Sous un autre ciel (Aiden Nivahriin)

Assassiner des gens n’est pas un job courant – et ce n’est pas une chose qu’on peut crier sur tous les toits, mais putain qu’est-ce que je peux aimer ça. En revanche, rentrer chez soi à quatre heures du matin, c’est une autre histoire. Je dois avouer que je préfère dormir la nuit, et pas durant la matinée. C’est donc sur cette pensée que je m’apprête à faire le chemin du retour jusque chez moi. Ou plutôt chez nous, Rosa doit être en train de dormir à côté de Mateo.

Soudain, alors que je m’engouffre dans une rue, j’entends un hurlement au loin. L’odeur de sang se faufile dans mes narines et je fronce les sourcils. Je suis pas du genre héroïque, mais je ne peux m’empêcher de chercher la source de cette agitation. N’ayant aucune visualisation de ce qui se passe, je me fie aux bruits et à l’odeur. Lorsque j’entends une injure, je comprends que je suis proche.

Ça y est, je tombe enfin sur ce qui me perturbe. Une bande de dégénérés s’en prend à une femme… que je reconnais plutôt facilement. Je mets de côté mes interrogations et m’approche.  

– Oh, c’est mignon. Vous vous en prenez à une femme.

Ils me répondent en norvégien, ou plutôt me crient dessus. Putain, cette langue est vraiment moche. Je suis persuadé qu’ils viennent de m’insulter.

– Je comprends rien, mais ce que je sais c’est qu’il va falloir la lâcher. A votre place, je ne m’en prendrai pas à elle.

Ouais parce que Lilith, elle a un sale caractère. Je dois avouer que j’aimais bien nos ébats. Et d’ailleurs, qu’est-ce qu’elle fout ici ? Et c’est quand même dingue que je la rencontre à Oslo. L’un des mecs hurle et s’apprête à m’agresser, mais fort heureusement je l’évite. Je sors mon Beretta de mon holster et soupire.

– Va falloir employer la manière forte.

Je tire sur la jambe du mec qui a tenté de m’attaquer et il hurle. L’autre a l’air de flipper et lâche Lilith au passage, avant d’attraper son pote pour s’enfuir avec. Je me retourne vers la jeune femme et lui parle, cette fois-ci, en italien comme on le faisait par le passé :

– Ça va, pas trop chamboulée ? Même si ça m’étonnerait de ta part, Lilith.

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Je range mon Beretta silencieux tandis que Lilith s’appuie sur le mur pour reprendre ses esprits. Ce n’est pas son style de se laisser faire, je me demande bien pourquoi elle a pas fait la peau à ces cons. Peut-être qu’elle a changé depuis l’Italie ? Elle redevient vite elle-même, ce qui me fait plaisir.

– Évidemment qu’il t’en faut plus, le contraire m’aurait surpris.

Alors que je termine ma phrase, la jeune femme s’approche de moi et me regarde de manière… quelque peu étrange. Quoi, est-ce qu’elle voit de voir un fantôme ? C’est un peu le cas, je l’admets. On ne s’est plus vus depuis un bon bout de temps. Vint ensuite les questions, j’hésite à lui mentir pendant un instant.

– Eh bien… j’ai pris l’avion, la taquinais-je. J’ai eu des problèmes, je suis venu ici pour euh… les éviter, ajoutais-je plus sérieusement. Je ne pensais pas non plus voir mon ex à Oslo, à vrai dire.

Maintenant que je lui parle et que je suis proche d’elle, je me dis que Lilith la démone a réellement changé. Pas au niveau physique, je parle plus du mental. Je fronce les sourcils quand elle me dit que je suis devenu un homme sanguinaire. C’est vrai, elle ne sait pas que je suis dans l’Agence et que je tue des gens pour mon travail. Par le passé, je lui ai simplement dit faire partie des forces spéciales – et il vaut mieux que ça reste ainsi.

– Toi, une femme en détresse, m’exclamais-je avec un ricanement. S’il te plaît, Lilith, je suis sûr que tu en aurais fait qu’une bouchée…

J’ajoute, après un court temps de pause, dorénavant suspicieux :

– … ce que tu n’as pas fait. Tu as perdu tes pouvoirs ou quoi ? Il s’est passé quoi pour que tu te défendes pas ?

J’ignore délibérément la partie de « homme sanguinaire », plus on évite de parler de ma personne, plus c’est mieux. Après tout, je suis curieux de voir ce qu’est devenue cette démone. Je me demande bien ce qu’elle fait dans la vie, maintenant.

– Ça t’arrive souvent de faire des promenades à cette heure ?

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Lilith semble ne pas apprécier le terme que je viens d’utiliser, qui est « ex ». Il est vrai que nous étions pas du tout dans une relation sérieuse et après tout les seules choses qu’on avait pu échanger ensemble, c’étaient nos corps. Je lui réponds, tout à fait d’accord avec son constat :

– Oui, désolé. Je voulais dire ancienne partenaire sexuelle. Cela ne veut pas dire que j’utilise le mot ex qu’on a forcément eu quelque chose de sérieux, tu sais.

Je réponds à son autre question, peu enclin à vouloir lui expliquer en profondeur ce qui s’est passé pour que je vienne dans ce pays froid. Je toussote, puis trouve finalement quelque chose de cohérent :

– J’ai eu des problèmes avec les forces spéciales. Ce n’est rien de très grave.

Elle fronce les sourcils par rapport à ce que je dis. Bon, la démone a raison, un meurtre en pleine ville ce n’est pas facile à cacher, mais tout de même… elle ne s’était même pas défendue. Je hausse un sourcil, peu convaincu.

– Donc si je n’étais pas intervenu, tu te serais laissée faire ?

Le métier qu’elle fait ? Je suis curieux, mais je ne dis rien. Ce n’est pas que je n’ose pas lui demander des détails de sa vie, mais disons qu’on ne se connaît pas tant que ça. Lilith a été une simple partie de jambes en l’air, et finalement, je ne connais que son caractère… eh bien, de démone. Je ricane, amusé, à sa dernière phrase.

– Mon « mauvais » côté ! Je t’ai quand même sauvé la mise.

Et je l’ai fait parce qu’elle fait partie des femmes que j’ai apprécié… euh… goûter. J’évite cependant de lui dire ce bout de phrase, parce que je risque très probablement de passer pour un gros con. Je reste un homme, pas un beauf, quand même. Lilith me retourne la question et bien que je m’y attends, je mets quelques secondes à lui répondre.

– Tu me vois vraiment comme le grand méchant loup, c’est dingue. C’est toi la démone, que je sache, je ris doucement. Et je n’arrive pas à dormir, alors je fais une balade.

Ouais, une excuse de merde, mais qui devrait passer. Je commence à avoir froid et je demande alors à Lilith :

– Ça te dirait d’aller boire un verre ? A moins que tu ne sois trop pressée pour rentrer chez toi.


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Sa remarque pertinente au sujet de « pas très grave » et « forces spéciales » me fait tiquer. Elle a raison, mais elle ne doit pas en savoir plus. Je ne connais pas très bien Lilith, mais elle est maligne. C’est peut-être pour ça que c’est une démone, ça lui va étrangement bien.

– Je peux pas en dire plus, Lilith.

C’est malheureusement confidentiel. Et même si ça ne l’est pas, je préfère ne pas en parler, hors de question de l’embarquer dans ce genre de choses. Ou qui que ce soit. J’écarquille légèrement les yeux face à sa froideur, j’ai touché une corde sensible à force de persister.

– Oh… désolé, je voulais pas… t’as compris, quoi.

Moi, m’excuser… Rester à Oslo me ramollit, faut croire. Mais bon, j’ai insisté, j’ai bien mérité le ton abrupte de sa part. Alors que je lui dis l’avoir sauvé, un peu amusé, je ne m’attendais clairement pas à ce genre de réponse de la part de Lilith. Une rétorque, oui, mais pas… son imitation d’Alerte à Malibu. J’ouvre un peu la bouche, étonné, avant de rire.

– Si seulement j’avais su que tu voulais une entrée en scène spectaculaire ! Je l’aurais fait. Probablement.

J’ai du mal à imaginer un Nivahriin courir au vent comme elle l’a fait, avec une planche de surf au bras… les démons ont tous cette imagination débordante ? Faut croire ! Elle est d’accord pour un verre, mais je la vois pas si tentée que ça.

– Tu peux refuser, tu sais. Je vois que tu as plutôt l’air d’avoir envie de rentrer chez toi, je peux t’y accompagner si tu veux.

Je ne suis pas vexé ou autre, je ne veux juste pas forcer quelqu’un à boire un verre avec moi et puis, je préfère m’assurer qu’elle rentre pas trop saoule pour ne pas tomber à nouveau sur des idiots.


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