Rien de tel que le bon vieux covoiturage ! | Ombeline Smith

Je viens de finir ma journée, je pars dans les vestiaires et retire ma tenue d’interne de l’hôpital au sein du Helse Magi, je me passe un coup de déo aussi parce que ça va faire 48 heures que je n’ai pas pu prendre de douche et que j’ai légèrement couru de partout pour mon travail puis je remets rapidement un t-shirt ainsi qu’un jean, je remets mes chaussures, prends mon sac et referme mon casier avant de quitter la pièce qui sert de « maison » pour les internes.

Ce n’est pas que je n’aime pas mon travail, mais je dois avouer aimer encore plus mon lit pour le coup ! Et il commence sérieusement à me manquait, j’ai pu me reposer une petite heure en tout et pour tout et la fatigue se fait ressentir maintenant que je ne suis plus dans le feu de l’action !

Je comprends donc bien vite qu’aujourd’hui je ne pourrais pas rentrer à pied ! Je suis bien trop fatiguée ! Je me stoppe donc devant l’entrée de l’hôpital et fais signe pour qu’un taxi me prenne, sauf… Qu’il continue sa route en me snobant bien comme il faut ! Fronçant les sourcils je râle en levant le bras en l’air, vraiment énervée… Quand la fatigue vous met les nerfs à vif… Voilà ce que ça donne !

La journée était terminée. Ombeline avait beau aimer son métier, elle était toujours contente quand c’était le moment de sortir se livrer à d’autres activités plus variées. Ce soir, elle songeait juste à rentrer chez elle pour s’affaler devant la télé sur un monticule de coussins (il y avait peut être un canapé en dessous.. à moins qu’il n’ait été avalé lui aussi par les coussins).

Lorsqu’elle sortit, elle se dirigea vers sa voiture et son regard fut attiré par une femme gesticulant devant l’hôpital. La fée s’arrêta et l’observa un moment. Il lui semblait l’avoir déjà vue, une interne si elle ne se trompait pas. Elle semblait avoir un problème. Enfin, c’était ce que son expression indiquait. Il n’en fallut pas plus à Ombeline pour s’approcher.

- Salut, tu as besoin d’aide ?

C’était plus fort qu’elle, dès qu’elle voyait quelqu’un dans le besoin, elle accourait. Il ne lui manquait plus qu’une cape et une culotte par dessus ses collants. Mais en vérité, elle préférait les ailes de libellules et la petite aura lumineuse et brillante qu’on attribuait aux fées dans la culture populaire.

Je sentais que la soirée commençait vraiment mal ! Je n’avais clairement pas besoin de ça. Tout ce que je voulais c’était rentré chez moi. Je ne demandais même pas la lune. De plus… C’est bien leur travail de se stopper non ?! J’étais vraiment énervée, tellement que le « paraître » professionnel que je devais normalement avoir passé au-delà et que j’avais laissé passer quelques insultes à l’égard du conducteur de taxi.

« C’est ça ! Barre-toi !! Connard ! »

Soupirant d’agacement je passais une main sur mon visage, vraiment fatiguée tandis que je me sentais d’autant plus mal que m’énerver puisait encore plus mon énergie. Finalement je sursaute lorsqu’une voix se fait entendre près de moi et que mon regard est attiré par une petite brune qui me dit quelque chose. Je crois quel travail aussi à l’hôpital. Enfin remarque… Vu l’endroit où nous sommes. Bravo Eretria ! Me sentant soudainement ridicule, je finis par montrer au loin la route à présent vide de toute vie.

« Je suis fatiguée… Je voulais rentrer en taxi et il m’a snobé royalement... »

Passant une main dans mes cheveux, je lâche un nouveau soupire. Je ne suis pas sous mon meilleur jour pour le coup. Je dois avoir les cernes qui arrivent à mes pieds, la voix fatiguée et mon attitude agacée. Non, vraiment… Devant une collègue ? Au top Syclista !

Ombeline l’observa rapidement. Elle avait l’air totalement épuisée en effet. La pauvre.

- Si tu veux je peux te raccompagner. Tu vis loin ?

De toute façon, ça ne la dérangeait pas de faire un détour. Elle avait tout le temps et même si elle ne l’avait pas, c’était plus fort qu’elle : elle ne pouvait pas laisser quelqu’un sur le bord de la route comme ça. Surtout quand cette personne avait l’air aussi désespéré.

Elle repéra sa voiture et sortit ses clefs après avoir fouillé dans son sac quelques secondes.

- Ma voiture est par là. Dit-elle en se dirigeant vers cette dernière pour la déverrouiller. Au fait, je m’appelle Ombeline, et toi ?

Je suis une jeune femme qui n’a pas… Pas beaucoup de patience lorsqu’elle manque de sommeil. Bien sur que je suis supposé en avoir la dose maximum en faisant ce que je fais et je tente du mieux possible de l’être, mais pour une démone ça relève quand même du miracle de l’être autant que moi ! Même Lilith l’est moins que ça j’en suis sur. Quoi qu’il en soit… La fatigue est bel et bien présente et je n’en ai plus… D’où le conducteur qui se fait incendier alors qu’il n’en a strictement rien à faire. Puis quelqu’un vient à moi et me propose tout naturellement de me raccompagner, ce qui me surprends. Je ne comprendrais jamais les humains et leur naïve gentillesse… Je me mords finalement la lèvre et lui offre un petit sourire.

« Vraiment ? Ce serait vraiment cool… Je vis à Grünerløkka, je ne sais pas si tu vois... »

Elle se dirige alors a contresens de moi et je la suis tout naturellement. Elle m’indique que sa voiture est par là-bas et ma tête se hoche simplement.

« Ça ne te fait pas faire un détour j’espère ? »

Finalement elle se présente et je retrouve un peu de mon sourire avant de reprendre.

« Moi c’est Eretria… ! »

« Vraiment ? Ce serait vraiment cool… Je vis à Grünerløkka, je ne sais pas si tu vois... »

Ombeline hocha la tête. Elle voyait. Bon, la route n’était pas super claire pour elle, mais elle comptait rentrer l’adresse dans le GPS de toute façon.
Elle lui indiqua l’endroit où elle s’était garée en allant déverrouiller sa voiture.

- Ma voiture est par là.

« Ça ne te fait pas faire un détour j’espère ? »

La fée ouvrit sa portière et la rassura :

- Non, non, t’inquiète pas. Ça me fait plaisir… et puis je n’allais pas te laisser comme ça !

Comme pour appuyer son propos, une goutte de pluie, puis deux, puis une centaine vinrent s’écraser sur le sol. Non, décidément, elle n'allait vraiment pas la laisser là.
Elle rentra rapidement et une fois qu’elle furent toutes les deux au sec, elle se présenta :

- Au fait, je m’appelle Ombeline, et toi ?
« Moi c’est Eretria… ! »

Elle sortit son GPS et l’alluma :

- Quelle adresse ?

Puis elle ajouta :

- Il y a des bonbons dans la boite à gants, si tu veux, sers toi.

Elle avait toujours des paquets de bonbons et de gâteaux éparpillés partout… dans son sac, dans sa boite à gants, dans son casier… et que dire de chez elle ! Si elle avait été humaine, elle aurait sans doute fini diabétique depuis longtemps ! Ou elle aurait un peu plus fait attention à son alimentation...

Une fois l’adresse entrée, la ceinture mise, la voiture démarrée, c’était parti.

- Tu travailles dans quel service ?

Elle n'avait pas le souvenir de l'avoir déjà croisée, mais l'hôpital était grand et elle n'était pas là depuis très longtemps.

Je ne m’attendais pas à ce que quelqu’un de l’hôpital me propose de me raccompagner. J’avais tendance à oublier que tout le monde ne faisait pas partie d’une famille de démons. Je peux voir sa tête se hocher, ce qui me montre qu’elle voit de quoi je parle. Rassurée, je la suis jusqu’à sa voiture, bien que soudainement quelque chose me vienne à l’esprit… Si elle faisait un détour pour moi ? Je m’en inquiète donc oralement. Si Lilith me verrait… Je crois qu’elle péterait un câble. Elle me ferait bien comprendre qu’en tant que bon démon qui ce respect on s’en fiche si on fait faire quelque chose de fatiguant ou de plus à quelqu’un d’autre que nous. Mais… Je ne veux plus être comme ça et là ça m’est presque venu naturellement ! Du coup j’en suis plutôt fière. D’ailleurs elle me rassure bien vite en me disant que non et je souris légèrement.

« Beaucoup ne se seraient pas gênés… Comme cet abrutit de taxi-là ! Enfin bref… Merci... »

Finis-je en me calmant légèrement puisque le fait de parler de la voiture qui m’a snober m’énervait au plus au point. Fatigue quand tu nous tiens !

J’entre finalement dans la voiture tout en me présentant après qu’elle l’est faite et lorsqu’elle me demande mon adresse je la lui donne avant de tourner les yeux vers l’endroit qu’elle m’indique.

« Oh euh… Merci »

Je ne suis pas très bonbons… Enfin je n’en ai jamais connu le plaisir, mais après une journée pareil je ne dis pas non envers n’importe quel petit remontant ! Je l’ouvre donc et m’en sert un avant de tourner la tête.

« Tu en veux ? »

J’en tends un en même temps avant de refermer la boîte à gant et de regarder la route face à moi.

« Je suis interne en fait… Donc un peu partout pour qu’on puisse me former ! Et toi ? »

Ombeline eut un petit sourire en l’entendant pester contre le taxi. Il lui faudrait sans doute un petit moment avant de digérer ce qu’il venait de se passer.

Elle ajouta l’adresse dans le GPS et précisa :

- Il y a des bonbons dans la boite à gants, si tu veux, sers toi.

C’était toujours réconfortant. Elle en avait un peu partout et pour toutes les occasions : quand ça n’allait pas, quand ça allait, quand elle devait se donner du courage pour faire quelque chose, quand elle s’accordait une pause… la fée mangeait peut être un peu trop de sucre… mais c’était tellement addictif…

« Tu en veux ? »

- Bien sûr. Accepta la conductrice en hochant la tête.

On ne refusait jamais un bonbon, une pâtisserie ou quoi que ce soit de sucré !

Tout en mâchant le bonbon qu’elle venait de prendre, elle démarra.

- Tu travailles dans quel service ?

« Je suis interne en fait… Donc un peu partout pour qu’on puisse me former ! Et toi ? »

- Je suis infirmière, mais je suis en ville depuis pas très longtemps, un mois.

La pluie tombait vraiment très fort, c’était dingue comme le temps pouvait être calme et d’un seul coup se déchaîner. C’était amusant à vrai dire. Ombeline pariait que d’ici quelques minutes, tout allait s’arrêter, comme si de rien n’était. En attendant, les essuie-glace tentaient de lui donner un peu de visibilité malgré tout.

- Tu t’en sors dans ta formation ?

Elle n’était qu’infirmière mais avait un ou deux siècles d’expérience dans le domaine. Elle ne savait plus. Le temps passait si vite. Enfin, elle pouvait peut-être l’aider s’il y avait besoin de conseils.

J’étais une démone alors j’avais mauvais caractère. Cliché ? Peut-être bien, mais vérité surtout ! En même temps on ne fait pas ce métier si on n'est pas capable de voir ses potentiels clients ! Tant pis pour lui, il vient de perdre de l’argent et du pourboire… Bon même si je n’en aurais pas donné parce que tout de même, je ne suis pas mère Theresa non plus. Dans tous les cas je peux voir mon interlocutrice sembler amusée par ce que je dis avant de me proposer des bonbons. C’était quelque chose que je n’avais pas forcément l’habitude de prendre, mais sur le coup je ne disais pas non. Peut-être qu’un peu de sucre me fera du bien au moral. Lorsqu’elle répond qu’elle ne veut pas, un sourire étire mes lèvres et je fouille dans le paquet avant de reprendre.

« Un goût en particulier ?! »

Relevant un instant mes yeux vers elle, j’attends sa réponse pour plonger ma main à nouveau dans le paquet et lui passer un bonbon qui lui plairait. Je mets ensuite un moment dans ma propre bouche et le goût éveille directement mes sens. Ce n'est vrai que le sucre… C’est bon pour le moral ! Regardant la route, j’écoute ma conductrice, intriguée.

« Oh ok… Et tu es infirmière depuis longtemps ou tu as commencé ici ? »

Elle paraissait jeune ! Mais j’avais appris que l’apparence ne fait pas tout. En tout cas le temps nous rappelait bien à l’ordre et il fallait vraiment être prudent si on ne voulait pas mourir… Avec une voiture glissante.

« Heureusement que tu étais là au final, sinon j’aurais pris ma douche…
»
Je me mords légèrement la lèvre avant de tourner la tête à sa question et réfléchir un instant.

« Je dirais que… Ça dépend qui me forme et… Le secteur… De l’hôpital, il y en a plus dur que d’autres… Mais je veux vraiment y parvenir ! »

Ombeline réfléchit brièvement au goût du bonbon qu’elle voulait, mais, incapable de se décider, répondit :

- Peu importe, ils sont tous bons. Le premier qui te tombe sous la main.

Elle fourra dans sa bouche le bonbon que lui tendit sa passagère et se concentra sur la route. Elle l’interrogea néanmoins sur ce qu’elle faisait à l’hôpital, faisait la conversation. Apprenant qu’elle était interne, elle lui répondit qu’elle était infirmière et nouvelle en ville. En revanche, lorsqu’elle lui demanda depuis combien de temps elle était infirmière, elle eut un petit sourire.

- Depuis ce qui me semble être une éternité ! J’ai exercé un peu partout.

Elle ne savait pas si l’interne était humaine, mais avait répondu très sincèrement : il lui semblait qu’elle était infirmière depuis des siècles et des siècles. Pourtant, les femmes pouvaient travailler depuis si peu de temps !

« Heureusement que tu étais là au final, sinon j’aurais pris ma douche…»

La fée eut un petit rire.

- La prochaine fois il faudra ramener le savon et la serviette…

Puis revint sur sa formation actuelle :


- Tu t’en sors dans ta formation ?


« Je dirais que… Ça dépend qui me forme et… Le secteur… De l’hôpital, il y en a plus dur que d’autres… Mais je veux vraiment y parvenir ! »

Ombeline hocha la tête, mit son clignotant et tourna.

- C’est sûr, mais au moins tu vois de tout et c’est super d’être aussi motivée ! Une petite préférence pour un service en particulier ?

Lorsqu’elle me répond qu’elle s’en fiche un peu du goût parce qu’ils sont tous bons je ne peux empêcher un petit sourire amusé de venir sur mes lèvres tandis que je plonge ma main dans le paquet pour n’en ressentir qu’un seul et lui donner à nouveau. Et après ça… Je suppose que c’est très humain, mais on apprends à se connaître un peu plus. Ce n’est pas hyper naturel pour moi, mais je tente de faire des efforts ! En tout cas ça me permet de savoir que ma conductrice du jour semble être une voyageuse.

« Amoureuse des voyages ? »

Elle ne semblait pas si âgée pourtant. Soit elle aimait vraiment son boulot pour que le temps ne semble pas se voir, soit c’était l’inverse… Soit… C’était vrai. À bien y regarder, elle avait un petit aura, un petit quelque chose. Peut-être qu’elle n’était tout simplement pas humaine. Une vampire ? Je reprends alors, comme pour me renseigner un peu plus.

« Éternité au sens propre ou figuré ? »

Si c’est une humaine j’aurais l’air juste bête et tant pis je mettrais ça sur le fait que j’ai enchainé pas mal d’heures de garde, si ça ne l’était pas alors j’aurais ma réponse !

« Hmmm... Chirurgie générale… Je dirais, comme ça je peux vraiment voir de tout et pas qu’une chose en particulier. J’aime bien… Le changement ! »

« Amoureuse des voyages ? »

Ombeline sourit. Elle ne saurait répondre simplement à cette question. Elle avait très vite été obligée de voyager. Les humains se méfiaient des personnes qui ne prenaient pas une ride après un siècle. C’était le gros inconvénient de la vie au milieu des humains. Mais elle aimait aussi découvrir le monde et faire de nouvelles rencontres.

- Amoureuse de la nouveauté plutôt. C’est très rare de trouver une chose qu’on ne connaît pas, mais quand c’est le cas, c’est tout un monde qui s’ouvre.

Puis la jeune femme posa une question qui fit naître un sourire complice sur les lèvres de la fée.

« Éternité au sens propre ou figuré ? »

Il n’y avait pas de doute sur le sous-entendu de sa question et bien qu’Ombeline ne sache si son interlocutrice était humaine ou non, elle était au moins sûre qu’elle connaissait l’existence du surnaturel.

- Eh bien, je dirais au sens propre, mais à vrai dire, les femmes ont le droit de travailler depuis trop peu de temps pour que je ce soit vraiment une éternité. Mais dès que ça a été possible, j’avoue avoir sauté sur l’opportunité. Est-ce que tu as vécu cette période ?

C’était une façon peu subtile de lui demander si elle était humaine ou non, mais Ombeline avait rarement l’occasion de parler de certaines époques avec des personnes qui y étaient aussi. Les immortels étaient rares. Ceux aussi âgés qu’elle l’étaient encore plus.

Elle lui posa quelques questions sur sa formation et sourit lorsque la jeune femme lui dit qu’elle aimait le changement.

- Tu ne seras pas déçue. C’est un métier qui ne lasse pas. Quand on pense avoir vu passer tous les cas possibles, il y en a toujours un pour nous surprendre.

Au final heureusement que le taxi m’a foutu un vent même si ça m’a mise vraiment en colère sur le coup ! Je dis tant mieux parce que je pense que j’aurais passé un moment moins agréable qu’avec cette infirmière. Toutes ces choses-là, normal de la vie humaine, c’est encore nouveau pour moi ! Dont toutes ses interactions, mais… Je m’y fais de plus en plus. Ça m’occupe de plus en plus aussi ! Alors je lui pose d’autres questions, écoutant attentivement ses réponses.

« C’est vrai que c’est rare… Tout comme d’inventé quelque chose qui n’a pas déjà été fait… Je réfléchis beaucoup au mémoire ou au brevet de fin d’études… Et faire quelque chose qui n’a pas déjà été fait… Ça reste compliqué ! »

Je soupire doucement. J’ai encore le temps d’ici-là, quelques années même, mais c’est quand même quelque chose qui pèse sur ma conscience. Mais plus la conversation avance et plus j’ai l’impression que quelque chose « ne tourne pas rond » chez elle. Pas dans le mauvais sens du terme, mais simplement dans le sens du terme où j’ai l’impression qu’elle n’est pas humaine tout simplement ! D’ailleurs j’en ai plus ou moins la confirmation lorsqu’elle répond à ma question et qu’elle me la retourne plus ou moins. Un sourire prend alors place sur mes lèvres.

« Non… Je n’ai pas vécu cette période… Mais vous visiblement… Qu’êtes-vous ? »

Il faut dire que j’étais du genre plutôt cache. Par exemple Lilith cachait beaucoup de choses, elle était plus sournoise… Moi j’étais plus direct, pas pour autant plus bête ! Mais dans ce genre de situation il n’y avait aucune raison d’être sournoise ! Je finis par sourire lorsqu’elle parle de mon métier et je tourne la tête vers elle.

« C’est du vécu alors ? »

Je me demande quel genre de maladie est-ce qu’elle a pu connaître ! Peut-être même les plus grandes !

« C’est vrai que c’est rare… Tout comme d’inventé quelque chose qui n’a pas déjà été fait… Je réfléchis beaucoup au mémoire ou au brevet de fin d’études… Et faire quelque chose qui n’a pas déjà été fait… Ça reste compliqué ! »

Ombeline sourit doucement.

- Eh bien, d’expérience, je sais qu’on ne peut jamais faire quelque chose de vraiment vraiment nouveau, nous sommes toujours influencés par ce qui nous entoure. Au final, il vaut mieux assumer ses influences et mener sa propre petite réflexion en s’appuyant dessus. Quitte à ce que ça ne soit pas forcément très novateur, ça reste toujours un point de vue. Et personnellement, je trouve que c’est toujours très intéressant de voir comment les autres voient le monde.

C’était sans doute ça la vraie nouveauté : les gens. Ils étaient tous singuliers et apportaient leur regard personnel sur chaque chose. Les écouter c’était comme découvrir de nouvelles facettes du monde qui l’entourait.

Elle demanda :

- Il y a un sujet en particulier qui te tente pour ce mémoire ?

Puis il y eut cette question qui, à n’en point douter, était là pour savoir s’il y avait possibilité de parler de choses plus… secrètes ? Pour le monde actuel, oui, le surnaturel était secret, mais dit comme ça, Ombeline avait l’impression de faire partie d’une société secrète. Elle eut un petit sourire en songeant qu’il leur faudrait des grands manteaux à capuches, des signes de reconnaissance et organiser des cérémonies régulièrement. Ce serait… drôle. Et ridicule à la fois. Un peu comme de grands enfants s’amusant à inventer des histoires mystérieuses. Alors qu’on vérité, la magie était tout à fait banale et il n’y avait que pour les humains que tout ça était l’essence même de leur imagination.

« Non… Je n’ai pas vécu cette période… Mais vous visiblement… Qu’êtes-vous ? »

L’infirmière eut un petit sourire amusé et répondit :

- Eh bien on m’imagine souvent avec des ailes, une baguette magique, des paillettes, et beaucoup pensent que j’exauce les vœux…

Même si elle n’avait pas répondu directement, la réponse était plus qu’évidente.

- Et toi ?

Elle mit son clignotant et tourna là où son GPS le lui indiquait, la rassurant sur le métier et précisant qu’elle ne se lasserait jamais vu toutes les surprises dont étaient capables les êtres vivants. Évidemment, sa passagère lui demanda si c’était du vécu.

- Bien sûr ! Je tombes toujours sur des choses singulières, et comme l’époque avance, des situations nouvelles se présentent tous les jours. Il y a un siècle, je n’aurais jamais soigné de couple dont les piercings à la langues se sont coincés mutuellement !

Parfois la vie me semblait vraiment compliquée et je me demandais souvent pourquoi j’étais là. Pourquoi j’étais venu au monde… Je ne m’étais jamais réellement senti à ma place et c’est peut-être du fait que je suis né double… J’ai dû toujours faire avec Lilith et donc… Ne jamais voir pour et par moi. Non… Seulement avec ma jumelle. Alors quand je regardais l’avenir, là où j’avais décidé de rayer ma sœur, en quelque sorte, ça me semblait tellement… Confus tout ça. Tournant ma tête vers la conductrice je l’écoutais attentivement en hochant faiblement la tête même si elle ne me voyait pas, vu qu’elle conduisait. Regardant à nouveau la route, je reprends doucement.

« Peut-être que c’est ça alors, vous avez raison… Je ne sais pas encore vraiment ce qui m’intéresserait… C’est comme si… J’étais insensible à trop de choses… »

Et c’était le cas. Je devais me battre tous les jours pour ressentir un peu d’empathie pour un patient, alors avoir quelque chose qui me prends aux tripes… Me passionne au point de juste écrire dessus… C’était compliqué.

« La chirurgie tout cours me passionne… Car ça me fait ressentir des piques d’adrénaline et… C’est seulement là que je ressens, mais… Je ne peux pas faire un mémoire juste là-dessus, j’imagine… »

Soupirant alors je finissais par ne pas passer par quatre chemins pour demander à la brune à mes côtés ce qu’elle était. J’étais comme ça, direct… Parfois trop. Lorsqu’elle commence à me décrire je penche un peu la tête avant de réfléchir.

« Hm… J’aurais dit sorcière, mais ça n’a pas de paillette...Je crois... »

Après si elle parlait de mémoire collectif… C’était compliqué pour moi. Sortant de mes pensées je reprenais avec un petit sourire.

« Moi… Eh bien… Je suis l’inverse de ce que les humains aiment… Je suis généralement ce dont ils ont peur… Notre « père » à tous s’appelle par divers noms et son chiffre est un triple 6... »

Il semblait que ma devinette était plus qu’évidente là pour le coup. Je lui avais presque livré la réponse… Heureusement qu’elle lance une petite chose qui me fait rire et me chasse toute idée noire me traversant.

« En effet ! Mais… Il y a peut-être des choses que vous avez vu qu’on ne voit plus maintenant… ! »

Ombeline l’écoutait sans juger ce qu’elle venait de dire à propos de son insensibilité. Elle eut un petit sourire sur le potentiel sujet de mémoire et commenta en plaisantant à moitié :

- Et pourquoi pas ? Un mémoire sur les effets de l’adrénaline pendant des activités médicales très délicates. Les effets positifs, les effets négatifs… est-ce qu’ils sont pareils d’un individu à un autre…

Tout dépendait de la façon dont c’était présenté après tout. La fée n’avait jamais eut à faire de mémoire, mais elle faisait régulièrement des formations pour se mettre à jour dans les pratiques médicales. Elle était consciente que certaines techniques utilisées à l’époque n’étaient pas aussi bénéfiques qu’on le pensait et ne voulait surtout pas rester ignorante quant aux nouvelles découvertes et aux avancées dans le domaine. Tous les sujets avaient l’air d’être balayés en général.

Elle continua de discuter, suivant le GPS et restant vigilante sur la route quand vint une question plutôt franche de la part de sa passagère.

D’humeur un peu taquine, elle décida de ne pas répondre directement :

- Eh bien on m’imagine souvent avec des ailes, une baguette magique, des paillettes, et beaucoup pensent que j’exauce les vœux…

« Hm… J’aurais dit sorcière, mais ça n’a pas de paillette...Je crois... »

Cette réponse fit rire l’infirmière.

- En effet, ni d’ailes non plus. Mais c’est vrai qu’à une époque, on confondait les fées et les sorcières dans les légendes.

L’exemple le plus connu était celui de Morgane dans la légende arthurienne, tantôt fée, tantôt sorcière.

- Et toi ?

« Moi… Eh bien… Je suis l’inverse de ce que les humains aiment… Je suis généralement ce dont ils ont peur… Notre « père » à tous s’appelle par divers noms et son chiffre est un triple 6... »

Ombeline sourit en constatant qu’elle s’était aussi prise au jeu.

- Ah, c’est assez rare de croiser des démons ! J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de créatures rares dans cette ville, récemment, j’ai rencontré une demi-succube très sympathique aussi et moi-même je suis d’une espèce qu’on ne croise plus beaucoup.

Elle comprenait un peu mieux ce qu’elle disait auparavant sur le fait qu’elle ne ressentait pas grand-chose. Elle songea à Bloody qui prenait également sa condition de succube comme une malédiction et se demanda un instant si la mauvaise réputation de ces créatures n’avaient pas été créées par elles-mêmes tant elles semblaient complexer ou si, au contraire, leur réputation leur avait créé ces complexes.

Elle revint à ses expériences marquantes en tant qu’infirmière et se souvint d’une anecdote amusante :

- Bien sûr ! Je tombes toujours sur des choses singulières, et comme l’époque avance, des situations nouvelles se présentent tous les jours. Il y a un siècle, je n’aurais jamais soigné de couple dont les piercings à la langues se sont coincés mutuellement !

« En effet ! Mais… Il y a peut-être des choses que vous avez vu qu’on ne voit plus maintenant… ! »

La fée eut un petit sourire étrange.

- Oui… C’était plus difficile de se soigner quand on n’était pas humain, mais il y avait aussi des maladies qui ont été éradiquées à présent.

La mortalité était bien plus élevée malheureusement.

- Sans parler des croyances qu’il y avait autour de certains malades… La religion avait beaucoup d’importance dans la médecine de l’époque.

Ce fut ce moment que choisit le GPS pour annoncer "Vous êtes arrivés" de sa voix neutre.

Au final je n’aurais jamais cru que la conversation dériverait comme ça, mais ce n’est pas plus mal. Elle m’aide et elle a de bonne idée ! Parfois la vie est vraiment, vraiment surprenante. Je ne savais pas encore cependant que ce n’était pas une humaine que j’avais face à moi. Ma tête se hoche alors même si elle ne peut pas le voir et je reprends doucement.

« Ça peut être une bonne chose vue comme ça… Il faudrait que j’y réfléchisse de façon plus sérieuse et… Une fois posée et reposée surtout... »

Soupirant un petit instant je passe une main sur mon front. Les gardes s’enchainent et mon corps commence à le ressentir, je suis sur que je vais tomber comme une masse dans mon lit dès que je serais parvenu jusque chez moi. D’ailleurs vu la route ça ne devrait plus être très long. On a tout de même le temps d’aborder un sujet où chacune on se confie à l’autre en quelque sorte, mais je me trompe visiblement sur sa race à elle… Mais elle me l’annonce alors. Un peu surprise je tourne la tête vers elle.

« Une fée ? Oh… Je n’en ai jamais croisé encore... »

Il faut dire que j’étais une jeune démone et du coup s'était compliqué pour moi d’avoir un grand bagage en ce qui concerne les créatures surnaturelles. Lorsqu’elle me parle de la rareté de nos races respective et d’une autre qu’elle a croisée je souris un instant tout en fixant la route.

« Disons que dans cette époque les vampires et les loups-garous sont plus mis à l’honneur… Peut-être que du coup, inconsciemment, tout le reste on se met en retrait... »

Je n’ai pas le temps de dire autre chose que son GPS nous indique que nous sommes arrivés. Regardant sur le côté, je remarque alors mon immeuble.

« En effet... »

Me tournant alors vers elle je lui offre un petit sourire.

« Bah du coup merci… On se revoit bientôt j’imagine de toute façon ! Rentre bien... »

Je sors ensuite de la voiture pour partir rapidement jusqu’à mon immeuble à cause de la pluie… Non je n’aime vraiment pas ça !

Comme d’habitude lorsqu’elle révélait sa nature, la personne en face d’elle n’avait jamais croisé d’autre fée. Ombeline était habituée même si à chaque fois elle espérait réellement ne pas être l’une des dernières de son espère. Elle ne put s’empêcher de penser à ce que son collègue lui avait dit la dernière fois. Était-elle une survivante ?

Enfin, sa covoitureuse était aussi d’une espèce plutôt rare, ce qui détourna son attention un moment de cette pensée, jusqu’à ce qu’elle rajoute :


« Disons que dans cette époque les vampires et les loups-garous sont plus mis à l’honneur… Peut-être que du coup, inconsciemment, tout le reste on se met en retrait... »

- Sans doute, espéra la fée. Enfin, les miens sont assez rares.

Elles changèrent de sujet en parlant d’expériences rares dans le milieu médicale. Ombeline en avait vu beaucoup et des très amusantes, parfois propres à leur époque.

Bientôt, le GPS indiqua qu’elles étaient arrivées.

« Bah du coup merci… On se revoit bientôt j’imagine de toute façon ! Rentre bien... »
- Merci ! J’espère que ça ira pour toi ! Et si tu as besoin d’être raccompagnée n’hésite pas à venir me voir !

Ombeline lui adressa un petit salut de la main, un grand sourire aux lèvres. Une fois la démone rentrée, elle démarra la voiture et rentra chez elle, toute joyeuse d’avoir aidé une collègue.