Trop de stresse ! | Hailee Duncan

L’extérieur est encore trop risqué pour moi aujourd’hui. Alors, au lieu de profiter du temps pour me balader dans le parc de l’hôpital, je profite de mes rares heures sans perfusions pour visiter l’hôpital. Ou plutôt le revisiter, pour la centième fois certainement ?  Mais il est toujours plus attrayant que les murs blancs de ma chambre. Je déteste cet endroit, et pourtant, c’est ici que je passe le plus clair de mon temps. L’ennui me fait certainement imaginé des histoires plus folles les unes que les autres. Comme cet endroit, fermé au public. Ou plutôt, à certains publics. J’ai déjà vu des patients y entrer, des médecins également. Des visiteurs, même. Pourtant, à chaque fois que je me présente devant ces dernières, l’accès m’y est refusé.

Je laisse alors mon imagination faire le travail. Des personnes dangereuses ? Des meurtriers, des psychopathes.. Pourtant, il ne me semble pas que la branche soit psychiatrique. Ou alors, des personnes très contagieuse. Mais alors, pourquoi certains visiteurs pourraient leur rendre visite ? Je n’aurais certainement jamais les réponses. Ce n’était pas la première fois que j’essayais d’en avoir. Toujours sans succès.

Plongée dans mes pensées, j’entendis un coup contre un mur qui me fit sursauter. Je m’arrêtais écarquillant les yeux, mon cœur s’accélérant. A force d’imaginer toujours les pires histoires, voilà que je commençais à y croire. Lentement, je m’avançais vers l’origine du bruit, qui était bien moins dangereuse que ce que je craignais. Une jeune femme, une interne si je ne me trompais pas, semblait mal en point, assise par terre. Doucement, je m’approchais d’elle, timidement.

- Est-ce que tout va bien ?  

Je m’approche doucement de la jeune femme assise par terre. Je n’ose pas l’interrompre, et pourtant, passer mon chemin sans lui accorder la moindre attention ne me paraît pas réalisable. Alors que j’hésite en me rapprochant, je finis par prendre une inspiration et prendre mon courage à deux mains pour l’aborder. Elle est effectivement mal en point, ce qui me pique le cœur à vif. Je n’aimerais pas être dans sa situation. Je ne sais pas ce qui provoque ses larmes, mais tout ce que je sais, c’est que le costume d’interne est parfois dur à porter. Je fouille alors dans ma poche arrière pour en sortir un paquet de mouchoir. Je m’accroupis, un sourire timide au lèvre pour lui en tendre un.

- Tiens...

Je lui laisse prendre en rangeant le paquet de mouchoir dans ma poche arrière. J’hésite une nouvelle fois. Je sais que je n’aime pas être seule lorsque je me sens mal. Et pourtant, parfois, c’est ce qu’il y a de mieux pour se remettre. Mais, si j’étais à sa place, je voudrais très certainement une oreille attentive, même si je n’oserais pas le demander. Après tout, on ne se connaît pas. On ne se recroisera peut être jamais, si elle a des choses sur le cœur, les confier à une inconnue est peut être la solution la plus... Confortable ?

- Je peux m’asseoir ?

Je pointe la place, par terre, à côté d’elle, tout en lui laissant la possibilité de refuser. Je ne sais pas trop comment m’y prendre, mais je tente de me persuader que le plus important est d’essayer.

Mon cœur se serre devant cette fille qui semble à bout de nerfs et de fatigue. Je ne sais pas exactement ce qui lui arrive, mais ce n’est pas la première fois que j’aperçois du coin de l’œil un étudiant en médecin, craquant après sa 49ème heure de garde. Franchement, ce milieu qui fait tant rêver les petites filles est totalement... Pourris. Maintenant que j’ai vu l’envers du décor, je ne voudrais devenir médecin pour rien au monde, bien qu’il s’agisse d’un merveilleux métier. Quelle idée de pousser à bout ces jeunes étudiants. A part les dégoutés du métiers... Un sourire doux s’installe sur mon visage alors que je me baisse pour m’asseoir à ses côtés.

- Ne t’excuse pas !

M’empressais-je de déclarer alors qu’elle enfouissait son visage rempli de larmes dans le mouchoir. Une petite moue sur le visage, je posais ma tête contre le mur pour ne pas l’observer et la mettre plus mal à l’aise.

- Tu sais, tu n’as pas à avoir honte pour ce genre de chose.. Le nombre de fois où j’ai craqué en pleine rue... Je ne les compte plus.

Je connaissais ce sentiment de pression immense qui n’avait pas d’autres choix de sortir. Mieux valait qu’elle pleure maintenant, plutôt qu’elle ne se fasse ronger par les remords, la tristesse, la colère, la pression, ou tout ce qu’elle pouvait vivre d’autre. Maladroitement, je reprenais la parole pour tenter de dédramatiser la situation.

- J’ai eu honte les premières fois... Et puis après, j’ai essayé quelque chose qui m’a fait faire la plus grosse connerie et la plus grosse honte de ma vie. Je suppose que certains essayent aussi chez les médecins pour la pression... Les petites pastilles avec des visages souriant dessus...

Genre l’extasie. J’en gardais un souvenir absolument horrible.

- Eh bien quelques heures après, j’ai appris que j’avais passé une soirée sur une plage de nudiste. Et j’en étais extrêmement fière et j’avais apparemment adoré l’expérience... Là j’ai compris que pleurer, c’était finalement pas si honteux...

Je pris le temps de baisser les yeux vers l’interne, peu sûre de mon intervention, avec un sourire à la fois amusé et compatissant sur les lèvres. La fatigue me faisait apparemment dire de belles conneries, mais.. si ça avait au moins le mérite de lui arracher un sourire ou de la faire penser à autre chose, j’aurais peut être eu une petite victoire. Ou alors, elle allait s’empresser de partir en se demandant si elle ne devait pas faire un rapport sur mon état de santé mental. Franchement, parfois, tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler ne devrait pas être une simple option..

Ce petit moment déprime avait, apparemment, pris un tout autre tournant. Finalement, les anecdotes ridicules aidaient à penser à autre chose et à combattre la tristesse. Je savais que cela marchait pour moi, mais je n’étais pas encore bien sûre pour la jeune femme. J’avais tout de même tenté, et l’effet escompté était arrivé. Je réprimais donc un sourire, à la fois gêné et amusé suite à mon anecdote. Histoire de ne pas me laisser seule, la jeune femme avait enchaîné à son tour avec un petit récit auxquels j’avais réprimé un rire amusé. Décidément, chacun avait ses propres histoires embarrassantes.

- Sérieusement ? Oh mon dieu, je n’imagine pas la tête de ses parents ! Dommage qu’il n’existe pas encore un sortilège pour faire un voyage dans le temps et revenir en arrière. Ca aurait été pratique.

Lâchais-je en riant et en tournant mon regard vers elle. Cette discussion, à la base pour tenter de la réconforter, me faisait aussi du bien. Cela faisait un moment que je n’avais pas eu d’échanges aussi léger, et avec la routine morne de l’hôpital, je devais avouer que j’avais finis par m’ennuyer comme un rat mort. Continuant de rire, je mimais avec ma main un sortilège comme si je possédais une baguette magique.

- Returno en arrièro !

Je fis retomber mes mains sur mes cuisses en riant de nouveau. C’était un peu un mélange d’espagnol et d’Harry Potter même si je n’avais jamais fait d’espagnol, et que j’étais surement une catastrophe en incantation magique. Certainement même.

- Quand j’étais petite, j’étais fan d’Harry Potter et de Charmed. Tout ce qui touchait à la magie. Grimoire avec des incantations, mais surtout, le pouvoir du métamorphe ! C’est comme ça qu’on dit, non ? Me transformer en loup-garou à la pleine lune...

Mettant mes mains autour de ma bouche, je laissais échapper un léger hurlement de lou-garou, tout en prenant garde à ne pas le faire résonner dans tout le couloir. J’étais dans une petite phase d’euphorie, mais pas au point d’oublier l’endroit dans lequel j’étais, ni ma timidité.

- Plus j’y repense, plus je me dis que j’avais des idées très bizarre à l’époque.. Mais au moins, je n’invoquais pas Bloody Mary ou la dame blanche à minuit. Ce genre de truc m’a toujours fait peur. Et je crois qu’aujourd’hui encore. Les esprits vengeurs ou tout ce genre de chose, très peu pour moi. J’avais trop peur de me retrouver face à eux ou d’être possédée.

Laissais-je échapper avec un sourire. Et je crois qu’aujourd’hui encore, ce genre de truc me file les jetons. Jamais je n’essaierais d’invoquer quelqu’un devant un miroir à minuit. Non, clairement, les histoires de loup garou, de pleine lune et de sortilèges, c’était plus mon truc.

Oui