Some secrets are meant to be kept [Leiv]

Les quatre murs de la Section 45 m’étouffaient. Non, c’était plus que ça. Je me sentais oppressé. Le regard méprisant des autres se déposait moi et je leur rendais la pareille : j’étais un autre chouchou de J, le trophée qu’elle déposait sur les étagères et qu’elle venait parfois essuyer pour la faire encore plus briller. Je n’étais pas la bienvenue et à vrai dire, je ne l’avais jamais été nulle part. C’était peut-être mon air hautain ou mes remarques piquantes… ou un mélange des deux. Dehors, le ciel ressemblait à une toile peinte, les nuances d’oranges et rouges me donnaient envie de me barrer d’ici. Fort heureusement, Leiv m’avait appelé pour une mission. Cette dernière était typique : je devais assassiner un type, appeler les nettoyeurs et rentrer chez moi.

Cinq heures du matin, je pouvais partir. J’ignorais délibérément le « italien de merde » que m’avait lancé un agent, insulte généreusement dite en anglais. Si j’avais eu un peu plus de temps, peut-être que je lui aurais fait bouffer le sol. Les rues m’emmenaient rapidement dans le centre d’Oslo. Mon téléphone, qui me servait en cet instant précis de GPS, m’indiqua qu’il restait une bonne dizaine de marche.

Deux minutes, maintenant.

Mission faite un peu en dernière minute, remercions le CIA pour ça, j’observais les toits. Il y en avait bien un en face de la maison. Une hauteur raisonnable, pratique pour me casser de là rapidement. Mon doigt vint appuyer sur l’oreillette, qui était en communication directe avec Leiv.

– J’ai trouvé un bon spot.

Vint alors l’escalade, la préparation du matériel une fois sur le toit – qui était un poil trop délabré à mon goût, mais le luxe n’était pas une nécessité lors d’assassinats, et le café dans le tumbler. Promis, cette fois j’avais préparé le mien. Bien installé, je surveillais la maison.

– Leiv, y aura pas d’agent ukrainien qui veut ma peau, là ? plaisantais-je, me souvenant acerbement du souvenir.

Normalement, d’après ce que notre petit genius man avait prévu, notre cible ne devait pas tarder. Le mec se levait super tôt pour faire un jogging, prenait un café du Starbucks et restait planqué dans son domicile comme un rat. Je ne savais pas trop ce qu’avait fait l’homme pour que l’Agence veuille le tuer – en général, on nous disait juste d’aller achever une personne et puis basta. J’étais curieux là. Pourquoi la Section 45 voulait la mort d’un gars qui s’enfermait ?

Ah, il venait de se pointer. Mon sniper le suivait, prêt à lui placer une balle dans le crâne. Mais au moment où je pensais l’avoir, quelqu’un entra brusquement dans le salon de notre cible, couteau à la main, une cagoule sur son visage. Alors qu’il tentait de l’attraper, je m’exclamais.

– Merde, quelqu’un s’en prend à lui. Je fais quoi ?




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Quatre heure du mat. Quand on a des missions aussi tôt le matin, je prends même pas la peine de rentrer chez moi. Des fois, je prends même pas la peine de me coucher, en fait. Comme d'habitude, j'avais fignolé les détails dans la soirée la veille, et puis j'étais resté dans mon bureau, façon "je suis pas là", pour jouer en ligne jusqu'aux premières lueurs du jour. J'étais simplement sorti de mon antre pour prendre une douche, et puis j'ai même pointé le nez dehors pour aller me prendre un petit-déjeuner vers l'Akershus. La vue est pas trop dégueulasse au lever du soleil, quand il fait pas trop moche comme ce matin. C'est rare, que Trondheim me manque... c'était plus sympa, mais au fond, je restais enfermé pareil que maintenant. Avec les derniers événements impliquant mon père, j'ai des souvenirs qui remontent, et ils sont pas toujours mauvais. Ouais, c'est rare que ça me manque.

Je rentre me prendre un vrai café de Daisie et faire un câlin à Darky avant de me replonger dans le travail. Nivah doit même pas être levé, encore. Faut que tout soit prêt avant qu'il arrive. On a l'habitude de bosser ensemble maintenant, et puis, ça se passe aussi mieux avec lui depuis une certaine balade. Alors le briefing est rapide, on reste en contact pour la suite. Mission simple et de routine, je le suis d'un côté pendant que je bosse sur autre chose de l'autre. Je réponds un vague "I'm sure you did" quand il me prévient avoir trouvé un bon spot, et je ris un peu à sa réflexion une fois qu'il semble en place.

- Non, pas cette fois, on a pris un Polonais... Essaie de pas glisser au moment où il arrive, ce serait dommage que tu finisses en chaise roulante.

La suite, en revanche, me surprit vraiment. Je me redresse sur ma chaise, me dépêche d'activer tous mes capteurs possibles, dont la caméra fixée dans le viseur même du sniper. Et effectivement, ce qui est en train de se dérouler sous nos yeux est assez... déconcertant. Je cherche les origines du contrat rapidement, avant de hausser simplement les épaules.

- Euh... j'ai envie de te dire de laisser couler. C'est un contrat de base du bureau principal, on sera payé de toute façon. Vérifie juste qu'il a bien été fini, essaie de suivre un peu le type histoire qu'on sache qui c'est et qu'on s'occupe de lui plus tard si besoin.

Une complication plus qu'autre chose. Le boulot fait par un tiers, pourquoi pas, mais là, ça nous rajoute juste de la paperasse en plus. Bon. Rien que je puisse faire pour l'instant, de toute façon. Les images sont en cours d'enregistrement, pour le reste... j'attends les infos de la Wyvern, pour trier ensuite et faire remonter.

Une demi-heure plus tard, Godzilla revient, et comme j'ai tout suivi depuis mes cyber-yeux et mes cyber-oreilles, j'ai juste à lui tendre un dossier au moment où il pose les pieds devant moi.

- Tiens, va déposer ça sur le bureau de J, pile "urgente". Il est pas encore complet, mais ça nous dédouanera en cas de souci. J'ai déjà tout transmis par messagerie sécurisée, mais tu les connais, ils aiment bien abattre des arbres pour rien... dès que j'ai l'identité du type on en rajoutera un sur la pile, comme ça ils verront qu'on a bien respecté leurs chères procédures en matière de communication...

Et niveau paperasse, ils devenaient de plus en plus chiants. Qu'est-ce que ça pouvait foutre, sérieux ? J n'était même pas là, alors que le dossier soit posé dans son bureau en temps et en heure... qu'est-ce que ça change ? Ah, oui, c'est vrai. Comme ça ils suivent l'évolution des dossiers avec plus de détails. Ils en ont marre des ellipses de certains agents qui évitent d'évoquer les moments où ils ont merdé. Alors on perd un temps fou en paperasse. Bordel. J'ai pas signé pour faire de l'administratif, moi.

J’eus un ricanement à sa remarque. C’est qu’il s’améliorait en répliques cinglantes, le petit. Cependant, je repris vite mon attention sur la fenêtre où le type était supposé rentrer de son jogging. Ça ne durait pas longtemps, car quelques minutes plus tard, la porte s’ouvrit sur l’homme, transpirant comme un beauf. Oui, je voyais tous ces détails via la lentille. J’ajustais mon sniper, prêt à tirer…

… quand quelqu’un fit irruption dans la pièce. Je relevais quelques instants les yeux pour voir par-dessus mon arme, avant de rejeter un coup d’œil via le zoom. Qu’est-ce qui se passait, putain ? Je demandais les instructions de Leiv, qui me répondit d’un air presque indifférent. Ou était-ce de l’ennui ? Je ne saurais dire. Mes sourcils se froncèrent.

– L’antenne d’Oslo est réellement unique en son genre, maugréais-je. Très bien, je fais ça.

Alors, j’attendais. Le type cagoulé semblait un peu galérer pour tuer notre cible, mais finalement après maintes difficultés, il parvint à le descendre. J’étais vraiment venu pour rien, merde. Déjà que je peinais de plus en plus à prendre des contrats, je venais de m’emmerder sur un toit. Le matériel déjà rangé, je descendis, suivis le meurtrier. Il avait retiré le masque et marchait rapidement, regardant autour de lui avec anxiété. Il n’était pas habitué, c’en était presque mignon.

Le faciès découvert, je retournais avec agacement au QG. Ce que je pouvais haïr cet endroit qui me suffoquait. J’étais une créature de l’air, bon sang, pas une sorte de taupe. De mauvais poil, je me dirigeais vers Leiv qui me tendit un dossier à peine arrivé. Je l’écoutais, haussais un sourcil.

– Tu peux pas le faire toi-même ? rétorquais-je un peu trop brusquement.

Il est vrai qu’on s’entendait bien et qu’on bossait bien ensemble, mais je n’oubliais pas la fois où ce sale gosse avait permis J d’entrer dans MA maison avec Rosa, pour l’interroger. Encore aujourd’hui, j’avais l’impression qu’il avait fait exprès, mais je préférais ne pas en parler, je n’étais pas là pour chercher les embrouilles. Avec un soupir, j’attrapais tout de même le dossier, un peu moins cinglant.

– Je vais aller déposer le dossier et je reviens dans deux minutes, j’ai envie de savoir c’est qui derrière ce meurtre.

Je partais donc dans le bureau de J (est-ce qu’elle en avait un dans toutes ses antennes ou celle-ci était juste privilégiée ?). J’entrais, encore un peu agacé, et au moment où je voulus déposer un peu brutalement le dossier sur la pile déjà vertigineuse, mon regard s’arrêta sur une en particulier. Le tas de feuilles remis à sa place, mes doigts prirent celui qui me faisait de l’œil. Lorsque je l’ouvris, mes yeux s’écarquillèrent et un sentiment de panique m’envahissait pendant un court instant. C’était… des preuves sur des races surnaturelles. On me voyait en wyverne, photo prise je ne sais pas quand, on voyait d’autres personnes que je ne parvenais pas à reconnaître. Et après toutes les photographiques, on y voyait un dossier avec les identités de chaque individu.

Rapidement, je retournais auprès de Leiv et lui tendais le dossier. J’étais plus surpris qu’énervé, à vrai dire.

– Tu le savais, qu’il y avait ce putain de dossier chez J ? Lis-le.


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