Visite de routine | Artemis

Etre médecin de nuit demandait une présence constante ici et à force on connaissait les patients. Bien entendu je m'occupais des patients de l'aile surnaturelle parce qu'en tant que vampire c'était beaucoup plus simple pour moi. De plus, je connaissais la nature vampirique puisque j'étais une vampire depuis de longues années et plus de deux siècles. Ma vie se résumait beaucoup à travailler puisque de toute façon je ne pouvais le faire que la nuit, ce qui me laissait peu de temps pour m'amuser ou sortir comme les personnes humaines le ferait. La seule chose qui me fait survivre est ma vengeance parce que je dois dire que je ne vis que pour ça. Enfin si l'on peut appeler ça vivre, plutôt survivre ou tenter de le faire. Moi qui avait aimé le soleil et la vie, j'étais réduite à la mort et à l'obscurité des nuits, privée de mes pouvoirs magiques.

Après être passée au vestiaire pour déposer mes affaires et mettre ma blouse, m'attachant les cheveux au passage en une queue de cheval. Je partis dire bonjour au personnel de nuit. Je les côtoyais puisque j'avais affaire à eux pour chaque problème qu'il pouvait y avoir avec ce type de patients. Ce n'est pas parce que je n'étais pas insociable que je ne peux pas être polie et dire bonjour ou plutôt bonsoir. Comme à chaque fois, je passais faire mon tour d'inspection, principalement chez les vampires pour m'assurer que tout allait bien, qu'il n'y avait pas de complications. Je finis par arriver à la chambre 014, une jeune vampire qui refusait de se nourrir de sang humain. Elle me rappelait étrangement mon histoire. Enfin elle commençait à faire des efforts pour accepter sa nature de vampire. Je savais que ce n'était pas facile mais se laisser mourir de faim ne servait à rien. Heureusement pour elle, elle commençait à se nourrir de sang et j'étais fière des progrès. Regardant son dossier une dernière fois, j'entrais dans la chambre sans frapper. Je ne savais pas si elle dormait ou pas. Refermant la porte derrière moi, je m'avance dans la chambre presque totalement plongée dans le noir mais heureusement mes yeux y étaient habitués. Je m'approchais pour ne pas la surprendre car elle avait tendance à être violente et je me méfiais.

Mon travail était tout ce que j'avais parce qu'on ne peut pas dire qu'en tant que vampire on avait beaucoup de choix. Etre condamné à vivre la nuit n'offrait pas beaucoup de possibilités de faire autre chose. Etre confiné la journée avec la peur au ventre que le soleil filtre à travers les rideaux. Tel était ma vie mais jusqu'ici je m'en étais plutôt bien sortie. J'avais réussi à ne pas faire ce qu'on appelle dépression malgré que j'avais tout perdu. Je n'avais pas franchement eu le choix non plus puisque avec la mort de ma famille et ma transformation je n'avais pas eu le temps de m'apitoyer sur mon sort. Le sentiment de vengeance avait vite prit le dessus sur moi. C'est ce qui m'avait fait vivre, survivre même. Moi qui avait tant aimé la lumière, j'étais condamnée aux ténèbres et même si mon geste avait été précipité, je le regrettais parfois. J'avais été transformée à l'insu de mon demi-frère sans qu'il le sache. Il me croyait morte après tout. Parfois j'aurais préféré rejoindre ma famille mais la vengeance me rappelait toujours à l'ordre.

Il m'arrivait parfois de repenser à ma vie de jeune vampire lorsque je devais côtoyer des patients qui avaient un problème avec leur nature surnaturelle. On est tous passé par là un jour ou l'autre. Je repensais à tout ça alors que j'entrais dans la chambre d'Artemis Esperanza. Une vampire qui commençait à se nourrir correctement. Probablement qu'elle n'avait pas été joyeuse de découvrir qu'elle avait été transformée. Encore un vampire qui ne se souciait pas des sentiments des autres. Je marche quand j'entend sa voix qui me demande confirmation sur mon identité.

-Oui c'est bien moi mademoiselle Esperanza.

Je me rapproche d'elle pour être à ses côtés. Son odeur me dit quelque chose. En tant que vieille vampire je reconnais facilement l'odeur des jeunes vampires mais là je ne la reconnaissais pas.

-Comment vous sentez-vous ?

Etant vampire il était plus simple de voir mes patients la nuit et souvent comme ils étaient surnaturels voir même vampires c'était plus simple pour eux aussi. J'étais plus âgée qu'eux et je saurai les maîtriser si quelque chose se passait. Je n'ai pas survécu jusqu'ici en me tournant les pouces comme le dit l'expression. Heureusement pour moi ma patiente n'est pas comme ça, elle a un temps refuser de se nourrir mais cela avait commencé à prendre fin. Et je ne pouvais que m'en réjouir. S'il y a une bien une chose que je ne faisais pas, c'est mentir à mes patients sauf si c'était réellement nécessaire. Je pouvais parfaitement comprendre qu'on se dégoûte d'être un vampire quand on a été humain ou sorcier comme moi avant.

-Je suis ravie de vous entendre le dire. Ce n'est jamais facile de s'adapter à un nouvel état mais maintenant il y a tellement de possibilités pour ne plus avoir à tuer.

J'espérais que lui dire ça l'encouragerait à continuer ses efforts pour se nourrir car je sais qu'on revenait de loin avec elle. Savoir qu'elle se nourrissait, juste un peu me suffisait car je savais que rien n'était perdu et qu'il fallait du temps.

-Si vous continuez à faire autant d'efforts, vous deviendrez forte comme une vampire doit l'être.

Je lui donne des encouragements et là si quelqu'un me connaissait aurait dit que ce n'était pas moi qui avait parlé. Il faut dire que je ne suis pas très démonstrative niveau sentiments surtout quand ils sont positifs parce que le négatif est plus facile à contrôler que ceux positifs. Je m'avance et m'assois sur le bord du lit. J'ai un peu de temps pour discuter avec elle.

Lorsque j'étais devenue vampire, j'avais eu la chance d'avoir quelqu'un sur qui compter et qui m'a aidé au delà des mes espérances. J'ai bien vite appris à mes dépens qu'il ne faut pas trop avoir de coeur mais j'avais aussi subis des pertes lorsqu'il m'avait entraîné à être et accepter ce que je suis. Je l'ai accepté mais j'ai mis beaucoup de temps à accepter le fait que plus jamais je ne pourrais sortir au soleil, que je n'aurais plus jamais une vie normale. Même en étant sorcière, ma vie était bien plus normale. Je me retrouvais en Artémis, la jeune femme que j'étais et qui était comme elle à ses débuts bien que je n'ai jamais refusé de me nourrir même si je trouvais ça horrible et dégoûtant. La vengeance m'a tenu en vie si on peut appeler ça une vie. Elle avait de la chance car aujourd'hui tout est fait pour ne pas tuer alors que moi j'avais dû le faire, j'ai tué des gens pour me nourrir. Elle ne connaîtrait jamais ça et c'était tant mieux car je savais qu'elle culpabiliserait, me l'avouant même.

-On ne choisit pas toujours de devenir ce que l'on est mais aujourd'hui de gros progrès ont été réalisés pour que nous puissions vivre comme des personnes normales ou presque.

Puis je réalise que mes paroles précédentes ont un effet assez étrange sur ma patiente. Elle se renferme sur elle-même et je peux le sentir. Ses mains jouant entre elles en sont un très bon indice. Je la regarde et je comprend qu'elle veut juste vivre et ne pas s'entourer des problèmes des autres. Je peux comprendre mais en tant que vampire elle aura forcément à vivre des choses où elle devra faire preuve de caractère mais peut-être aussi aller bien plus loin que la blessure.

-La plupart le font oui. Nous sommes des créatures surnaturelles et c'est notre essence même que de vouloir dominer. Moi aussi lorsque je suis devenue vampire je n'ai fais que survivre, je ne voulais que ça mais on se défait bien vite de ses illusions.

Je réalise la portée de mes mots et que cela ne va pas l'aider à s'accepter et à l'aider à aller mieux. Je tente de la rassurer.

-Mais ici nous sommes au XXIème siècle, les choses ont changées et probablement que vous arriverez à vivre une vie sans encombres.

Plus je regardais ma patiente et plus je me disais que vu son état psychologique elle n'aurait jamais pu vivre à l'époque à laquelle j'ai été transformée. Et j'étais heureuse pour elle qu'elle n'ait jamais eue à subir ce que moi j'avais subi, à savoir tuer sa première victime pour se nourrir. C'était horrible et j'en avais des souvenirs bien qu'un peu flous tellement j'étais affamée et je ne pense pas que ma patiente aurait pu survivre dans ce monde où tu dois tuer pour survivre sinon c'est toi qu'on tue. Je sais ce qu'elle ressent car moi aussi j'ai eu beaucoup de mal à accepter ce que j'étais et les choses étaient encore moins faciles pour moi. J'avais perdu toute ma famille, assassinée et j'avais dû me débrouiller seule pour apprendre avant de rencontrer quelqu'un qui m'a prit sous son aile et m'a formée à ne pas se faire tuer ni découvrir par les humains. Aujourd'hui il m'arrivait encore d'aspirer le sang de mes victimes mais sans jamais les tuer et c'est surtout lorsque je perds le contrôle, ce qui n'arrive quand même pas très souvent.

-On apprend à vivre avec toutes ces contraintes, croyez-en mon expérience.

Je ne sais pas pourquoi je tente de la rassurer du mieux que je peux sur notre condition de vampire. Peut-être parce que j'avais été à sa place en quelque sorte et que je savais mieux que quiconque ce que l'on pouvait vivre dans cette phase. Et je voulais qu'elle aille beaucoup mieux et elle commençait à se reprendre mais je voulais que ça continue ainsi. Elle devait se battre, elle n'avait pas le choix.

-Non sinon je ne serai pas ici.

Je suis honnête, je n'ai jamais cherché à acquérir du pouvoir hormis lorsque j'étais humaine. Si j'avais à prendre le pouvoir, je le ferai pour récupérer mes pouvoirs ou pour vaincre mon demi-frère mais pas pour autre chose. Je remarque alors un changement chez Artémis et serait-ce de la peur ? Je pourrais presque le sentir, je fronce un peu les sourcils pour tenter de comprendre mais je ne dis rien.

-Il faut y croire mademoiselle Esperanza. C'est bien plus facile aujourd'hui et vous allez vous en sortir.

Je tente un petit sourire alors que je la vois presque déprimée et sans entrain, sans aucun enthousiasme.

Aujourd'hui il est bien plus facile de devenir vampire qu'avant parce que tout est fait pour nous, ce que moi à mon époque je n'avais pas eu. Il avait été très difficile pour moi de m'adapter et je me retrouvais en quelque sorte en Artémis, au début de ma vie d'immortelle. J'avais eu du mal à accepter cette vie parce que j'étais devenue ce que mon demi-frère était, un vampire qui avait tué toute ma famille. Etre un vampire et les détester c'est quand même assez étrange mais pourtant je donnerais tout pour redevenir humaine ou du moins sorcière. Je me sentais bien plus forte avec mes pouvoirs et même si en étant vampire mes sens sont plus développés, j'ai perdu beaucoup de choses de mon ancienne vie. J'ai eu la chance d'avoir un mentor qui m'a prit sous son aile, qui m'a élevée et m'a apprit à me nourrir, à être une vampire. Je ne le remercierais jamais assez malgré qu'il ne soit plus parmi nous aujourd'hui.

-Oui, j'ai tout perdu, ma famille, mes amis, ma vie... Mais je peux vous dire une chose, si vous n'acceptiez pas votre condition de vampire, vous ne seriez plus parmi nous aujourd'hui. Lorsque l'on veut mourir, on s'en donne les moyens et par conséquent vous êtes encore ici, il y a une étincelle de vie qui brille encore.

Je n'ai pas l'habitude d'être aussi encourageante mais c'est la vérité. Lorsque l'on veut se tuer, on trouve toujours un moyen de le faire au bout d'un moment et Artémis semblait être ici depuis longtemps et encore en "vie" si je peux le dire comme ça.

-Je ne vois pas à quoi cela me servirait. Je préfère me débrouiller seule et ne pas m'encombrer. Et ici, je ne suis que médecin, je ne vise pas plus haut.

Mes paroles sont peut-être brutes mais c'est comme ça que je le ressens et je le lui dis presque honnêtement. Même ma vengeance je peux avoir de l'aide mais le moment venu je le ferais seule. C'est bien plus exquis.

-Chacun trouve ce qu'il lui faut comme il peut. Je peux vous conseiller de trouver un travail de nuit et qui vous plaira. Pour vous nourrir, vous n'avez plus à tuer mais vous pouvez vous servir dans les banques de sang. Ce ne sont que de petits exemples mais il est important de pouvoir faire ce que vous aimez tout en vous adaptant à votre nouveau statut.

Je sais qu chaque vampire est différent et que chacun trouve sa propre raison d'avancer et il va falloir qu'Artémis le fasse aussi si elle veut s'en sortir.

J'étais vampire depuis très longtemps et peut-être que mon sens de la gentillesse, de la sympathie était un peu rouillé depuis toutes ces années mais s'il y avait une chose que je ne cachais pas, c'était mon franc parler. J'étais peut-être vampire avec une vie éternelle mais pas assez de temps pour tout et même si je comprenais parfaitement les raisons qui peuvent pousser quelqu'un à ne pas se nourrir, à se laisser mourir, je ne laisserai pas faire, pas sous ma garde. Peut-être que ma façon de lui parler ne lui plait pas mais je ne suis pas là pour m'en faire spécialement une amie, je suis là pour l'aider et la guérir. J'imagine que si ma patiente a été admise ici, ce n'est pas par gaieté de coeur ni parce qu'elle en avait envie, j'imagine qu'elle a été placée de force. Et malheureusement si le mental n'est pas là, on ne peut rien faire.

-Croyez-moi que si un remède existait, je ne serais pas ici à vous parler mais malheureusement une fois transformés, on a pas le choix que de se confirmer à notre nouvelle espèce que ça nous fasse plaisir ou non.

Plus tôt elle voit qu'il n'y a aucun remède, mieux elle ira que d'avoir des désirs et des souhaits qui ne seront jamais réalisables maintenant. J'étais très terre à terre mais je n'avais pas eu le choix, pas eu le temps de me reposer quand j'ai été tuée ainsi que ma famille. C'est mon envie de vengeance qui m'a fait survivre jusqu'ici. Je comprenais ses souhaits parce que je les avais souhaité aussi mais j'avais perdu espoir tout ce temps. Je fais un petit sourire triste parce que malheureusement maintenant elle est une vampire et elle ne peut pas passé à côté.

-Ce qui me manque le plus en terme de nourriture ce sont les gâteaux, le goût mais aussi sentir le soleil sur sa peau.

Peut-être que si je suis un peu plus gentille, elle me fera plus confiance car tout ce que je souhaite c'est qu'elle aille mieux car je ne pense pas qu'elle veuille mourir de toute façon. Peut-être que si je lui fais cette confidence, elle sera plus à l'aise même si ma visite est presque terminée et que je dois aller voir d'autres patients.

-Non ce n'est pas mon genre. Si je dois faire quelque chose, je préfère le faire par moi-même.

Je l'avais fais plus jeune mais peu de temps après je n'avais pu compté que sur moi-même. On ne peut que compter sur soi-même de toute façon, peu de personnes peuvent savoir qui nous sommes réellement.

-Je sais tout ça, je suis vampire comme vous. Vous trouverez votre voie mais si vous voulez sortir d'ici, commencez par vous nourrir un peu plus, à sortir de votre chambre, à trouver un passe-temps ou quelque chose qui vous donnera envie de vous battre.

Je connaissais les faits depuis plus de deux cent ans donc j'étais bien placée pour le savoir.

-C'est bien pour cela que les humains ne le savent pas, nous devons rester un secret, une légende à leurs oreilles.

Je ne sais même pas si mes paroles auront un sens à ses oreilles mais tant pis.

J'avais bien compris que quoi que je dise, quoi que je fasse elle ne m'écouterait pas. Ce n'est pas la première patiente que j'ai et qui réagit comme ça mais cela avait une légère tendance à m'agacer de voir des personnes s’apitoyer sur leurs sorts quand ils pourraient en tirer des avantages. Ce n'est pas drôle d'être vampire et je le sais, je l'ai vécu moi aussi et je l'ai accepté au fil du temps. Il faut qu'il y ait une raison qui te maintienne en vie mais si Artemis ne veut plus se battre, je ne peux rien faire. Elle souhaite redevenir humaine par exemple mais si on pouvait on le ferait depuis longtemps mais ce n'est pas le cas.

Pourtant j'essaie de me montrer le plus compatissante possible sans être fausse dans ma façon d'être parce que mentir n'est pas vraiment une chose à faire et que j'ai l'habitude de faire sauf des situations extrêmes. J'ai fais de mon mieux pour elle et je peux le dire mais lorsqu'on ne veut pas se battre je ne peux rien faire.

Et seulement d'un coup elle s'emporte et je comprend que je l'ai un peu trop poussé mais je ne m'excuserai pas de le faire. Elle prend un peu trop à coeur tout ça et d'après ce que j'ai lu dans son dossier elle est ici depuis assez longtemps pour comprendre qu'elle doit essayer de vivre à nouveau. Je veux bien qu'elle prenne son temps pour apprendre mais tout de même, ça fait un peu trop longtemps.

-Se découvrir n'est pas la bonne chose à faire. Notre espèce est fascinante mais elle fait aussi peur. Beaucoup souhaiteraient nous tuer s'ils l'apprenaient. Il faut faire confiance aux bonnes personnes.

C'est tout ce que j'ai à ajouter quand celle-ci me dit qu'elle est fatiguée. Je comprend que c'est un moyen de me congédier gentiment.

-Très bien, passez une bonne fin de soirée.

Je pars direction la porte que j'ouvre pour sortir et aller voir d'autres patients.

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