Première rencontre depuis.. l'accident (Hannah Faraday)

Je ne peux pas vraiment dire que ma vie a retrouvé un rythme normal, comme si rien ne c'était passé, mais.. ça faisait plus d'un an maintenant alors on peut dire que j'avais simplement trouvé un nouveau rythme de vie. Je faisais ma petite vie et j'appréhendais les pleines lunes, même si dans un sens, je pouvais dire que je n'avais jamais vraiment eu de problème ces soirs-là. Ce n'était juste pas agréable du tout. Je continue de bosser, de m'entrainer, faire du sport.. Voilà en gros ce à quoi ressemble ma vie. Je ne la vis pas à fond, mais ça me va pour le moment. Peut-être qu'un jour ça me pèsera, mais pour le moment, je l'accepte comme elle est.

Je suis présentement concentré à relire le dossier d'un patient tout en me dirigeant vers la chambre de celui-ci. Je fais attention à ne foncer dans personne, relevant du coup les yeux de temps à autre. C'est comme ça que je pose mon regard sur Hannah. Celle qui m'a transformé. Celle que je n'ai du coup qu'entre-apperçu depuis le mois de Juillet 2020. Un an et demi plus tard, nous revoilà face à face. Il n'y a personne d'autre dans le couloir, à croire que tout l'hôpital à senti qu'il fallait s'éloigner. Je m'arrête du coup subitement de marcher, le regard fixé sur elle.

Cela fait longtemps que j'ai mordu le Dr Karev, mais après j'ai été enfermée en isolement et depuis que je suis revenue j'ai cherché à l'éviter par tous les moyens. Cela a bien fonctionné pendant plus d'une année, je ne pense pas qu'il aie été affecté dans l'aile des êtres humains maintenant qu'il est devenu loup-garou mais j'imagine qu'il doit continuer à s'occuper des enfants vers lesquels je ne vais plus.

Enfin j'avais réussi à l'éviter jusqu'à présent, je m'engage dans le couloir, perdue dans mes pensées. Je sens qu'il y a quelqu'un donc je sors de mes pensées pour ne pas lui rentrer dedans et je reste figée en voyant de qui il s'agit. Mince, si je l'avais vu au début du couloir j'aurais changé de direction mais là je ne peux pas faire demi-tour.

"Docteur Karev..."

J'ignore quel sentiment il a envers moi. De la haine ? Du dégoût ? Dans le meilleur des cas il ne m'en veut pas trop, mais cela m'étonnerait. On s'entendait tellement bien quand je venais déguisée pour les petits, je pense qu'on a perdu ce début de complicité. Je n'ose même pas lui demander comment ça va.

Je ne sais pas vraiment comment je me sens de la voir là, à peine à quelques pas de moi. Elle ne semble pas m'avoir remarqué, mais comme je suis planté au milieu du couloir, elle n'aura pas d'autres choix que de s'arrêter de toute façon. De toute façon, il faudra bien se reparler un jour. Elle n'a pas l'air près de sortir d'ici et moi j'y travaille alors.. forcément, c'est déjà un miracle qu'on n'ait pas encore eu à se croiser à nouveau. Elle s'arrête finalement et semble surprise de me voir là. En effet, elle ne m'avait pas vu du coup.

« Mademoiselle Faraday.. »

Je la regarde, sans émotion particulière dans le regard. En réalité, je ne sais même pas comment elle, elle se sent par rapport à tout ça. Je pense que ça m'aidera peut-être à savoir comment moi je me sens.

« Comment allez-vous ? »

Mon ton est simplement cordial, sans chaleur, mais sans froideur non plus. De la neutralité, de l'échange de banalités.

Je frissonne intérieurement lorsqu'il s'adresse à moi. Je remarque qu'il ne me parle pas méchamment mais le début de complicité que nous avions semble avoir complètement disparu. Je suis un peu étonnée qu'il me demande comment je vais même si je comprends bien que ce n'est qu'une question de politesse.

"Je... je vais mieux..."

Je baisse la tête car ce n'est pas encore ça et je pense que je ne me sentirai jamais bien d'être responsable de sa transformation.

"Et vous ?"

Je garde la tête baissée, n'osant pas le regarder en redoutant sa réponse. Je suis certaine qu'il ne peut pas me dire qu'il va bien. Le seul point positif c'est qu'au moins il se trouve déjà dans un lieu pour créatures surnaturelles mais cela ne console en rien.

Je me sentais simplement vide de la voir là face à moi. Comment aurait-il pu en être autrement de toute façon ? Elle m'avait vidé d'une partie de moi pour la remplacer par une autre, que j'avais encore du mal à gérer même des mois plus tard. J'y arrivais de mieux en mieux, forcément, plus le temps passe et plus je prend de l'expérience, mais je sais très bien que plus rien ne sera jamais pareil et c'est ça qui me tue. Et qu'elle soit là, face à moi..

« Depuis le temps, c'est la moindre des choses, alors.. Tant mieux pour vous. »

Je la regarde dans les yeux avant de soupirer un peu. Ça m'agace en fait tout ça.

« J'ai longtemps cru que ça n'irait jamais plus, encore aujourd'hui parfois j'en doute. »

J'avais quand même envie de lui faire du mal, même si je sais que je tombe dans le schéma familial en adoptant cette attitude.

Depuis le temps… il a raison cela fait longtemps maintenant, mais ce n’est pas pour autant que je me sens mieux d’avoir changé sa vie à tout jamais. Non, plus jamais je n’irai bien, si tant est que je l’aies été un jour mais dans cette situation je n’ai pas le droit de me plaindre. Lorsque je lui retourne la question, je redoute la réponse et je constate que j’avais raison. Je sais bien la haine qu’il peut avoir envers moi, j’ai eu la même envers celui qui m’avait mordue à l’époque.

"Mais je ne comprends toujours pas… pourquoi est-ce qu’ils vous ont envoyé vous pour me surveiller ? D’habitude c’était un être surnaturel justement pour pouvoir supporter les morsures… et pourquoi n’aviez-vous pas le morceau de viande qu’on me donne d’habitude ?"

Cette discussion aurait dû avoir lieu il y a longtemps mais on ne s’est jamais recroisés depuis. J’avoue que je cherchais un peu à l’éviter et cela devait être pareil de son côté. Je sais bien qu’en finalité c’est moi qui l’ai attaqué, mais j’aimerais quand même qu’il comprenne que ce n’est pas totalement ma faute. Ce n’est pas la sienne non plus mais plutôt à ses collègues qui ne l’avaient pas prévenu des risques.

« Écoutes, je n'en sais rien de pourquoi c'est moi qui a été envoyé et pourquoi on ne m'avait pas donné tous les accessoires nécessaires, peut-être qu'ils pensaient à me les donner plus tard dans la soirée parce que le point culminant de la pleine lune n'avait pas encore été atteint, j'en sais rien.. Tout ce que je sais, c'est que depuis cette nuit-là j'ai des contractions physiologiques horribles à chaque pleine lune et que je m'en serais bien passé.»

Je parle un peu sèchement puis je soupire, un peu agacé et énervé. Au fond, je le vois bien qu'elle semble se sentir mal, qu'elle cherche simplement à comprendre, mais là je ne vois que ma colère de sentir le couteau enfoncé dans la plaie, par la personne qui l'a planté à la base. Volontairement ou pas, après tout, c'est tout de même elle qui avait tenu cette lame cette nuit-là.

Cela ne sert à rien de savoir à qui la faute, le fait est que c'est moi qui l'ai mordu et qui ai transformé sa vie à tout jamais. Au moins il se trouve déjà à l'hôpital s'il a un problème mais je vais éviter de lui en faire la réflexion. A vrai dire je ne sais pas quoi lui dire de plus.

"Quoiqu'il en soit... je suis vraiment désolée..."

Je pourrais bien lui demander ce que je pourrais faire pour l'aider mais je ne vois pas ce dont il aurait besoin, d'autant plus de ma part. Je fixe le sol mais je continue la conversation. Pourquoi ? Je n'en sais rien, je sais bien qu'on ne retrouvera pas la bonne entente que nous avions commencé à avoir lorsque je venais voir les enfants.

"Et heu... vous pouvez quand même continuer à exercer votre travail, j'espère ?"

J'imagine que dès qu'il s'est transformé cela a dû nécessiter quelques ajustements mais s'il est toujours dans l'hôpital et qu'il porte encore sa blouse de médecin, c'est qu'il doit être resté médecin. Peut-être que du coup ils l'ont placé uniquement du côté surnaturel au lieu de faire les humains et les créatures.

Je n'avais pas spécialement envie de m'énerver contre elle, mais si elle continuait à me poser des questions comme ça, j'allais exploser c'était sur. Je sais qu'elle s'en veut, qu'elle aurait préféré que les choses se passent autrement, mais ce qui était fait était fait, on ne pouvait plus revenir en arrière.

« C'est bon, j'ai compris.. Et maintenant, je peux me mettre à ta place, on ne peut pas se contrôler dans ces moments-là..»

Je détourne alors les yeux, tentant de rester plus calme qu'au début de notre rencontre. Sans tout à fait changer de sujet, elle me questionne sur mon travail. On reste dans les conséquences de l'accident au fond, mais je vois qu'elle fait l'effort d'essayer d'amener un peu ailleurs.

« J'ai été en arrêt pendant quelques semaines quand c'est arrivé, puis j'ai été affecté de ce côté de l'hôpital uniquement.. J'ai repris l'autre aile il y a peu.. Et vous, comment va votre santé ? »

Je sais que c'est pour cette raison qu'elle est ici, forcément, et si elle était toujours là, c'est que ça ne devait toujours pas aller très bien. Je ne perds rien à tenter un peu de politesse moi aussi.