Les bonnes attentions ne sont pas toujours... Bonnes. (Eliaz)

Trois jours. Cela fait maintenant trois jours entiers que je ne suis pas sortie de cette foutue chambre. J’ai beau être patiente et ne pas vouloir trop ennuyer les infirmières, si je reste une journée de plus dans ce lit sans bouger, je vais... Soit prendre racine, soit exploser. Et il vaudrait mieux que ce soit la première solution, pour que cela fasse le moins de dégât possible. Parce que dans le second cas, je serais tenté de quitter l’hôpital en laissant une tornade derrière moi.

Soupirant en déposant le dernier livre qu’il me restait à livre sur la pile, je repose ma tête dans mon coussin, en soufflant. Cette journée est interminable. Et il n’est que midi et demi. De quoi vous faire.. Déprimer. Mon père n’est pas venu ces derniers jours. Je sais qu’il a beaucoup de travail, et concernant mon entourage amical.. Depuis mon road trip, j’ai perdu la plupart de mes connaissances. Il reste toujours quelques amis, mais leurs visites se font rare. Tout le monde a une vie à l’extérieur, pendant que je suis bloquée ici. Tout le monde avance, construit sa vie. Et moi, j’attends.

Quelques minutes plus tard, une figure féminine passe la porte, avec un sourire. Elle m’amène le plateau, me souhaitant un bon appétit avant de repartir aussitôt, pour tenter de coller au planning restreint qui lui a été assigné. Je lui offre un sourire compatissant, sans la retenir, malgré mon envie de me raccrocher à une quelconque forme de vie. Autre que la télé, ou mes personnages de romans.

Et franchement, un bon appétit, avec ces plateaux repas ?! Je n’étais pas bien difficile, mais purée, carotte et... Une sorte d’escalope de dinde nature, ce n’était pas vraiment un très bon appétit. Surtout quand on voyait la couleur des carottes, et la texture de la purée. C’est donc après avoir mangé seulement le yaourt et le fruit, que j’avais déposé mon plateau sur la table juste à côté de moi.

Quelques minutes plus tard, alors que je fixe la télé, en me demandant si je ne connais pas maintenant par cœur tous les épisodes de Friends qui repassent en boucle sur les différentes chaînes, la porte s’ouvre sur une nouvelle tête. Apparemment, l’homme de ménage. Je lui offre un sourire.

- Bonjour !

Soucieuse de ne pas vouloir lui rajouter du travail, et y voyant une occasion parfaite de sortir du lit, j’attrape mon plateau pour lui apporter et le vider dans la poubelle. Je sors mes jambes du lit, et une fois debout, je m’arrête, en sentant ma tête commencer à tourner. Je ne veux pas donner raison aux médecins, et c’est peut être pour cette raison.. Bien stupide, je l’accorde, que je persiste à vouloir marcher. Même si...

Mon pied trébuche sur... Un caillou fantôme ? Aucune idée, mais ce que je sais, c’est qu’à peine une seconde après mon premier pas, je vacille et déverse la totalité du plateau sur le sol. Avec la purée. Les carottes. J’avais mentionné le gaspacho en entrée ? Les différents fluides se mélangent alors que je me rattrape au bord de la commode. Je relève alors soudainement les yeux vers l’homme de ménage, décontenancée.

- Je.. Je suis vraiment désolé ! Je.. Ne voulais pas... Je pensais vous aider mais.. Je suis désolé..

Mais franchement, quelle idiote !

J’étais une catastrophe. Je suis une catastrophe. Il faut toujours que tout aille de travers. Je m’exaspère parfois. Je comprends tout à fait que certaines des infirmières ne puissent plus me voir en peinture. Et je comprendrais totalement que l’homme de ménage soit en colère et me demande de tout nettoyer. Pourtant, je ne compte pas attendre qu’il me le demande, puisque je suis déjà à genou, par terre, en train de rassembler les morceaux d’assiettes ainsi que les bouts de verre.

- Oui, oui, ça va aller.. Je suis vraiment désolé, je vais nettoyer.

En colère contre moi même, je tente de rassembler le plus gros rapidement. D’un geste un peu trop vif et énervé, je saisi un bout de verre qui m’ouvre une plaie sur l’index. Je lâche immédiatement ce dernier en grimaçant. Génial, là, je suis au maximum de mon potentiel. Et comme les extrémités saignent beaucoup, je me retrouve rapidement avec la main en sang.

- Décidément, c’est vraiment pas mon jour...

Je me relève, en faisant attention de ne pas tomber ou glisser au passage. Simple précaution, quand on observe mon niveau de karma, il faut s’attendre à tout. J’attrape un mouchoir pour l’enrouler autour de mon doigt et faire pression afin que l’écoulement s’arrête. Ou du moins, qu’il ralentisse.

- Si vous avez envie de partir en courant, c’est le moment...

Tentais-je avec un petit sourire désolé. Je ne lui en voudrais pas, au contraire. Je serais même peut être plus à l’aise s’il disparaissait en oubliant tout ce qu’il venait de se passer. Je souffle légèrement à sa réponse, tout en lui renvoyant tout de même un sourire réconfortant.

- Là pour réparer mes bêtises vous voulez dire ? Je crois que vous pouvez conquérir pour le pire métier du monde alors..

Je m’avance alors de nouveau vers son chariot, pour l’observer. Je ne vais peut être pas remettre tout de suite mes mains dans le verre, mais je pourrais peut être essayer de faire partir cette horrible tâche qui commence à s’agrandir sur le mur. Heureusement que les chambres hospitalières n’ont pas de caution, sinon, j’aurais pu lui dire adieu.

HRP : Je suis désolé pour le temps de réponse.