Séance après la séance ? | Artemis Esperanza

Est-ce que je vais mieux ? C'est une bonne question. Une question à laquelle j'ai moi-même beaucoup de mal à répondre alors quand vient le moment de donner ma réponse à mon psychologue, j'avoue que j'ai du mal à formuler mes phrases. Oui, je me sens mieux. Mais en même temps, je sens que ça ne va pas encore parfaitement bien. Oui, je pense qu'au final c'est ça : je me sens mieux, mais je ne vais pas bien.  Je ne me fais pas confiance en réalité et je pense que le gros de mon problème vient de là. Comment pourrais-je me sentir bien, en me faisant même pas confiance à moi-même ? C'est beaucoup trop compliqué. Comment avancer en ne faisant pas confiance à la personne que je côtoie forcément tous les jours, que je côtoierais jusqu'à la fin même ? Impossible d'avancer comme ça.

Voilà en partie pourquoi je suis suivie beaucoup plus régulièrement qu'avant maintenant parce que les médecins voudraient que je partes, mais il faut à la fois mon accord à moi, mais aussi celui du psychologue. Peut-être que lui, il voudrait me laisser partir aussi, mais pour le moment, il ne me pousse pas trop vers la sortie, en tout cas je ne me sens pas pressée, bousculée. Je dirais que ça va. On a une bonne relation, avec lui je me sens quand même suffisament en confiance pour me confier un minimum, ce qui est déjà beaucoup.

Je lui ai parlé d'Aedan, de ce que je ressens pour lui. Je lui ai parlé d'Eliaz, de notre relation un peu compliquée. Je lui ai parlé d'Eretria, qui est un peu une bouffée d'oxygène ici pour moi. Je lui ai parlé de Riel et de sa proposition d'aller vivre chez elle une fois sortie d'ici. Je lui ai parlé de Liorah et Hannah aussi, celles que j'ai rencontré ici et que j'espère pouvoir continuer à voir en dehors de ces murs, si un jour on parvient à en sortir. Je lui ai parlé d'Athena, qui est revenue, sortie de nulle part, et que je n'ai pas recroisée depuis ... Ma soeur à qui je n'ai du coup encore rien dit sur ma condition ... Je lui ai parlé de Crystal aussi, de la relation qu'on commençait à avoir, à construire, avant qu'elle ne disparaisse du jour au lendemain ... Et je pense que ça m'a aidé de parler de tout ça, de voir qu'au final, je n'étais pas aussi seule que je le pensais, pas aussi enfermée que je le pensais ... Que j'avais des gens sur qui compter, en attendant de pouvoir compter sur moi en fait.

Je sors finalement du bureau en venant essuyer une dernière larme rougeoyante qui roulait sur ma joue avec un mouchoir. Je relève les yeux en entendant une voix m'interpeller je crois. Je ne m'y attendais pas, alors je sursaute, mais je souris directement en voyant et reconnaissant mon amie Eretria.

- Hey ! Et bien pour une surprise, ça en est toute une ! Je ne m'attendais pas du tout à te voir là ! Bah oui avec plaisir ! Il n'y a jamais personne habituellement quand je sors, enfin si il y a un infirmier qui me raccompagne, mais personne avec qui je peux vraiment discuter alors ... Je suis vraiment contente que tu aies eu cette idée.

Je souris alors doucement, passant ma main dans mes cheveux pour me recoiffer un minimum, passant aussi au passage mes mains sur mes joues pour chasser toute possible trace de larmes.

- Ça va, ça ne se voit pas trop que je sors d'une séance chez le psy ?

Je ris un peu.

- Mais ... D'ailleurs, ça ne va pas te mettre en retard ou quoi de m'accompagner hein ?

J'avais toujours peur de la déranger comme elle fait un métier très important !

Je ne m'attendais vraiment pas à voir Eretria à ma sortie de séance chez le psychologue, mais ça me fait vraiment une très bonne surprise. Je suis contente de la voir, je la considère vraiment comme une amie proche désormais. J'essuie mes larmes en tentant d'être discrète puis je chiffonne mon mouchoir dans mon poing, avant de l'enfoncer dans la poche de mon pantalon pour le cacher.

- Ah, grosse journée ? Opérations compliquées ?

Je fais une petite moue, compatissant avec elle, même si je n'ai aucune idée d'à quel point une opération peut vraiment être compliquée pour elle, car pour moi tout serait compliqué justement ! Je lui demande comment je suis et je souris à sa réponse, avant de rire doucement à la fin de sa phrase.

- J'apprécie l'effort ! Bien trouvé ! Je pense que je vais demander à ce que ça soit la nouvelle norme comme compliment !

On commence alors à marcher tranquillement puis je m'inquiète un peu quant au fait de lui prendre peut-être trop de temps, mais je suis rassurée par sa réponse en quelque sorte.

- Ok ! Ça te plait toujours autant d'ailleurs ? Ce n'est pas trop fatiguant comme travail ?

Je suis contente de voir Eretria, même si les circonstances font que j'ai quelques larmes aux yeux, je pense qu'en sa compagnie, je vais rapidement les faire sécher ! Je me renseigne plus à son sujet à elle et je hoche la tête à ce qu'elle me dit.

- Ah oui clairement c'est vrai que parfois ça doit être assez dur à gérer ... Quand je vois comment des patients vous parlent ou pire, leurs proches ... Je ne voudrais pas être dans vos baskets !

Quand je pense même à comment moi j'étais au départ au final ... ! Mais ça je me garde bien de le rajouter ! On continue de parler et je souris en l'entendant dire qu'elle se sent plus libre et qu'elle compte bien l'être encore plus du coup.

- Ça c'est top ! J'aimerais bien pouvoir me sentir aussi libre ... Mais avec tout le taff que tu as du faire pour en arriver là où tu es, c'est amplement mérité !

Je souris un peu puis je le perds quand elle me renvoie la question, me faisant me mordre un peu la lèvre.

- Ça ... a été un peu compliqué. Disons qu'elle m'a dit des choses qui sont assez difficiles à entendre, mais ... Je pense qu'au final j'avais besoin de les entendre pour avancer, tu vois ?

Je pense qu'Eretria tente de me rassurer un peu quant au fait qu'elle savait dans quoi elle s'embarquer en choisissant ce métier, mais je fais tout de même une petite moue.

- Je me doute, mais bon, les gens pourraient faire des efforts quand même ... Vous faites de votre mieux pour sauver les gens, sauver des vies, et certains vous traitent comme des esclaves ou des incompétents alors que sans vous ils n'auraient même pas eu un seul espoir de se sauver ou de sauver leurs proches, ça me rend dingue ... Mais c'est vrai qu'avec l'émotion et tout ça, parfois certains ont du mal à se gérer ... Tu as déjà eu un patient qui s'est excusé pour une crise comme ça ?

Je pense que ça me fait du bien de me concentrer un peu sur autre chose le temps de quelques minutes, ça me fait me calmer un peu de ma séance. Elle me dit qu'elle pense que l'hôpital s'était bientôt un lointain souvenir pour moi et je fais un petit sourire, mais un peu triste.

- Je ne pense pas que ça soit pour bientôt malheureusement ...

On avance dans le couloir alors que je lui dis quelques trucs sur ma séance et je suis touchée de voir qu'elle semble vouloir en savoir plus. On entre dans l'ascenseur et j'appuie mon dos à la paroi.

- Bah en fait ... Ce qu'elle m'a dit c'est que la seule chose qui m'empêchait de sortir d'ici ... C'est moi-même ... Que je me mets des bâtons dans les roues, que je m'auto-sabote en fait et que ... Je le fais certainement de façon inconsciente, mais que c'est sûrement parce que j'ai peur de me retrouver toute seule dehors ...

Je me mords la lèvre puis je sors de l'ascenseur puisqu'on arrive alors au bon étage. Je me dirige lentement vers ma chambre, comme si je n'avais pas trop envie d'y retourner non plus. Au final, après cette séance, j'ai un peu l'impression que ma place n'est nulle part ...

En tant que patiente depuis des années, j'en ai vu des choses passer, mais certainement pas autant qu'elle, car je ne suis pas forcément là aux moments où les médecins parlent à leurs patients, leurs annonce de mauvaises nouvelles ou quoi que ce soit, alors elle a du vivre des choses bien pire ! Alors, j'avoue que j'en suis un peu inquiète, car je sais qu'elle est le genre de médecin impliquée et qui va tout donner pour ses patients, alors elle ne mérite vraiment pas des mauvais traitements de la part des patients ou de leurs familles. Elle me rassure alors et je finis par sourire un peu et hocher la tête.

- Là-bas, ça doit être les clients râleurs aussi qui sont problématiques ? Et bon, ça va alors, si ça te permet d'avoir de bons moments aussi ... Ça me rassure.

On parle par la suite de moi, de ma séance, et je me confie assez à Eretria. Je sais que je peux lui faire confiance, je la considère vraiment comme une amie. Elle me demande pourquoi et j'en viens donc à lui confier un peu plus de détails, sur l'avis de la psy. Je me mords un peu la lèvre lorsqu'elle me demande du coup mon avis à moi et je viens passer ma main sur ma nuque, un peu incertaine.

- Je sais pas trop ... Je pense que dans un sens, elle a raison parce que j'ai peur, mais de l'autre côté, j'ai vraiment envie et hâte de sortir d'ici alors ... Je sais pas ... J'aimerais m'enlever cette peur et pouvoir être certaine de me contrôler en fait, ça c'est ce qui est sur ...

Maintenant que nous sommes arrivées dans ma chambre, je me pose sur mon lit en parlant, venant soupirer à la fin, un peu tristement.

- J'ai l'impression que c'est impossible ... Pourtant, il doit bien y en avoir là dehors des vampires comme moi qui ne sont pas que des prédateurs sanguinaires ... non ?

Je pense que ça me fait du bien aussi de parler avec quelqu’un qui n’est pas payée pour le faire. Pas que je ne me sentes pas écoutée ou soutenue par ma psy, mais … De l’être par une amie, c’est encore autre chose, ça fait du bien. Elle s’assoit à mes côtés et elle me parle d’elle, mais aussi des vampires, en réponse à ce que je disais du coup. J’écoute donc ce qu’elle me dit, étant un peu surprise au début.

- Toi tu avais peur ? J’ai du mal à l’imaginer ! Tu sembles toujours si confiante, si sure de toi …

Peut-être est-ce simplement l’effet blouse blanche du coup? Je ris cependant de la fin de sa phrase sur ce qu’elle dit des vampires.

- Oui, clairement, on a mauvaise réputation avec tout ça, c’est peut-être aussi en partie à cause de ça que j’ai si peur …

Je me mords la lèvre, baissant mon regard sur mes mains quelques instants avant de relever les yeux vers elle à la fin de sa phrase et je souris alors, touchée.

- Merci … C’est gentil de croire en moi comme ça … J’aimerais tant pouvoir y arriver … Devenir aussi forte que toi tu as su l’être pour affronter le monde extérieur qui te faisait peur !

J'ai du mal à imaginer mon amie manquer de confiance, avoir peur, mais vu ce qu'elle me dit, je réalise qu'en effet je n'ai pas toutes les cartes en main et que je ne peux donc pas juger sur ça au final. Je hoche alors la tête, me mordant un peu la lèvre.

- Je comprends oui ... Enfin, pas tout, tout, mais si un jour tu te sens d'en parler ... Sache que je suis là.

Je lui fais alors un petit sourire. Je n'ai pas l'intention de la forcer à me raconter, car au final, elle peut très bien ne pas en avoir envie et pour sortir moi-même de séance avec ma psychologue, je sais très bien que de forcer quelqu'un à parler et à s'ouvrir, ça ne fait pas que du bien.

Eretria est tellement toujours là pour moi que j'ai envie d'être là pour elle moi aussi. Nous sommes au-delà d'une simple relation d'un médecin et de sa patiente à mes yeux, car je la considère comme une amie. Je hoche cependant doucement la tête lorsqu'elle me dit qu'elle ne se sent pas d'en parler à ce moment et je lui souris un peu, lui montrant que je ne lui en veux pas du tout.

- Ok, pas de souci. Mais si un jour tu changés d'avis, tu sauras où me trouver ...

Je regarde ma chambre un instant puis je lui souris à elle de nouveau.

- Mais merci aussi de m'encourager ... Ça me fait du bien et me rassure aussi que tu crois en moi. Au-delà de la médecine que tu es ... Ça me fait du bien de sentir que j'ai une amie à mes côtés ...

S'il y a bien quelque chose de positif dans ce séjour ici, c'est que ça m'a fait rencontrer des gens, ou apprendre à mieux connaître des gens, comme Eretria, avec qui je n'aurais peut-être pas eu la chance d'approfondir quelque chose ailleurs qu'ici. Du coup, je pense que ça m'aide aussi dans mon processus de guérison. À ses mots, je ne peux que sourire, touchée et heureuse de pouvoir moi aussi lui apporter quelque chose ... Elle enchaîne alors à me dire qu'elle va me laisser et que je dois être fatiguée et normalement je lui aurais sans doute dit de rester, mais là ...

- C'est vrai que ça fait longtemps que je ne me suis pas sentie aussi lessivée ... Bosse bien du coup et merci pour tout ça ...

Je lui souris et avant qu'elle ne parte je viens la prendre dans mes bras, comme pour "sceller" notre amitié qu'on venait en quelque sorte de se confesser.

- On se dit à très vite !