Face à face imprévu (Ft. Mikhail Vorobyev)

Pour Oskar, c'était une journée comme les autres. Ou du moins, cela avait commencé comme tel, jusqu'à ce qu'un face à face impromptu l'arrête net, figé en plein mouvement, les yeux écarquillés par la surprise en découvrant qu'il n'était pas seul... Un peu cet état d'incertitude qu'ont les lapins en traversant une route la nuit, alors qu'ils se retrouvent piégés entre les phares d'une voiture arrivant en trombe. Ils semblent de pas avoir vu le véhicule venir, et pourtant, c'était évident qu'un jour cela leur arriverait de croiser une voiture sur la route, parce que justement les routes étaient là pour les voitures.

De la même manière, il était évident qu'un jour Oskar se trouverait face à un des propriétaires des habitations qu'il squattait, simple question de probabilité. Vu le nombre de maison qu'il visitait, et vu depuis le nombre d'années qu'il le faisait... étonnant même que cela ne soit pas arrivé plus tôt.
Et pourtant, ce matin comme tout les matins, Oskar était partit confiant dans un quartier qu'il commençait à bien connaitre, après y être allé plusieurs fois déjà. Et avisant un loft dont le propriétaire, un avocat, avait un rythme de vie bien rempli et dont le travail le faisait quitter son logement assez tôt en matinée, Oskar avait tout naturellement fait le tour du bâtiment avant de repérer la faille.

Une petite fenêtre en hauteur, mal verrouillée. Sans conséquence pour beaucoup, car trop haute et trop étroite pour qu'un voleur s'y introduise... un voleur non. Mais Oskar, oui ! Agile et souple, pouvant grimper avec pour seuls appuis des interstices où glisser le bout de ses doigts et la pointe de ses baskets, d'une taille d'enfant lui permettant de se glisser dans une fenêtre de 40 par 50 cm. Un jeu d'enfant, c'était le cas de le dire...

Et puis une fois dans le loft, c'était tout naturellement que le jeune garçon avait utilisé les lieux comme s'il en était le propriétaire, d'abord les toilettes en branchant son portable pour le recharger, jouant en ligne comme n'importe lequel de ces pré-ados qui occupent les lieux comme s'ils s'y installaient pour y camper 7h (après tout, c'était plus confortable que les toilettes publiques), puis il prit la direction de la salle de bain, s'y lavant rapidement, avant de passer une éternité face au lavabo pour laver ses dents. Oskar et sa dentition, toute une histoire d'amour, en même temps quand vous avez les gènes d'un vampire, comment ne pas vouloir prendre soin de ses canines ? Surtout celle de gauche, en bas, qui était sa dernière dent de lait. Depuis plus de 3200 ans, une longitude qui méritait bien un brossage exemplaire... Bref. Oskar prenait ses aises.

Après un rapide coup de main dans sa tignasse blonde pour prétendre s'être coiffé, Oskar avait quitté la salle de bain pour rejoindre la cuisine, sortant de son sac à dos le nécessaire pour se faire à manger. Comme quoi, on peut être un squatteur avec une morale, car le jeune homme n'utilisait jamais les ingrédients des occupants... Il utilisait déjà l'eau, l'électricité, le matériel de cuisine... si en plus il piquait dans les frigos, autant demander officiellement à être nommé colocataire ! Non, le jeune homme venait avec ses denrées, se faisait à manger, nettoyait derrière lui et disparaissait des habitations, son repas sous le bras. Sauf aujourd'hui.

Parce que aujourd'hui, après avoir préparé son repas et l'avoir mis à cuire, après avoir tout nettoyé derrière lui et alors qu'il s'apprêtait à partir, il s'était trouvé face à face avec un homme, sans avoir à un seul moment entendu l'individu entrer dans la cuisine où il se trouvait. En face à face, immobile, Oskar regardait l'homme avec surprise, pris sur le fait. Et pour seule réaction, tendit le plat cuisiné devant lui comme pour le proposer avec ingénuité, en lançant un "Hum... Pancakes ?"