Just one drop, a tiny drop - ft. Leiv

J'avais su, au fond de moi, que si je voulais avoir la paix, il fallait que je refuse ce contrat. Ma mère ? Quelle mère ? Elle m'a mis au monde, c'est tout ce qu'elle a fait pour moi. No more, no less. Et faut voir la gueule du monde en question. Mais, la curiosité avait été plus forte. Est-ce qu'elle avait su au moment de contacter MGH à qui elle avait à faire ? J'en sais trop rien, toujours est-il que de mon côté, j'ai mis les choses au clair : oui, j'acceptais le contrat, mais point barre. Les seules relations que nous aurons seront professionnelles. Et la réputation de la boîte n'est plus à faire, niveau pro, on l'est. Du sur-mesure, de la minutie, comme je l'aurai fait avec n'importe quel client. Et, comme avec n'importe quel client, j'ai aussi fouillé dans l'histoire de la famille et tout le reste. Il était évident qu'avec une mère nymphe, je ne pouvais pas être fils unique. Mais c'est pas ma famille. Ma famille, c'est mon père. Et j'ai déjà bien assez à gérer avec un loser pareil pour en plus me traîner autant de frangins et de frangines qu'une nymphe est capable de pondre.

J'ai été à peine surpris quand peu de temps après, un "nouveau client" contactait la boîte pour avoir un rendez-vous. Ma première pensée avait été de refuser tout net, avant de me dire que ça pourrait être drôle. Gurdil n'était pas là, mais j'avais briefé Beowulf, et je jubilais intérieurement, ça me faisait rire. C'est pas comme s'il m'avait été difficile de trouver des informations, en plus. La petite sirène laissait tout en ligne sur les réseaux sociaux. Comme à mon habitude, j'avais bien entendu été au fond des choses. Et puis, pas de bol pour le petit alevin, qui travaillait au club où on avait justement l'un de nos plus gros contrat. Ça en avait été presque trop facile.

J'avais donc laissé Mateo accueillir la poiscaille, qui s'était spontanément proposé pour lui renverser carrément un verre d'eau dessus. Je lui ai donné le feu vert en éclatant de rire, et en surveillant sur mon écran ce qui se passait dans la salle à côté. Quelques petites gouttes seulement, c'était presque pas assez, mais de manière tellement naturelle que j'avais ri tout de même. En attendant, je faisais l'homme d'affaire occupé, alors que j'étais juste en plein donjon sur WoW. Arrivés devant le boss final, le raid se met d'accord pour faire une petite pause de dix minutes avant le dernier assault. J'en profite pour lancer une impression 3D que j'avais sur le feu, et sortir le dernier gadget dont Remus aurait besoin pour sa prochaine mission. Je vais ensuite ouvrir à mon faux client, un large sourire entre les deux oreilles. Large, mais complètement faux.

- Mister Andersen !

Je m'écarte de la porte pour le laisser entrer avant de lui montrer une chaise confortable où s'asseoir, et reprendre à ce moment là mon air naturel, bien plus détaché.

- Tu t'assoies là, tu bouge pas et tu dis rien, j'ai des trucs à terminer. Et touche à rien.

À ces mots et sans un regard, je me laisse tomber dans mon propre fauteuil derrière mon bureau et ses nombreux écrans, et je tends une boîte à mon petit loup :

- Tu vas avoir besoin de ça.

Un dernier signe de la main à mon collègue, et il sort sans un mot. Il sait ce qu'il a à faire. Moi ? Je remboîte mon casque, et retourne sur le jeu. J'annonce à mes coéquipier que je suis de retour, on discute un peu en rigolant en attendant les derniers joueurs, et on termine le donjon sans trop d'efforts, avec quelques morts, autant rez, beaucoup d'éclats de rire et quelques insultes. Le tout en anglais, même si je n'ai aucun doute sur le fait que mon spectateur me comprend très bien. Il ne peut pas voir les écrans, et je n'ai pas pu faire attention à la tronche qu'il tirait à ce moment là, mais ça me faisait quand même bien rire intérieurement. Une fois la partie terminée, je salue mes potes de jeu avant de retirer mon casque et faire rouler mon fauteuil d'un coup jusqu'au milieu de la pièce, presque en face de ce... demi-patrimoine génétique commun.

- Bon, Ariel, j'peux t'appeler Ariel ? Je vais être clair. T'es pas mon frère, et tu le seras jamais. C'est pas parce qu'on a un bout d'ADN en commun qu'on doit créer des liens. Comme disent les français, on n'a pas élevé les cochons ensemble.

Après s'être frotté à mes jambes, Darky, mon chat, saute sur mes genoux. Je le caresse généreusement avant d'ajouter :

- Je t'accorde un quart d'heure. Pas plus. Je suis un business man très occupé.

Moi, sarcastique ? Je vois pas de quoi vous parlez.

- Oh, et si tu veux sortir d'ici en vie, je te conseille de rester loin de Daisy.

Je tends alors une main vers mon bureau, sur lequel attend ma tasse de café habituelle. Sans le moindre effort, elle vient à moi directement. C'est un privilège que de me voir utiliser mes dons de télékinésie. Seuls mes deux collègues et mon père me voient en user régulièrement. Sans quitter la petite sirène des yeux, je bois quelques gorgées, attendant sa réaction.