Une perquis' exquise (Eretria P. Syclista, Lilith N. Syclista & Magnus H. Beornsson)

Alors qu'il franchit les portes du hall d'entrée, Magnus Halvor Beornsson le sait. La journée va être longue.
Cela faisait déjà quelques temps que cette affaire lui prenait une partie de ces journées, et cela ne présageait rien de bon. Déjà, il estimait que cette perquisition avait été trop anticipée. Certes, il valait mieux prévenir que guérir dans son cœur de métier, mais tout de même... il ne pouvait s'empêcher de penser que cela arrangerait bien certaines personnes, que le Paradise Night Club soit sous le coup d'une perquisition, et que cela était la raison pour laquelle ses supérieurs avaient insisté pour qu'elle se fasse aujourd'hui, à peine une semaine après la première lettre.

Magnus ajusta d'un geste familier son blouson, qui ne permettait pas vraiment de deviner son statut dans la Police Royale Norvégienne. C'était une habitude pour lui de ne pas afficher de brassard officiel, et encore moins de l'uniforme. Inutile de s'afficher comme un panneau de signalisation pour indiquer son métier, au besoin, il avait son badge et sa carte. Et puis au moins, cela évitait les mouvements de foule, ce qui était un avantage certain dans l'idée de rester discret auprès de la clientèle du club.
D'ailleurs, ce fut sans ordres oralisés, mais d'un simple mouvement de tête qu'il indiqua à ses équipes entrées à sa suite de se disperser dans le bâtiment, chacun sachant déjà ce qu'ils avaient à y faire. Et pour sa part, il gagna l'accueil d'un pas assuré avant de se poster au comptoir pour s'adresser à son occupant.
- Beornsson, Police Royale Norvégienne. Prévenez vos supérieures que l'établissement est sous le coup d'une perquisition et que leurs présences sont requises à l'accueil.

Ces mots dits, l'homme se désintéressa immédiatement de l'interlocuteur qui aurait la charge de prévenir les sœurs Syclista. Eretria et Lilith... bien sur, comme à chaque fois qu'il travaillait sur un dossier, Magnus avait anticipé le maximum. Lorsque la première lettre était parvenue au poste de police, l'homme avait aussitôt chargé une personne de son équipe de se renseigner sur le Paradise et toutes affaires annexes... et le dossier remis par le vampire qui le secondait dans l'aspect administratif de ses enquêtes relevait plus du recueil de quatre cent pages que d'une annonce publicitaire.
Malgré cela, Magnus n'avait pas souhaité lancer d'opération sur le terrain à ce moment de l'enquête, et cela avait du agacer l'expéditeur de la lettre puisqu'il avait envoyé une deuxième, à peine trois jours après la première.

Magnus n'aimait pas les Corbeaux. Les indics ou les tuyaux filés sous le manteau, ça lui allait, il comprenait que certains échangent informations contre argent. Mais la dénonciation ? Si seulement elle était signée encore, il pourrait imaginer un justicier dans l'âme, quelqu'un qui voulait améliorer la société et le quotidien de sa ville... mais un Corbeau, dénonçant et fustigeant quiconque, qu'il s'agisse d'un établissement ou ses propriétaires, Magnus n'aimait pas. D'instinct, c'était louche, d'instinct, le feeling était malsain.
Lors de la deuxième lettre, c'était donc sur l'expéditeur de la lettre que Magnus avait demandé des informations à son vampire de prédilection. Quoiqu'il puisse trouver comme informations, la provenance, des empreintes, un type d'écriture... n'importe, il voulait afficher ce Corbeau. L'épingler.
Sans pour autant négliger le Paradise, y envoyant son indic en éclaireur, sait-on jamais.

Cela n'avait pas plus au Corbeau. Une troisième lettre était arrivée.
Cela n'avait pas plus à sa hiérarchie, et l'ordre d'une perquis' avait été donné.

Magnus avait roulé jusqu'à l'établissement en ressassant l'histoire dans sa tête, il y avait un truc pas net. Venant de l'établissement ? Certes, pour beaucoup d'âmes sensibles, il devait faire se détourner beaucoup de regards... mais dans le fond, la thèse des sœurs coupables, il n'y croyait pas trop. Il les pousserait dans leurs derniers retranchements bien sur, histoire d'en être certains, et que ses supérieurs soient satisfaits de l'investissement donné dans cette enquête...
Magnus secoua la tête. Le nombre d'agents qu'on lui avait collé dans les basques pour patrouiller dans ce dossier était bien trop conséquent, une armada autour de l'établissement... Encore heureux qu'il ait obtenu le fait que n'y entre que sa propre équipe d'élite, effectif réduit. Et discret. Du genre à se balader dans les couloirs, yeux et oreilles grands ouverts, se servant de leur flair de flics et, il faut bien l'avouer, d'êtres surnaturels... Eux au moins savaient se fondre dans la masse, sans faire de vagues dans l'établissement, discrets, efficaces.
Les branquignoles d'humains collés sur l'affaire par les grandes directives venues d'en haut, ils étaient très bien dans la rue. A faire le guet dans le périmètre. De préférence large, le périmètre, le plus loin possible de Beornsson et mieux il se portait.

Magnus reporta son intérêt sur le moment présent. La personne de l'accueil avait passé le message, et les deux Miss Syclista ne devraient plus tarder à apparaître. Un court moment il se demanda quelles réactions allaient-elles lui montrer en apprenant l'ordre de perquisition lancé contre leur établissement. Se demandant aussi si elles joueront cartes sur table ou tenteront de la lui faire à l'envers... Magnus n'était pas dupe, il savait qu'elles n'étaient pas humaines. Et il savait qu'elles s'apercevraient que lui l'était.
Il s'en fichait.
Magnus était Magnus, où plus précisément pour le moment, "Beornsson, Police Royale Norvégienne". Cette histoire, il allait la tirer au clair.

Je dois dire que je suis beaucoup moins prise par l’hôpital depuis que j’ai avancé dans mes études. Cela me permet de mieux respirer et d’avoir une vie un peu plus convenable. Surtout lorsque je vois que ma sœur n’a nullement abandonné l’idée de lâcher ce club. Bon je dois dire que je commence à m’y faire, même si ça je ne lui avouerais jamais. Lilith et moi cependant nous ne sommes plus que toutes les deux sur le coup. Avant j’avais Lucifer avec moi, mais ça c’était avant… Il est partie et je ne vais pas le pleurer, je ne suis pas comme ça. Il veut partir qu’il parte, je m’en sortirais tout aussi bien et puis Lilith m’intègre au plus dans ses plans… Alors je ne me sens nullement mise de côté même si je ne suis pas au PNC tous les jours. Non j’ai un « vrai » boulot à côté de ça. Je continue cependant à prendre soin des gens qui sont présents ici, ils savent que la « gentille patronne » c’est moi. Lilith n’est pas du genre à les écouter pleurnicher. Je met des parenthèse puisqu’au fond celle dont il faut le plus se méfier c’est certainement moi. Lilith fonce, elle est cash, moi je suis plus double face…

Tout ça pour dire que ce soir je suis au club, je suis actuellement dans mon bureau, ma sœur en face de moi. Il y a quelque temps nous étions convenues d'aménagement à faire au sein du club, le problème ? Le budget ! On tente donc de savoir comment faire et surtout de se mettre d’accord… D’après Lilith on baisse le salaire de chacun et voilà, mais ce n’est pas si simple ! Nous sommes soudainement coupés par l’un de nos employés justement. Un homme nous demanderais, quelqu’un de la police si je comprends bien. Je fronce les sourcils et jette un coup d'oeil à ma sœur.

« Qu’as-tu encore fait ? »

Je signale ensuite à l’employé que nous arrivons. Je regarde encore ma sœur afin de replacer mes cheveux long et ondulé ainsi que mon haut qui c’était un peu relever en étant penché ainsi sur la table. Je suis en pantalon, je suis dans des couleurs sobres et neutres, rien de sexy chez moi en ce qui concerne ma tenue en tout cas contrairement à ma sœur. Je pars ensuite en directement de l'accueil. Remarquant un homme, je tends immédiatement ma main afin de le saluer en souriant.

« Bonsoir, Eretria Syclista et vous êtes ? »

Je ne l'avouerais jamais à personne, mais franchement de tenir le rythme de l'hôpital et d'être ici tous les soirs, presque sans exception, ça devient de plus en plus compliqué. J'aurais besoin de vacances. Oh oui.. De longues vacances sur une plage ou en Italie. Sur une plage en Italie, ça serait encore mieux. Des vacances de rêves. Mais je ne fais confiance à personne en ce qui concerne le club, même pas Eretria. Hors de question que je laisse ce petit bébé entre des mains qui risqueraient de ne pas le chérir autant que ce que je peux faire moi-même. Non, non, tant pis pour les vacances. Ou alors seulement de l'hôpital. Ah oui, c'est pas mal comme idée ça.

En tout cas, je n'ai pas le temps d'y penser maintenant, car je suis en train de tenter de convaincre Eretria pour faire des modifications au sein du club, lui redonner un petit coup de fraicheur. Franchement, bien payer ses employés, c'est surcôté. Avoir une belle déco par contre.. C'est bien plus important ! Mais nous ne sommes pas du même avis, comme la plupart du temps. Je dois toujours me battre, c'est épuisant à la fin. Je tourne la tête vers la porte lorsqu'un employé ose nous déranger.

- Quoi ?

Il parle alors et je fronce les sourcils encore plus. Et aux paroles d'Eretria, je ne peux pas m'empêcher de rouler des yeux.

- Pourquoi est-ce que ça serait forcément de ma faute ? Non, c'est certainement un employé qui ne tient pas à son boulot qui a fait une connerie et il va bien le regretter, laisse-moi te le dire.

Je me lève alors, ma robe rouge moulant mon corps à la perfection alors que je suis ma soeur jusqu'au hall d'entrée. Elle se présente la première et je laisse alors les présentations se faire avant de tendre ma main à mon tour.

- Lilith Syclista. Que peut-on faire pour vous aider ?

Autant se montrer aimable le temps de savoir de quoi il en retourne. Mais vraiment, il ne me semble pas avoir fait quelque chose de mal dernièrement.. Ou peut-être que ma notion du bien et du mal est un peu floue.. C'est bien possible aussi. Mais de là à faire une perquisition ? Non, vraiment, je ne crois pas avoir fait quelque chose de si terrible.

Magnus n'avait pas manqué d'observer les jumelles à l'instant même où elles étaient apparu dans son champs de vision. Déformation professionnelle... immédiatement, il se fit un premier avis sur chacune d'elles, d'instinct, par réflexe. Avis qu'il nuança dans la fraction de seconde même qui suivait parce qu'encore, d'instinct, il savait à quel point les situations et les gens pouvaient toujours être beaucoup plus complexes que ce à quoi on s'attendait.

Il les salua sobrement, prenant les mains qu'elles lui tendaient à tour de rôle en se présentant, les serrant brièvement mais avec assurance. L'assurance du flic, à ne pas en douter. Magnus s'était investi dans cette affaire dès la première lettre du Corbeau, et il était bien déterminé à avoir le dernier mot... lui clouer le bec tiens, à ce volatile de pacotille.

- Magnus Beornsson, Police Royale Norvégienne. J'ai un mandat de perquisition pour votre établissement.
Il leur montra le papier correspondant, qui était tout à fait authentique. Et enchaina directement en répondant à la phrase glissée par l'une des deux femmes.

- Toute aide de votre part est la bienvenue, et votre coopération sera prise en compte dans l'examination finale du dossier.
Autant comprendre par là que si elles parlaient d'elles même pour raconter ce qui pouvait être la cause de la perquis', et bien elles prendraient moins cher au tarif que si c'était lui qui apportait la preuve de leur culpabilité à ses supérieurs. Pas besoin d'être un génie pour comprendre le sous-entendu, et la perche lancée pour d'éventuelles confessions.
Enfin, pour cela, encore fallait-il qu'elles aient quelques choses à confesser. Et là encore, Magnus avait un doute. Leur établissement n'était peut-être pas le plus irréprochable de la ville, mais de là à coffrer les deux sœurs... il y avait quand même un sacré pas à franchir.

Leur laissant quelques instants pour qu'elles se décident si oui ou non elles avaient le moindre élément à avouer en leur âme et conscience -si jamais les démons peuvent avoir une âme, mais ceci est un autre débat-, Magnus meubla le silence de quelques informations sur la situation.
- Mon équipe procède actuellement la perquisition en toute discrétion, avec une tenue de civile. Mon but n'est pas de dégrader l'image de votre établissement avec un contrôle de police trop visuel, qui développerait les "on-dit" concernant la légalité de votre Paradise. Néanmoins, sachez que des renforts plus... "expéditifs" se situent à proximité et peuvent intervenir si le besoin se fait sentir.

Le "si" n'était pas anodin dans sa phrase. C'était clairement une indication qu'il pouvait y avoir une issue cordiale à cette entrevue. Magnus pouvait très bien ne jamais faire appel à ces renforts expéditifs qui mettraient à mal l'établissement. Elles avaient tout à gagner en conservant une coopération avec lui, surtout si son équipe ne trouvait rien dans la perquisition... alors la thèse du Corbeau coupable prendrait de la valeur, et celles des sœurs coupables du plombs dans l'aile, si on pouvait se permettre ce jeu de mot.

Lilith peut être un peu « passive-agressive » parce que le pauvre employé n’a rien demandé et vient de se prendre le « quoi » le plus froid de tout l’univers des « quoi ». Oui, je n’exagère même pas ! Rapidement, on est mise au courant de ce qu’il se passe, bien évidement j’accuse Lilith avant même de savoir la vraie raison parce que je connais ma sœur. Je sais de quoi elle est capable.

« Parce que tu ne fais jamais rien de bien sécuritaire, Lilith... »

Je réponds tout simplement ça avant de quitter le bureau. Plus vite nous rejoindrons cette personne, plus tôt nous saurons de quoi il en retourne au final, non ? Face à l’homme, nous nous présentons tour à tour, mais n’avons pas vraiment la même façon de l’aborder. On peut dire en tout cas qu’il a une sacré bonne poignée de main, sans pour autant faire mal. Cependant lorsqu’il se présente comme étant de la police mes sourcils se froncent légèrement et je me tourne vers Lilith, vraiment d’un regard accusateur comme « tu es sure que tu n’y es pour rien ? » heureusement je n’ai pas besoin de le dire à voix haute. Nous sommes jumelles, nous nous connaissons par coeur et nous pouvons échanger un rapide et bref regard qui paraît anodin pour certain, mais qui veut dire beaucoup entre nous. Devant la police c’est pratique !

« Je vois, mais… Pourquoi ? »

Il enchaine alors sur le fait que toute aide de notre part sera la bienvenue. J’imagine bien oui, mais s’il fouille trop, je pense que Lilith risque de péter un plomb. Dans tous les cas, on ne pouvait rien faire, il nous avait montré le mandat et celui-ci semblait bien réel… Hormis ma question, à vrai dire, je ne savais pas trop quoi poser. Lilith gérait certainement mieux ce genre de chose. J’étais si détachée de l’établissement que j’étais totalement perdue.

Je n'appréciais pas du tout la tournure que prenait les évènements. Déjà, ma soeur remettait en doute ma capacité à bien gérer ce club et ça ne me plaisait pas du tout, mais en plus maintenant l'homme se présentait comme faisant parti de la police royale norvégienne. Super, comme si on avait besoin de ce genre de contre-temps. Je reste impassible au départ, puis lorsqu'il parle de mandat de perquisition, je fronce un peu les sourcils avant de prendre la papier, comme pour pouvoir vérifier moi-même que tout est bel et bien en ordre, après avoir échangé un rapide coup d'oeil avec ma soeur.

- J'ai la même question. C'est bien joli de nous dire que notre aide vous sera utile, mais si vous ne nous dites pas de quoi il en retourne, ça risque d'être compliqué puisque nous n'en avons aucune idée... Et puis, si vous nous l'aviez demandé, nous aurions bien entendu accepté que vous laissiez vos hommes fouiller l'établissement, nous n'avons rien à cacher, le club est parfaitement légal.

Je lui redonne son papier, lui adressant un sourire, confiant. Je sais très bien qu'il ne trouvera rien, en tout cas, rien dont je ne sois au courant, du coup ça n'efface pas totalement la possibilité qu'un employé ait fait des siennes, mais soit. On n'envisagera pas cette possibilité.