hui j’en suis plutôt nostalgique à m’imaginer ce qu’aurait pu être ma vie, et la sienne, si nous avions tout su avant… Je sors brusquement de mes pensées lorsqu’elle parle de décès et je la regarde, ce genre de regard, non de pitié, mais de compassion, car je connais ça.

-Les décès… Voilà notre bourreau… Nous sommes immortels, mais la mort rode partout autour de nous… Et nous on observe sa danse macabre en silence puisque nous sommes impuissants face à elle lorsque ça concerne les autres…

Je ne lui demanderais pas de quel décès il s’agit. Je pense pouvoir le deviner tout seul sans pour autant remuer le couteau dans la plaie. On parle de relation amoureuse alors ce n’est pas bien compliqué au fond, de deviner. Cependant quelque chose me tracassait en ce qui concerne ses mariages, de ce que je comprends bien. Je l’écoute alors attentivement me raconter tout ça et je peux sentir la tristesse dans sa voix, bien qu’elle soit tintée d’une nostalgique moins triste j’ai l’impression. Je ris très légèrement en l’entendant.

-Je n’ai jamais connu le bonheur de devoir faire ça... Mais j’imagine que ça doit être bizarre…

Marquant une petite pause, je reprends alors.

-Donc quelques parts dans ce monde il y a tes descendants ?

Penchant légèrement la tête en observant la belle brune face à moi, je tentais de savoir si elle me mentait ou pas. Et à sa réaction je n’eus aucun mal à deviner qu’elle me mentait, mais qu’elle semblait surtout ne pas vouloir en parler alors ma tête se hoche que faiblement tandis qu’on part directement sur un autre sujet. Plus joyeux ? Je ne sais pas, mais ça change de la mort en tout cas.

Lorsque finalement elle m’avoue son âge, après que je lui ai demandé de façon subtile, j’ouvre de grands yeux avant de rire alors, joyeux. Non pas triste ou choqué d’avoir été avec une « vieille » la relation de « vieille » de « jeune » est très, très … Large lorsqu’on est des immortels. Physiquement elle est toujours aussi belle, aussi désirable.

-Oh ouai ! Quand même ! Je n’aurais jamais pensé ! Mais… Enfin je suis peut-être trop curieux… Mais… Nous les vampires nous sommes figés physiquement dans le temps à un moment donné, mais vous… Comment est-ce que ça se passe à ce niveau-là ?

Elle ne me retournait pas la question sur mon âge alors je n’y répondais pas tout simplement, me contentant de faire mon curieux la concernant. Enfin ça c’était avant qu’elle me surprenne à me poser une drôle de question à laquelle je ne m’attendais pas. Je lui pose alors une question qui semble l’amuser puis je souris… Tandis qu’elle me redit vouloir vraiment m’aider. Je le regarde alors et me relève de ma position assise.

-Je ne pense pas que tu puisses changer quelques choses si je te dis que j’aimerais arriver à changer quelques petites choses de mon passé… Maintenant que j’en sais beaucoup plus sur celui-ci.

C’est fou comme la vie peut encore nous surprendre, même après 200 ans d’existence. Moi qui pensais tout connaître de cette femme à l’époque, moi qui pensais que je l’aimais si fort que rien… Rien ne pourrait jamais nous séparer. J’avais tort, tout pouvoir nous séparer et malheureusement je ne connaissais au final pas grand-chose de cette magnifique brune que je retrouve aujourd’hui et qui me fait face. Alors peut-être que je pose trop de questions, peut-être… Mais en attendant j’avais besoin de savoir, au fond, je crois… Lorsqu’elle me dit qu’il n’y a pas de descendants dans ce monde pour elle, je fronce légèrement les sourcils.

-Comment est-ce que cela se fait ?

Peut-être était-ce une question un peu intrusive, mais… Je voulais comprendre. Elle avait l’air si… Triste. Et pour qu’elle en soit si sur c’est forcément qu’elle avait vécu quelque chose, vu quelque chose ou su quelque chose en tout cas. Finalement je ne m’arrête pas avec mes questions, mais ça m’est utile. Je commence à comprendre un peu plus comment elle fonctionne, pourquoi je me suis fait avoir été plus jeune et tout un tas de choses. Visiblement… Son éternité a un prix bien moins chère que la mienne.

-Je vois… Votre éternité a un goût de miel… Nous, sans surprise, elle a le goût du sang…

Je ne révélais rien de très… Révélateur puisque tout le monde sait qu’un vampire devient vampire en mourant. Enfin les êtres humains pensent qu’il n’y a que ça, parce qu’ils n’imaginent pas que les vampires nés existent. Ils sont rares, mais ils sont là… Et ce n’est pas tout à fait pareil. On ne meurt pas pour être éternel… On tue.

La conversation tourne d’ailleurs entre passés, présent et avenir. Entre souhaits, mais surtout regret. Un regret du passé qui ne reviendra jamais, qui est irréparable. À ma demi-confession, Ombeline s’enquit aussitôt de vouloir m’aider, notamment en restant visiblement à mes côtés. Mais elle ne semble pas certaine. Je relève donc doucement mon regard, presque taquin, vers elle et dans un petit sourire, alors que je me retrouve à quelques centimètres de son visage après avoir bougé de façon si rapide qu’elle n’a eu le temps que de cligner des yeux, je reprends.

-Tu as raison… Et te revoir me ferais vraiment… Plaisir, vraiment.

Tout en la regardant dans les yeux, je laisse mon sourire si contagieux prendre place sur mes lèvres.

Ma question était peut-être de trop, peut-être trop indiscrète… Ou tout douloureuse. Dans tous les cas je vois bien qu’elle en devient immédiatement triste. Elle fuit mon regard à présent et on dirait qu’elle se protège de ses bras. Je la regarde faire tout en l’écoutant attentivement puis je la coupe finalement un peu, vers la fin, pour y glisser quelques mots.

-Excuse-moi je n’aurais peut-être pas dû.

Le sujet des enfants était douloureux. Je le savais plus quiconque sauf que moi j’avais causé mon propre malheur, mais ça… Hormis Nessa, personne ne le savait. Enfin peut-être que de changer de conversation est une bonne chose. Sauf lorsque celle-ci n’est peut-être pas plus joyeuse que le sujet précédent. Enfin chacun son tour j’imagine, non . Elle a eu droit à sa question triste, j’ai aussi le droit à la mienne. Elle me demande simplement une indication temporelle… Je pense être capable de le lui dire. Le comment par contre…

-Peu après ton départ de ma vie… Tout c’est enchainé très vite suite à ça… Beaucoup de ... Malheurs me sont arrivé et …

« Et j’ai perdu la raison voilà tout »… Mais à la place je finis par un :

- Et voilà où j’en suis aujourd’hui... Immortel !

Lui offrant un petit sourire je me montre un instant des mains. Puis… Je me rapproche rapidement d’elle. Je ne voulais pas lui faire peur pourtant je peux la voir sursauté, ce qui me fait sourire très légèrement… Mais sans me laisser le temps de savourer ma petite surprise, elle m’en cause une aussi. Elle se met à ma hauteur l'évitant alors un peu. Regardant vers le sol puis de nouveau dans son magnifique regard je ne cache pas ma surprise. Après tout c’est la première fois que je vois ce genre de chose. Alors qu’elle ne se retrouve plus qu’a quelques millimètres de moi je l’observe dans les yeux un cours instant. Très court puisque mon regard passe rapidement à ses lèvres qui me murmure quelque chose. Puis je passe de nouveau à ses yeux et ses lèvres quelques secondes encore et à nouveau son regard chocolat…Me battant intérieurement pour ne pas céder. Pour ne pas céder à cette envie de nostalgique, a cette envie de savoir si ses lèvres ont toujours la même douceur…