Coincées à deux (Ft. Clara E. Hansen)

Aujourd'hui, je venais rendre visite à Liorah, comme bien d'autres jours dans la semaine. Sauf qu'aujourd'hui du coup je viens en pleine après-midi et pas en soirée, comme habituellement je viens plutôt à la fin de ma journée de travail. J'ai apporté de nouveaux livres ainsi qu'une clé usb avec des films pour elle. Je décide de prendre l'ascenseur pour pouvoir aller plus vite et ne pas trop forcer dans les escaliers avec mon sac. Les portes allaient se refermer, mais je les retiens en voyant qu'une jeune femme souhaite monter.

- C'était de peu !

Je lui souris alors puis je me mets un peu plus au fond, ne réalisant pas forcément que je l'ai déjà croisée auparavant.

Malgré que j'ai un fort penchant pour l'artistique, je suis du genre généralement assez routinière. J'aime bien avoir mes petites habitudes, mes petites manies, mes petits moments bien réglés comme des horloges ! Bon, il m'arrive également d'avoir envie de toute envoyer valser et de ne pas du tout être contre quelques imprévus agréables, mais quand vient le moment de voir ma fille, je suis du genre assez terre à terre, organisée et tenant à venir la voir le plus souvent possible. Je me dis que ça ne doit vraiment pas être facile pour elle, d'être enfermée presque continuellement dans cet hôpital depuis des années ... J'aimerais vraiment que les médecins réussissent à trouver l'explication à ses maux, qu'elle puisse retrouver une vie normale sans se retrouver à bout de force au bout de quelques heures ... C'est surtout de se dire que parfois elle va très bien et que parfois elle a des crises, des rechutes, qui la mettent encore plus à terre ! Pour mon coeur de mère, ce n'est vraiment pas facile du tout. Je voudrais pouvoir en faire plus, être là tout le temps, lui faire rencontrer des spécialistes qui pourraient l'aider encore mieux, j'aimerais inventer des remèdes, trouver une formule même dans un vieux grimoire pour la faire aller mieux ! Mais malheureusement, j'ai mis la magie de côté depuis si longtemps, que même si je le voudrais, je ne saurais pas où chercher ... Bien entendu, il y a Dunkan vers qui je pourrais peut-être me tourner, il y a aussi la charmante Joanne qui pourrait peut-être m'être d'une certaine utilité, mais ... Je n'ose pas les mêler à ce que je considère être comme ma vie privée. On dirait aussi que j'ai peur d'oser mettre le nez dans la magie. J'ai tellement passer de temps dans ma vie à la fuir, à la cacher, à l'enfoncer la plus loin possible en moi pour ne rien laisser transparaitre que j'ai peur des conséquences à chaque fois que je ne fais que l'effleurer ... Tout ça c'est terrible comme sentiment. Un sentiment difficile à contrôler et à gérer, mais quelque chose que je n'ai pas le choix de porter au quotidien, jusqu'à ce qu'on trouve un jour enfin l'explication des tourments de Liorah. Et chaque jour qui passe où je viens dans cet endroit, je vois Aedan, mon fils et je me questionne ... Encore à ce jour, j'ai du mal à comprendre ce qui l'a fait changer autant ... Peut-être que la clé se trouve là au final, depuis tout ce temps ... Je suis finalement sortie de mes pensées en voyant du mouvement, celui des portes de l'ascenseur qui se referment, mais surtout une jeune femme qui arrive en courant pour tenter d'entrer. Elle me remercie en entrant, je peux entendre à son souffle qu'elle a du courir pas mal dans les dernières minutes. Je souris alors doucement, posant mon regard sur elle.

- C'est normal ! Je sais à quel point ça peut être emmerdant de devoir attendre après les ascenseurs, surtout quand on est pressées, comme vous semblez l'être. Vous allez à quel étage ?

Comme elle semble avoir oublié d'appuyer sur le bouton et que je suis à côté, je me dis que je peux bien lui donner un petit coup de pouce supplémentaire et lui permettre de continuer à reprendre son souffle. Elle me demande alors si on s'est déjà croisé et je l'observe alors quelques instants de plus.

- Hm ... Ah ! Oui ! Le petit accident de café ! Je vous rassure, mon chemisier va bien, pas de perte à déclarer !

Je ris alors doucement et je décide de prolonger la conversation encore un peu. On a bien quelques bonnes secondes, même sans être trop indiscrète !

- Vous travaillez ici ou vous venez pour un rendez-vous ou visiter quelqu'un ?

La jeune femme semble vraiment être remplie d'énergie et je ne peux malheureusement pas savoir si c'est à cause de l'adrénaline d'avoir failli rater l'ascenseur ou si elle est toujours comme ça, car je n'ai qu'un très vague souvenir de notre première rencontre. En tout cas, elle parle beaucoup et du coup ça me fait rire légèrement.

- Ravie d'avoir pu vous éviter une séance de sport matinale du coup. Ça vous évite aussi la montée des marches quatre à quatre !

Je souris un peu puis j'appuie donc sur le bouton pour le cinquième étage comme elle me l'indique. Elle me parle alors de mon chemisier de la dernière fois et je la rassure en lui disant que la tache est partie, mais elle semble encore très déterminée, comme à son arrivée dans l'ascenseur, ce qui me fait sourire un peu.

- Vous n'en aurez pas besoin du coup, vous pouvez vous reposer les bras !

Je souris puis je la questionne à mon tour cette fois, sur le pourquoi elle est ici. Je hoche donc la tête quand elle me dit être infirmière, souriant à nouveau.

- Ah vous devez certainement connaître mon fils alors, Aedan Cursse. Je viens rendre visite à sa soeur, elle est hospitalisée ici depuis ... Un certain temps.

Je n'aimais pas trop penser au nombre de temps qu'elle était ici, je le vivais toujours comme un certain échec.

Je n'avais pas forcément une mauvaise impression de cette jeune femme alors de la recroiser ici, ça ne me posait pas de souci. Je l'accueille tout aussi chaleureusement que je l'aurais fais pour quelqu'un d'autre, ça n'a rien d'incongru pour moi. Je ris un peu à sa réponse avant de hocher la tête.

- Généralement, il vaut mieux commencer sa journée un peu plus calmement alors oui, vous devriez être dans de bonnes conditions et pas dans un état complètement incongru !

Je souris puis finalement, j'en viens à lui parler de pourquoi je suis là, de mon fils et de ma fille, et j'avoue que je ne peux qu'être surprise lorsqu'elle me dit qu'elle aime bien mon fils. Je pense que la surprise doit même se lire sur mon visage pendant une seconde. Ça me parait tellement incongrue que je ne peux pas la retenir.

- A-ah bon ? Pardon, ma réaction doit vous semblez un peu incongrue, mais c'est juste que ça me semble rare de croiser quelqu'un qui aime bien mon fils, il a un caractère un peu particulier ...

Je fais un petit sourire, comme gênée, mais je ne sais pas trop si c'est à cause du caractère de mon fils justement ou parce que je "balance" comme ça. Elle me parle ensuite de Liorah, situation un peu incongrue au final de parler de mes enfants comme ça dans l'ascenseur avec quelqu'un qui les connait comme elle visiblement. Je hoche alors la tête, tristement.

- Oui, c'est ça et oui, c'est très compliqué ... Mais je tente de garder espoir, de venir la voir le plus souvent possible pour lui donner un semblant de vie normale, mais c'est difficile ...

Je fais une petite moue avant de me mordre la lèvre.

- Et vous, vous êtes infirmière comme Aedan du coup ?

Car elle pouvait le connaître sans faire exactement le même métier que lui au final, ça ne serait pas complètement incongrue !

La jeune demoiselle était gentille et je n'avais donc aucun regret à l'avoir aidé à ne pas devoir monter tous les escaliers jusqu'à l'étage où elle voulait arriver. Cependant, je ne peux cacher ma surprise lorsqu'elle me dit qu'elle connaît Aedan, mais surtout qu'elle l'aime bien. Ça, c'est très surprenant, mais je décide d’être honnête, lui avouant alors que c'est rare de croiser quelqu'un qui aime bien mon Aedan au vu de son caractère. À sa réponse, je ne peux m'empêcher de sourire. Peut-être pourrait-elle être celle pour qui son coeur battra un jour ? Cependant, je ne m’emballe pas, car si Aedan n'est pas trop apprécié des autres, peut-être ne les apprécie-t-il pas lui aussi …

- Je vous avoue que ça me rassure un peu… C'est souvent dur pour un cœur de maman de voir son petit être … Solitaire ?

Je ne sais pas trop si c'est le bon mot à vrai dire, mais c'est le seul qui me vient à cet instant. Nous parlons par la suite de Liorah et que sa situation est compliquée et que je tente de garder espoir et de lui donner une belle vie quand même. Je souris à nouveau à ces mots et ma tête se hoche doucement.

- Je l'espère … Même si à certains moments c’est compliqué de garder espoir …

Je la questionne par la suite à savoir si elle exerce le même métier qu’Aedan et hoche la tête de nouveau.

- J'espère que vous réussirez peut-être à changer un peu l’avis de vos collègues à son sujet alors… Ça ne doit pas être simple de travailler dans une ambiance qui peut être tendue, non ? Les autres doivent être surpris que vous vous entendiez bien…

Je lâche alors un petit rire.

Je ne sais pas trop pourquoi je lui confie autant de choses, mais il faut croire qu'elle dégage quelque chose qui me met en confiance. On parle d'abord un peu d'autant et je suis rassurée du coup d'apprendre qu'elle, elle le trouve sympathique. On discute ensuite de Liorah et elle m'encourage à rester positive, ce qui me fait avoir un petit sourire un peu triste.

- Après autant d'années à être positive, je peux vous assurer que ça ne fait pas tout ...

Mon ton est un peu las. Celui de la mère qui veut continuer à se battre, à s'accrocher, mais ... Qui trouve ça difficile de ne pas avoir trouvé de solutions après toutes ces années.

Je me renseigne ensuite sur l'ambiance et je hoche la tête avec un petit sourire.

- C'est une bonne nouvelle tout ça alors ...

Les portes de l'ascenseur s'ouvrent finalement.

- Ah, c'est mon étage. Je vais vous laisser, c'était vraiment un bonheur de parler avec vous. J'espère qu'on se reverra rapidement.

Je lui adresse alors un sourire avant de sortir de l'ascenseur.

HJ : Je te laisse clore pour qu'on en fasse un plus récent ?