Juste un petit verre... (Ft. Lilith N. Syclista)

Oskar n'en revenait pas. Bon certes, il avait voulu entrer dans un night club boire un verre au bar, alors qu'il apparaissait physiquement clairement comme un jeune qui n'avait rien à faire là. MAIS, mais après tout, est ce que ça valait la peine de se faire trainer par le col du blouson dans les bureaux, par une brute épaisse et mal lunée ?
Bon... probablement que cette réaction était la conséquence de son insistance auprès de l'homme qui gardait l'entrée. Conséquence aussi des quelques mots "fleuris" après que cet homme ait refusé à plusieurs reprises. Probablement même que les coups de pieds dans les tibias de l'homme n'étaient pas étrangers à cette affaire... Mais tout de même, de là à rencontrer une des patronnes des lieux ?

Le garçon éternel effectua une nouvelle tentative de se dégager de la poigne du vigile, mais échoua comme les sept premières fois. Soupirant d'un ton désabusé, mais arrêtant de gesticuler, Oskar se laissa trainer le long des couloirs, ne faisant aucun effort pour marcher et se contentant de peser de tout son poids au bout du bras de Mr Muscle, baskets trainant sur le sol.
- Vous ne voulez vraiment pas laisser tomber ? Je vous assure que je suis habilité à boire de l'alcool, depuis plusieurs millénaires même ! Et puis il n'y a pas mort d'homme non ? Juste un petit verre...

Soupirant toujours, Oskar arriva à destination, face à une porte close à laquelle l'homme frappa, attendant l'accord de la propriétaire des lieux avant d'entrer dans la pièce, embarquant sans ménagement le garçon pour le propulser au milieu du bureau. Il résuma en quelques phrases l'incident à la femme présente, d'une version qui présentait Oskar comme un gamin voulant s'incruster dans l'établissement par tout les moyens possible, alors que ce dernier profitait de ne plus être agrippé par le colosse pour réajuster son col malmené, maugréant dans son coin.
- Etablissement, établissement... c'est vite dit, jamais vu un vrai établissement qui s'acharne de cette manière sur leurs clients...

Ce qui était merveilleux dans le fait de gérer un établissement comme celui du Paradise Night Club, c'est que les journées ne se ressemblaient généralement pas. Une journée, un client compliment le club en disant que les numéros et les alcools étaient succulents. Une autre soir, un autre client venait râler qu'il n'était pas satisfait par la prestation du prostitué qu'il avait commandé. Ce soir, c'était visiblement un gamin qui tentait de jouer les grands et qui souhaitait donc entrer. Je veux bien que nos pratiques ne soient pas des plus.. acceptables, mais on ne jouait pas dans la cour des enfants. Même si, si nous étions honnêtes, ça serait un marché sacrément lucratif.

J’observe finalement le nouveau venu dans mon bureau alors que l’agent de sécurité qui était en place à l’accueil m’explique la raison de cette agitation dans mon bureau. J’hausse un sourcil en entendant les paroles du jeune garçon puis je fais signe à l’agent de disposer. Toujours bien installée au fond du siège derrière mon bureau, je fais ensuite signe au garçon de venir s’installer face à moi.

- Comment est-ce que tu t’appelles ?

Il dégage quelque chose qui me dit qu’il n’était pas vraiment entrain de mentir, mais je ne sais poser le doigt dessus pour le moment.

- Tu as des pièces d’identité pour prouver ton âge ?

L'armoire à glace ayant quitté la pièce, Oskar se retrouvait en tête à tête avec la jeune femme, une des deux patronnes de l'établissement. Elle s'était calée dans son fauteuil et ne semblait pas s'impatienter de la situation.
Le jeune garçon de son côté, avait réajusté son col puis, passant une main dans ses cheveux blonds pour recoiffer les mèches rebelles après son passage dans les pattes du vigile, et se décida finalement à s'avancer.

Debout face au bureau, il plaça ses paumes de main dessus, s'appuyant ainsi sur le meuble sans réellement se pencher en avant puisqu'il était presque à sa hauteur, mais planta en revanche son regard dans celui de la jeune femme.
- Oskar. Je suis Oskar mais je pourrais tout aussi bien vous dire Charles, Léon, Klaus, Magnus ou bien encore Liam, peut importe. Qu'est ce que cela change ? De toute façon non, je n'ai pas de papier sur moi...
Il soupira en écartant les bras comme pour se dédouaner de ne pouvoir prouver son identité, avec une mimique presque désolée. C'était quelque part comme si malgré toute sa bonne volonté, le monde et le fonctionnement de celui-ci depuis des millénaires empêchaient le jeune garçon de répondre aux attentes de la femme, comme ci cet incident mineur était la répétition d'une situation qu'il vivait éternellement. Son soupir semblait être issu d'une pièce de théâtre, d'un genre dramatique et terriblement tragique.

Il recula d'un pas, avisant le fauteuil qui permettait aux visiteurs de prendre place face à la propriétaire des lieux, et y pris place en s'affalant dedans, s'échouant presque sur ce dernier comme un cachalot sur le sable.
- Vous n'avez pas idée de ce que c'est, de vivre éternellement en voyant passer les millénaires. Vous, vous êtes jeune, belle, vous avez la vie devant vous ! Moi je suis si vieux que même mes articulations en ont marre de la flotte. Mon corps entier est un monumental rhumatisme qui désire ardemment un simple verre d'alcool pour oublier la pluie qui s'infiltre dans mes vieux os.
Oskar aurait pu être plus discret sur sa condition d'enfant éternel mais depuis le temps, c'était un véritable sixième sens qui lui indiquait lorsque ses interlocuteurs étaient eux aussi des êtres surnaturels... sans savoir exactement de quelle espèce était la jeune femme qui lui faisait face, le jeune garçon savait tout du moins qu'elle n'était pas humaine.
De là à espérer qu'elle lui concède le droit de boire dans son établissement, il n'y avait qu'un pas... qu'elle n'allait probablement pas franchir. Mais après tout, il pouvait bien continuer d'y rêver, non ?

Le jeune homme avait une aisance qui était presque.. troublante. Non, c'était encore plus évident maintenant, il ne mentait pas. Sa façon de se poser, de parler.. Il avait cette petite aura de celui qui défie sans défier. Je l'écoute tout de même me parler, me dire qu'au fond son identité importe peu et mon sourcil droit se hausse alors légèrement.

- Tu considères donc que l'identité d'une personne n'a aucune importance ? Et que la tienne, en particulier, n'en a aucune donc ?

Qu'il ait des papiers ou non, au final, je n'en avais pas grand chose à faire. J'allais appliquer mon propre jugement, mais je tenais tout de même à savoir à qui je m'adressais. Ça me semblait tout de même être la moindre des choses. Quoi qu'il en soit, il jouait bien la comédie. Enfin, il n'y avait pas de comédie visiblement, tout était trop dit de façon naturelle pour que ça ne soit que du cinéma, une invention. Non, il devait certainement dire la vérité et de toute façon, je le sentais.

- Et vous ne pouvez pas simplement vous acheter une postiche de barbe ou demander à un de vos amis de vous acheter une bière au super-marché ou encore simplement penser à glisser un billet de 100 de plus à l'agent de sécurité à la porte d'entrée ?

Je prends alors un petit air blasé. Après tout, s'il était vraiment aussi vieux et éternel qu'il voulait bien essayer de lui faire croire, il devait bien avoir eu le temps d'élaborer quelques stratégies pour venir à bout de son but. Soit il n'était pas très intelligent, soit il n'était pas très motivé et dans un cas comme dans l'autre, ça n'avait rien d'intéressant.

Le jeune homme haussa les épaules de désintéressement aux propositions de la femme.
- Vous pensez bien que depuis le temps, j'ai passé l'âge de jouer aux déguisements... Sans compter qu'acheter une canette en supermarché à boire chez soi n'a rien avoir avec l'ambiance d'une soirée dans un bar.
Et vous savez, ce n'est pas si vieux que ça, l'interdiction de boire de l'alcool pour les non-majeur... Alors certes, pour les gens d'aujourd'hui cela semble d'une évidence absolue, mais pour ceux qui comme moi ont vécu des millénaires, cette loi n'apparait que dans les trois derniers pourcentage de la globalité de notre existence !
Un grain de sable dans l'univers...

Oskar, qui était peut être Liam ou Leon ou Klaus ou Charles, se passa une main dans les cheveux avant d'ajuster son béret. Il observa la pièce où il se trouvait avec nonchalance, plus parce qu'il était là et tant qu'à faire autant voir à quoi ressemblait le bureau d'une responsable d'établissement, plutôt que par réel intérêt ou curiosité.
Que ce soit la décoration ou l'utilité des meubles présent, rien n'arrêta particulièrement son attention qu'il finit par reporter sur la jeune femme qui lui faisait face, et à laquelle il finit par dire d'un ton indifférent.
- L'identité d'une personne n'est pas sans importance, simplement "qui elle est" dépend bien plus de son être même que de son simple prénom, qui n'est qu'une dénomination choisie pour les convenances et par facilités administratives.

Je l'écoute parler sans réellement savoir comment réagir. Son désintéressement de la vie en général semblait être élevé. Qu'attendait-il donc de moi ? Je lui avais donné plusieurs pistes de solutions pour régler son "problème", mais il ne semblait pas y prêter quelconque attention, mis à part une qui ne lui convenait pas. Espérait-il me convaincre de son âge en employant des grands mots et des grandes explications ? Malheureusement, ça ne fonctionnait pas comme cela. Je m'appuie finalement un peu plus au fond de ma chaise de patronne, venant croiser mes bras sous ma poitrine.

- Et donc, qu'est-ce que je suis censé faire de tout cela ? J'entends bien que dans la philosophie et autres sciences du même genre l'identité d'une personne n'est pas déterminée uniquement par un prénom sur une carte d'identité, mais ici c'est malheureusement le cas et je n'ai pas encore le pouvoir de changer la réglementation d'un pays.

Je lui adresse alors un petit sourire rempli d'ironie.

- Du coup, je repose ma question : qu'est-ce que je suis censé faire de tout cela ?

Parce que bon, s'il me racontait tout cela, c'était certainement pour une raison, à moins que ce soit sa façon à lui de passer le temps, mais comme moi je n'aime pas perdre le mien, ça ne va pas durer très longtemps son petit jeu.

- Vous n'avez pas "encore ce pouvoir"... mmmh, dommage. Faîtes moi signe si jamais cela change à l'avenir...

Le jeune homme avait répondu d'un air désintéressé, comme s'il ne se souciait plus vraiment du problème originel. Il avait bien compris qu'elle ne comptait pas lui offrir une consommation, mais il aurait été impoli qu'il parte tout simplement de sa propre initiative, quittant le bureau comme un prince.
Il était donc toujours là, dans ce fauteuil, se doutant qu'elle finirait par le congédier comme elle l'avait fait pour le vigile qui l'avait trainé jusqu'ici.

Et puis, comme la demoiselle avait insisté sur sa question à deux reprises, Oskar consentit tout de même à lui répondre, la fixant de ses grands yeux d'enfant innocent.
- Pour ce qui est de ce que vous devez faire Madame, je serais bien en peine de vous l'expliquer. Je n'en ai pas la moindre idée.
Il aurait été compliqué de déterminer si oui ou non Oskar feignait l'innocence, et peut-être même encore plus de décider que faire de lui.
Le faire sortir ? Il était pire qu'un moustique -venant d'un vampire, pas étonnant me direz vous- et il était certain qu'il reviendrait tôt ou tard s'infiltrer à nouveau au Paradise.
Le garder sous le coude alors, histoire de l'avoir à l'œil ? Il faudrait une bonne dose de courage pour le supporter plus d'une heure... quoique. Parfois, quand il y met du sien, il est plutôt agréable à vivre, le Oskar.
Ou le Liam.
Le Klaus ?

Non décidemment, elle ferait mieux de le faire sortir au plus vite. Un enfant, c'est déjà difficile à vivre, alors un enfant éternel... C'est qu'il serait capable de lui coller aux basques à vie, ce môme...

Je le regarde dans les yeux, ce jeune homme insolent, qui pourrait certainement en faire s'énerver plus d'un. Pourtant, je sens que je ne suis pas au bout de mes surprises avec quelqu'un comme lui. Pourquoi ? Peut-être pour son air désinvolte, son insouciance presque trop visible, son air détaché.. Non je me doute bien que quelque chose ne tourne pas tout à fait rond dans cette histoire.

- Oh vous en entendrez certainement parler bien assez tôt..

Un léger sourire vient s'esquisser sur mes lèvres. Je n'ai pas réellement dans l'optique de diriger un pays, mais de me mettre dans la poche des gens qui le dirigent... Ça oui, ça pourrait être envisageable et surtout utile.

- Alors qu'est-ce qui vous retient ici ? Vous comptez attendre jusqu'au troisième jour ?

Car il ne semblait pas avoir envie de partir et encore moins pressé de le faire. Au contraire, il avait l'air bien trop à l'aise et ça me dérangeait. N'est pas à l'aise qui veut face à moi !

Un sourire sincère s'invita sur les lèvres du jeune garçon, creusant au passage les fossettes juvéniles de ses joues. Attendre jusqu'au troisième jour ? Elle ne croyait pas si bien dire, après tout... il avait l'éternité devant lui !
Alors qu'un léger rire enfantin secouait sa mince silhouette, Oskar ne délogeait pas de son fauteuil, les avant-bras reposant négligemment sur les accoudoirs de ce dernier.

A le regarder, on aurait pu le croire chez lui, pourtant installé dans le bureau de la propriétaire des lieux. C'était cette légèreté juvénile qui lui donnait une assurance spontanée, immédiate.
Oskar vivait au jour le jour pour l'éternité. Il avait appris la patience, l'endurance. Et gardait pourtant intacte l'ironie malicieuse de sa jeunesse.
- Ce qui me retient ici ? Probablement votre charmante compagnie !

Oskar ne pouvait s'empêcher de jouer. Tester les limites, la patience des autres. Chercher à voir lesquels savaient voir au delà des apparences, lesquels percevaient son jeu. Lesquels étaient déstabilisés par l'enfant éternel et à l'inverse, lesquels s'accommoderaient d'un face à face avec cette tête d'ange moins sage qu'elle ne paraissait l'être.

L'allure bon enfant du jeune homme me semblait être une bien belle façade. Son visage angélique ne démontrait qu'une opposition totale avec les piques qui s'échappaient de sa bouche. Un petit démon angélique, voilà qui le caractérisait assurément. Lorsqu'il me répond que c'est ma "charmante compagnie" qui le retient ici, je finis par rouler légèrement des yeux.

- Et bien ma charmante compagnie vous libère. J'ai d'autres soucis à régler qu'un gamin qui veut se la jouer adulte. Vous n'avez qu'à revenir lorsque votre plan pour entrer sera plus au point.

Je lui adresse un clin d'oeil puis j'appuie sur une touche de mon téléphone. Un des agents de sécurité arrive alors et se plante près de la porte, les bras croisés.

- On va vous raccompagner.


HJ : Désolé de couper comme ça, mais avec la maj qui arrive on n'a pas trop le choix On s'en fera un autre si tu veux !

Laissant un sourire flotter sur ses lèvres, le jeune garçon acquiesce aux paroles de celle qui lui fait face. Se relevant du fauteuil qu'il s'était approprié avec ses airs d'enfant innocent, il réajuste son béret sur sa tignasse blonde, saluant la jeune femme au passage.

-Et bien, cela sera un plaisir de vous revoir, Madame.
Oskar fit deux pas en arrière, en soutenant le regard de cette dernière de ses yeux bleus pétillants de malice, avant de faire volte-face pour rejoindre l'armoire à glace qui venait de se planter à l'entrée du bureau sur ordre de la maitresse de maison.

D'une légère moue, le garçon s'adressa à celui-ci brièvement, le temps de lancer un "Vous en revanche, rien de plaisant à vous côtoyez... Ne vous avisez pas à me reprendre par le col encore une fois !" avant de quitter définitivement les lieux... jusqu'à la prochaine fois, qui ne saurait tarder.


HJ : Pas de soucis, et comme dirait Oskar, avec "plaisir" pour un futur RP