Une récompense bien méritée [PV Alex]

Cela faisait quelques jours à peine qu’Ombeline s’était retrouvée coincée sous plusieurs étagères. Pile le temps pour faire un gâteau pour remercier son sauveur : un humain plutôt sympathique.

Ce fut assez facile de le retrouver et de profiter d’une pause pour se diriger vers lui, un grand sourire affiché sur ses lèvres, cachant le gâteau dans son dos avant d’arriver devant lui et de le présenter avec un « Tadaaaa » tout fier.

- Chose promise, chose due !

Et puis c’était l’occasion de lui passer un petit coucou et prendre de ses nouvelles.

J'avais été pas mal occupé dans les derniers jours. Ça m'avait permis de rapidement me remettre de la perte de mon patient, ça m'avait fait du bien de m'occuper la tête en me plongeant dans le travail. C'était plus qu'un simple métier pour moi, c'était ma propre médecine. Concentré sur un dossier, je relève la tête en entendant une exclamation de joie à mes côtés. Je pose mon regard juste à temps sur Ombeline pour la voir sortir un gâteau de derrière son dos. Un petit rire quitte mes lèvres alors que je referme finalement mon dossier.

« Hey.. Je pensais que tu m'avais oublié. »

En réalité et pour être honnête, c'était plutôt moi qui l'avait oublié.

« Comment tu vas ? Tu sais, tu n'étais pas réellement obligé de me faire un gâteau... »

Et en plus, ça se voyait qu'elle l'avait bel et bien fait elle-même.

Ombeline lui offrit un large sourire lorsqu’il lui avoua qu’il pensait qu’elle l’avait oublié :

- Oh, j’ai peut être passé mille ans mais je ne suis pas encore sénile, ne t’inquiète pas, rit-elle.

Et elle doutait de le devenir un jour. Ce serait une preuve de dégénérescence, or, quand on était immortelle, cela n’arrivait pas. Et heureusement… pour avoir vu comment cela se passait sur les humains, elle n’avait pas envie de vivre ce genre de chose.

« Comment tu vas ? Tu sais, tu n'étais pas réellement obligé de me faire un gâteau... »

- Ça va très bien et toi ?

En vérité, elle allait vraiment bien. Elle avait découvert que l’homme qu’elle avait plaqué deux siècles plus tôt par peur de voir encore un mortel qu’elle aimait mourir de nouveau n’était en réalité pas du tout mortel. Enfin il l’était à l’époque. Plus maintenant. Et il n’avait jamais été humain. Bref. De bonnes et surprenantes retrouvailles.

- Je te l’avais promis ce gâteau ! Et puis ça me fait plaisir, vraiment !

Elle ne mentait pas, elle adorait faire des cadeaux aux gens. Et elle adorait faire des gâteaux. Alors offrir des gâteaux c’était le top du top.

Faisant mine de repartir, malgré le sourire qui la trahissait, elle ajouta pour le taquiner :

- Mais si tu n’en veux pas, tant pis, je le mangerais toute seule dans mon coin.

Je me souvenais bien entendu de notre première et dernière conversation où j’avais appris qu’elle était une fée. En même temps.. Ce n’est pas le genre d’informations que l’on oublie facilement, peu importe dans quel genre d’hôpital étrange où l’on bosse, comme c’est mon cas. Même si je sais qu’il y a du surnaturel ici, je n’y suis pas confronté comme bien d’autres employés de cette aile spéciale. Je lâche donc un petit rire à ses mots.

« C’est une bonne nouvelle. Le contraire ne serait pas très rassurant, sans doute.. Sinon, l’éternité risque d’être assez longue. »

Je m’informe de son état, car après tout, même si notre dernière rencontre n’était qu’il y a quelques jours, ça se trouve elle ne s’est pas remise de l’attaque de l’étagère. Elle me rappelle qu’elle m’avait promis ce gâteau et je souris un peu en coin.

« C’est rare de nos jours les gens qui tiennent leurs promesses.. Désolé d’avoir cru que tu puisses être dans cette catégorie. »

Pas qu’elle ait la tête de quelqu’un de malhonnête, mais ça ne m’aurait simplement pas étonné qu’elle ne vienne jamais me donner ce gâteau et de toute façon, elle doit bien se douter que je ne lui en aurait pas voulu, puisque je ne m’en souvenais pas vraiment moi-même ! Avant que j’ai eu le temps d’ajouter quoi que ce soit, elle fait mine de repartir avec son gâteau et je secoue la tête.

« Non non, je vais le manger, si ça te fait plaisir d’offrir des gâteaux, je t’avoue que moi ça me fait plaisir d’en manger. »

Je la regarde en affichant un air sérieux, mais avec une sorte de petit sourire en même temps, comme si j’y étais contraint, alors que pas du tout.

« Mais je veux bien partager, si tu as un peu de temps. »

« C’est une bonne nouvelle. Le contraire ne serait pas très rassurant, sans doute.. Sinon, l’éternité risque d’être assez longue. »

Ombeline réfléchit rapidement et pencha la tête sur le côté.

- Hum… ça dépend, si on oublie tout constamment, il y a moyen de ne pas se rendre compte de l’éternité… Enfin, ce n’est qu’une supposition.

Et à bien y réfléchir, elle se disait qu’un immortel amnésique aurait de la chance. C’était plutôt lourd les années à force.

Mais elle, elle n’oubliait pas, et encore moins ses promesses. Surtout quand ça mettait en jeu un gâteau et un sauvetage d’étagères. Et puis, à vrai dire, c’était presque une excuse pour offrir un gâteau. S’il y avait une journée de la pâtisserie, ce serait sans doute la première à descendre dans la rue pour en distribuer.

« C’est rare de nos jours les gens qui tiennent leurs promesses.. Désolé d’avoir cru que tu puisses être dans cette catégorie. »

- Awww, ce n’est pas si rare que ça, il faut juste tomber sur les bonnes personnes, le rassura la fée avec un petit air compatissant.

Elle aurait pu avoir de la peine pour lui mais savait que c’était une attitude courante malheureusement. Et elle ne pouvait que redonner un peu d’espoir en tenant ses promesses, incitant les gens à faire de même.

Plaisantant sur le fait de repartir avec le plat, elle ne put retenir un petit sourire lorsqu’il répondit :

« Non non, je vais le manger, si ça te fait plaisir d’offrir des gâteaux, je t’avoue que moi ça me fait plaisir d’en manger. »

- Ouf ! Ça aurait été bête de ne pas aimer ! Je n’ai pas l’estomac assez grand pour tout ça.

« Mais je veux bien partager, si tu as un peu de temps. »

Le sourire de la fée s’élargit.

- Avec plaisir !

Elle s’installa à une table et posa le gâteau dessus.

- Et puis la dernière fois on n’a pas trop eut l’occasion de parler vu le peu de temps qu’on avait et… les circonstances, fit-elle remarquer.

A sa réflexion sur le fait que le temps passerait sans que l'on s'en aperçoive réellement si on oublie constamment son existence, je me dis qu'elle n'a pas tord. En tant qu'humain, on vit parfois à cent à l'heure en se disant qu'on a une sorte de date de péremption, qu'un jour nous allons mourir, mais ce sentiment doit être effacé lorsque l'on sait que l'on va vivre des centaines d'années. Enfin, ça doit être bien moins pressant. Et si on oublie qu'on va vivre aussi longtemps, est-ce que ça change notre perception de la vie ?

« Ça doit avoir du positif et du négatif.. C'est sur que si tu vis avec quelqu'un et que tu oublies tout à tous les jours pendant mille ans, c'est très pénible pour la personne qui t'accompagne. »

Je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'elle m'offre réellement un gâteau et je m'excuse auprès d'elle de ne pas y avoir cru. J'hoche la tête à sa réponse et je souris légèrement. C'est vrai que je n'ai pas un passé très positif, ça ne m'a pas toujours fait rencontrer les bonnes personnes.

« Peut-être que maintenant que tu as ouvert la voie, j'en croiserais plus. »

Je hausse légèrement les épaules, sans grande conviction, mais la considérant réellement comme une bonne personne au final, même si ce n'est pas gagné me connaissant, car je n'accorde pas souvent beaucoup d'attention aux autres personnes. Peut-être que ça n'aide pas ça non plus, à croiser de bonnes personnes. Lorsqu'elle dit qu'elle peut repartir avec son gâteau, je note le fait qu'en fait, j'aime bien manger des gâteaux, mais que je veux bien partager avec elle. Je m'installe à une table avec elle et je hoche la tête à sa phrase.

« Oui, c'est vrai, heureusement cette fois, nous sommes loin des autres meubles alors ça ne devrait pas se reproduire. »

Je souris légèrement et puis je regarde autour de nous, à la recherche de quelque chose. Finalement, c'est sur l'un des chariots, poussé par une autre infirmière je crois, que je vois ce que je cherchais. Je me lève pour aller voler deux petites cuillères dans le chariot, puis je reviens m'assoir face à elle en lui en tendant une.

« Et voilà, ça sera plus pratique pour manger. Bon, nous n'avons pas d'assiettes, mais.. Ça passera un peu moins inaperçu si j'emprunte des assiettes, surtout qu'elles ont toutes déjà de la nourriture dedans. »

J'espère juste pour la femme qu'elle n'avait pas compté le nombre précis de petite cuillère qu'elle avait amené.

« Oui, c'est vrai, heureusement cette fois, nous sommes loin des autres meubles alors ça ne devrait pas se reproduire. »

– À moins que les tables et les chaises ne m’agressent, mais dans ce cas, il faudrait que je trouve le sorcier qui m’a ensorcelée, plaisanta Ombeline en s’installant à son tour.

Alors qu’elle ouvrait la boîte, dévoilant un gâteau au chocolat, classique, mais plutôt sûr quand il s’agissait de faire plaisir à une personne dont on ne connaissait pas les goûts, son collègue chipa deux cuillères.

« Et voilà, ça sera plus pratique pour manger. Bon, nous n'avons pas d'assiettes, mais.. Ça passera un peu moins inaperçu si j'emprunte des assiettes, surtout qu'elles ont toutes déjà de la nourriture dedans. »

– Et puis il ne faudrait pas encourager le vol de couverts plus que ça, ajouta la fée en prenant un faux air choqué (mais plus amusé qu’autre chose). Déjà que je suis outrée de participer à un tel délit !

Mais elle prit néanmoins la cuillère et se leva à son tour pour récupérer deux serviettes en papier.

– Voilà, ça devrait faire l’affaire, dit-elle en servant les parts qu’elle avait prédécoupées dessus. J’espère qu’il va te plaire !

« C'est vrai que ça ferait un peu attaque personnelle si ça se reproduit. »

Je souris légèrement en m'installant donc à la table avec elle. Je jette malgré moi un regard autour de nous. Après tout, je ne m'y connais pas tellement en surnaturel, sorciers et tout ça, alors ça se trouve, elle est vraiment maudite par quelqu'un. Par contre, elle semble plutôt gentille comme personne, alors j'aurais du mal à comprendre pourquoi quelqu'un voudrait s'en prendre à elle. Elle dévoile finalement son gâteau et, n'ayant pas mangé depuis un moment déjà, je ne sais pas par quel miracle mon ventre ne fait pas de bruit. Je vais voler discrètement deux cuillères puis une fois revenu à ma place, la réaction de la fée me fait sourire.

« Oh, il ne faut pas s'inquiéter, je les redonnerais après ! Disons que c'est un ... emprunt ! Jusqu'à ce que nous ayons terminé de manger ce gâteau. »

Honnêtement oui, si je ne me retenais pas, je pourrais très certainement manger ce gâteau en entier, mais ça ne fait pas très santé de manger un gâteau en entier pour un chirurgien, surtout auprès d'enfant. Je la laisse nous servir nos parts de gâteau et je plante directement ma cuillère dedans, pas comme une brute, mais avec appétit.

« J'en suis certain. »

Je prend justement une première bouchée après avoir parlé et je confirme d'un hochement de tête ce que je viens de dire, en attendant d'avoir avalé ce que je viens de manger.

« J'avais raison, c'est très bon ! Ça doit être les années d'expériences à s'entraîner qui le rende si savoureux. »

Je souris légèrement en coin, amusé et je prend une autre bouchée, puis je me dis que ça serait bien de réellement apprendre à se connaître un peu. Pour une fois que je m'entends bien avec une infirmière en plus.

« Alors.. Pourquoi infirmière? Je veux dire.. Tu fais ça depuis longtemps du coup ? »

Ombeline ne put s’empêcher de lui offrir un immense sourire lorsqu’il lui donna son avis sur le gâteau.

– Hé hé, toutes les recettes secrètes de grand-mère réunies dans des siècles d’expérience, se vanta-t-elle.

… Même s’il y avait en réalité des recettes qu’elle découvrait via internet et qui étaient vraiment délicieuses…

Il y avait toujours cette croyance comme quoi les savoirs anciens étaient meilleurs, c’était amusant d’en jouer quand on était immortels. Mais la réalité était que sur beaucoup de choses, il valait mieux pas suivre les conseils de grand-mère… entre les cosmétiques toxiques et les soins relevant plus des croyances religieuses qu’autre chose… Enfin, il y avait quand même des savoirs efficaces qui se perdaient, mais c’était comme tout : il fallait savoir faire la différence entre le bon du mauvais. Bref : les astuces de grand-mère, c’était comme aller sur Internet au final…

« Alors.. Pourquoi infirmière? Je veux dire.. Tu fais ça depuis longtemps du coup ? »

La fée réfléchit en prenant une bouchée de gâteau.

– Eh bien, c’est un peu compliqué… ça fait quelques siècles, mais entre les lois autorisant ou non aux femmes de travailler, j’avoue que je m’y perds un peu. Sans compter les chasses aux sorcières où il valait mieux cacher ses capacités dans le domaine… Mais au final, je me suis intéressée au médical il y a très longtemps, quand j’ai commencé à me mêler aux humains.

C’était drôle de parler d’humains à un humain. Mais il devait comprendre.

– Je me régénère, mais vous… vous êtes tellement fragiles. Quand mon premier mari est tombé malade, je me suis rendue compte que les humains nécessitaient énormément de soins. Comme les plantes et les animaux. Alors j’ai commencé à m’intéresser à la médecine.

Si c’était fascinant au début, c’est vite devenu nécessaire pour ses enfants. Ils étaient fragiles, malformés et avec toutes les maladies qui traînaient à l’époque, les maintenir en vie était un véritable tour de force. La médecine était devenu le seul moyen de ne pas assister impuissante à leur mort. Même s’ils finissaient toujours par partir dans l’au-delà, la laissant seule, le cœur brisé.

– Et puis ça me plaît de m’occuper des gens.

Je ne réprimais pas un petit rire lorsqu'elle me reparla des recettes de grand-mère. Ça devait réellement être pratique d'avoir accès à autant de connaissances, depuis autant de temps. Malheureusement, j'étais encore une fois convaincu que la plupart des gens qui avaient accès à autant d'informations devaient très certainement les utiliser à mauvais escient. Personnellement, à une certaine époque, c'est probablement ce que j'aurais fais. J'avais quelque peu changer depuis cette période plus sombre de ma vie, mais.. Ça restait tout de même très intéressant.

« Très efficace les grand-mère. Et le côté pratique d'en avoir autant sous la main, c'est de pouvoir choisir le meilleur de chaque recette sans doute.. »

Parce qu'il y avait assurément des recettes qui ne devaient pas être géniales. Finalement, j'aborde une question qui m'intriguait depuis notre première rencontre : le choix de son métier. J'écoute sa réponse attentivement tout en mangeant mon morceau de gâteau. J'aurais dû me douter que ça avait un lien avec son histoire personnelle. Au final, je pense que ces métiers-là, on les choisit presque tous par rapport à quelque chose de notre passé. Je rate tout de même de peu de m'étouffer lorsqu'elle me parle de siècles.

« Quelques siècles ? Donc tu n'exagérais pas quand tu disais que tu t'exerçais depuis près d'un millénaire à faire des gâteaux ? »

Je n'avais pas tellement relever lorsqu'elle m'avait dit ce chiffre lors de notre première rencontre, mais maintenant ça me frappait. J'écoute tout de même son histoire et je hoche la tête.

« Je comprends mieux pourquoi tu as voulu faire ce métier du coup.. Mais oui, les humains sont assez fragiles, même si certains démontrent une très grande résilience. Tu as de la chance dans un sens, il y aura toujours des gens de qui s'occuper. »

Si elle aimait ça, c'était une bonne chose. Mais c'était un peu triste pour l'humanité qu'on ne trouve jamais le moyen d'éliminer tout ce qui nous fait du mal ou alors que lorsque l'on trouve une solution, une autre chose encore pire se développe.

« Ça n'a pas du être simple.. Pour ton mari, je veux dire. Si il était humain, il n'a pas pu vivre aussi longtemps que toi.. »

Je ne savais pas trop comment formuler ma phrase, mais en gros, ça devait être horrible de continuer à vivre alors que la personne qu'on aime le plus au monde, enfin je le supposais puisque c'était son mari, meurt et surtout, de vivre aussi longtemps qu'elle. Visiblement, elle avait du avoir un autre mari ensuite puisqu'elle avait dit son premier, mais tout de même.

« Quelques siècles ? Donc tu n'exagérais pas quand tu disais que tu t'exerçais depuis près d'un millénaire à faire des gâteaux ? »


Voyant sa réaction, Ombeline eut un petit rire. Il était vrai que c’était rare de vivre aussi longtemps qu’elle, même pour un être surnaturel, et son échelle de temps était « légèrement » différente de celle de son collègue en somme. En plus, ce n’était pas comme s’il y avait une conversion possible, puisqu’il n’y avait pas de fin. Un siècle chez une fée ne correspondait pas à 10 ans chez un humain… un siècle était un siècle. C’est tout.

– Pas du tout, j’ai 1008 ans exactement. Bon, j’ai grandit auprès des miens, ce qui fait que j’ai appris plus tard à cuisiner, mais comme chez les humains, à l’époque, les femmes étaient assignées à la maison, j’ai vite été obligée d’apprendre pour me mêler à la population.

« Je comprends mieux pourquoi tu as voulu faire ce métier du coup.. Mais oui, les humains sont assez fragiles, même si certains démontrent une très grande résilience. Tu as de la chance dans un sens, il y aura toujours des gens de qui s'occuper. »

Hochant la tête, elle ajouta :

– C’est vrai, et puis il n’y a pas que les humains qu’il faut soigner. Beaucoup de surnaturels se retrouvent aussi à l’hôpital, et c’est une bonne chose parce qu’avant, ils n’osaient pas, de peur qu’on découvre leur nature et beaucoup se soignaient mal et en mourraient.

Puis vint la réflexion inévitable. Ombeline avait parlé de son premier mari… elle l’avait dit sans réfléchir, sans penser qu’évidemment, le sujet reviendrait.

« Ça n'a pas du être simple.. Pour ton mari, je veux dire. Si il était humain, il n'a pas pu vivre aussi longtemps que toi.. »

Détournant le regard pour éviter qu’il ne voie sa tristesse à cette allusion, Ombeline répondit de manière plutôt évasive :

– En effet…

Son visage entier laissait transparaître ses émotions et elle s’était légèrement recroquevillée sur elle-même.

Cela faisait des siècles, mais chaque décès avait ajouté sa pierre à ce palais qu’était à présent sa peine, bien planté dans cette partie sombre d’elle qui ne cessait de lui souffler que tout allait mal, que le monde mourrait à petit feu tout autour d’elle et que cela ne valait pas la peine de continuer ainsi.

Elle prit une bouchée de gâteau, se redressa, et reporta l’attention sur Alex en lui retournant la question :

– Et toi ? Comment en es tu arrivé à faire ce métier ?

J'avais des nouvelles découvertes à tous les jours en ce qui concernait le surnaturel. Je tentais de ne pas paraître trop sous le choc, mais c'est un peu difficile à faire lorsque la personne à qui tu es en train de parler te révèle avoir 1008 ans. Quelques centaines d'années, j'aurais pu ne pas être trop surpris, mais là.. Difficile. Au moins, ça semblait amuser la fée.

« Même si tu as appris tard, tu as appris quelque chose qui te sera utile bien plus longtemps que pour nous.. Tu as du voir de sacré choses évoluer en autant de temps, même juste les droits des femmes. »

Je n'étais pas le plus grand défenseur des femmes, même assez loin de là, mais en plus de mille ans de vie en étant une femme, beaucoup de choses avaient dû être remarquables au niveau de l'évolution. Et ça doit être assez particulier d'assister à tout ça et d'avoir encore toute sa tête.. parce qu'on ne va pas se le cacher, la plupart des gens qui ont vécu beaucoup de choses, et à peine cent ans, sont rarement lucides à leur âge vénérable.

Lorsque je lui parle des soins à donner, elle me répond par rapport aux êtres surnaturels et je la trouve un peu moins invasive que la dernière personne qui m'avait parlé de la même chose. Au moins là, j'y trouve une vraie raison de leur présence ici. Je ne suis toutefois pas plus intéressé à travailler cette partie-là de l'hôpital.

« Tu as raison, c'est une bonne chose alors que cet hôpital existe. Enfin.. Tu sais s'il y en a d'autres comme celui-ci ? Et j'ai une question qui me taraude depuis un moment.. Est-ce qu'il y a autant de surnaturels que d'humains ? »

Après tout, même si je bosse dans un hôpital où il y en a beaucoup, je n'ai jamais eu qui que ce soit à poser mes questions. Un sujet par contre sur lequel j'aurais peut-être mieux fait de me taire peut-être c'est à propos de son mari, parce que je vois bien que cela la rend triste. Je la regarde alors sans trop savoir quoi dire, alors je dis la première chose qui me vient à l'esprit.

« Désolé.. »

Elle semble reprendre pied assez rapidement, ou peut-être est-ce une simple façade, mais elle remange un peu de gâteau avant de me questionner à mon tour.

« C'est une très bonne question. »

Je ne ris pas cette fois, jouant même un peu avec mon gâteau en réfléchissant. Je me mords un peu la lèvre en fixant le morceau dans mon assiette puis je relève finalement les yeux vers elle.

« J'ai simplement eu la chance d'avoir une bourse parce que je faisais de la lutte en fait.. Et certains problèmes de santé dans ma famille on sans doute jouer aussi. »

Je mange rapidement une nouvelle bouchée de gâteau, pas à l'aise du tout de révéler davantage de chose sur mon passé. Comment dire de toute façon que la moitié de ma famille a des problèmes d'ordre psychiatrique ? Que mon frère a déjà failli tuer ma soeur en période de crise ? Que mon père était un vieil alcoolique ? Non, clairement tout ça a jouer dans mon envie d'avoir une vie meilleure, de donner une possibilité à certains d'avoir une vie meilleure, mais je n'ai pas la force d'en parler plus. J'ai soudainement un peu moins d'appétit de parler de tout ça, c'est la première fois depuis très très longtemps que j'aborde le sujet d'aussi près.

« Même si tu as appris tard, tu as appris quelque chose qui te sera utile bien plus longtemps que pour nous.. Tu as du voir de sacré choses évoluer en autant de temps, même juste les droits des femmes. »

– Oh, c’est sûr ! Et comme j’ai fait beaucoup de voyages, c’était très intéressant de voir comment les choses avançaient différemment… comme des univers parallèles plus ou moins en contact les uns avec les autres.

Elle eut une petite grimace au souvenir d’une période en particulier et ajouta :

– J’ai failli finir sur un bûcher d’ailleurs pendant la chasse aux sorcières… J’aurais bien été embêtée si j’avais du leur expliquer pourquoi je ne brûlais pas…

Enfin, ce n’était pas le feu qu’elle avait craint à ce moment-là… plutôt les aiguilles de fer qu’ils utilisaient.

La conversation revint sur les soins, l’hôpital, leur métier… Tout le monde avait besoin d’être soigné. C’était le genre de métier qui durera toujours.

« Tu as raison, c'est une bonne chose alors que cet hôpital existe. Enfin.. Tu sais s'il y en a d'autres comme celui-ci ? Et j'ai une question qui me taraude depuis un moment.. Est-ce qu'il y a autant de surnaturels que d'humains ? »

Ombeline réfléchit.

– Oui, il y a plein d’établissements réservés aux surnaturels… maintenant, quant à savoir si on est aussi nombreux… je t’avoue que je ne sais pas. Il n’y a pas de grosse organisation des êtres surnaturels façon illuminatis... On est tellement habitués à se cacher qu’on a même du mal à se reconnaître entre nous.

Avec un petit rire, elle prit son propre exemple :

– J’ai récemment eut la surprise de recroiser un ex. Je l’avais plaqué il y a 200 ans parce que je ne voulais plus m’attacher à un mortel. Je te laisse imaginer la tête qu’on a fait tous les deux en se rendant compte qu’aucun des deux n’était humain !

Puis vint la question sur son mari. Enfin, l’un de ses maris. En même temps, elle avait abordé le sujet, fait des sous entendus dans ce sens…

Ombeline se recroquevilla légèrement, se ternit, et remit le masque. Comme d’habitude.

Si on lui demandait comment elle tenait, la plupart du temps, elle mentait en répondant qu’elle avait fait son deuil, que le monde était plein de choses merveilleuses, joie, bonheur, tout ça tout ça… mais si elle venait à répondre plus sincèrement, elle dirait qu’en vérité, elle ne tenait pas. Elle fuyait.

Comme elle fuyait en reportant la conversation sur lui.

Ça paraissait être une bonne échappatoire, jusqu’à ce qu’elle remarque qu’elle aussi avait appuyé sur un point sensible.

« J'ai simplement eu la chance d'avoir une bourse parce que je faisais de la lutte en fait.. Et certains problèmes de santé dans ma famille on sans doute jouer aussi. »

L’observant, elle réfléchit à un moyen de rattraper la situation. L’inviter à fuir aussi le sujet.

– De la lutte ? Quel genre ? Je sais qu’il en existe beaucoup de genre, mais beaucoup ont évolué ou disparus avec le temps. Et puis j’avoue ne pas faire beaucoup de sport… j’ai essayé l’aquaponey et ça m’a énormément plu ! J’en aurait bien refait ici, mais il n’y a pas de club dans le coin.

Je ne m'étais pas vraiment attendu au fait que de parler avec une personne surnaturelle pourrait être aussi intéressant. Il fallait avouer également que les rares fois où je m'étais retrouvé confronté de façon directe avec des personnes surnaturelles, ça ne s'était pas vraiment bien passé. Ça ne donnait pas envie d'en apprendre plus, mais avec Ombeline c'était différent, plus simple dans un sens. Je me plaisais bien à écouter ce qu'elle pouvait me raconter de sa longue vie. Je suis étonné par contre de sa nouvelle confession à propos de la chasse aux sorcières.

« Oh. Et comment est-ce que tu avais fais pour t'en sortir ? Ils ne devaient pas être du genre à facilement abandonné à l'époque.. »

Elle n'était pas encore au bout de mes questions. J'en avais pas mal qui me brûlait les lèvres et que je ne pouvais poser à personne d'autres qu'elles. Je n'allais clairement pas retourner voir la seule autre personne que je savais être surnaturelle de façon très nette. Je la questionne cette fois-ci sur les différents hôpitaux comme celui-ci, qui offrent les deux ailes de soins, mais aussi à savoir si il y a beaucoup d'êtres surnaturels, tout simplement. Je souris légèrement à sa réponse, même si au fond, je n'en suis pas si rassuré. Après tout, tout ce qu'on ne connait pas nous fait peur et moi le surnaturel, je ne m'y connais pas tellement. Je hausse les sourcils lorsqu'elle me parle d'un ex d'il y a deux cents.

« Wow, ça doit vous avoir fait un sacré coup ça c'est sur. Et après 200 ans, les sentiments refont surface ou comme on dit, le temps efface tout ? »

Dans un sens, je la questionnais un peu sur la même chose tout juste après en lui parlant de son mari, mais la différence était que cet ex était bien vivant lui visiblement. J'espère simplement que ça ne va pas la déprimer comme d'avoir parler de son mari.

Cependant, lorsque les questions se retournent vers moi, c'est à mon tour de ressentir une sorte de bleu à l'âme. Ce n'est pas toujours simple de penser à son passé, surtout quand beaucoup de choses se sont passées de façon à l'entacher. Comme si elle l'avait compris, mieux que moi juste avant, elle me fait plutôt parler de la lutte, plutôt que des fameux problèmes de santé dont je viens tout juste de parler et qui auraient aussi pu l'intriguer.

« Oui il existe pas mal de styles différents.. Je faisais plutôt dans la lutte libre. Ça permet plus de choses, comme le nom l'indique.. »

Je souris un peu, venant passer une main sur ma nuque. Je n'avais jamais vraiment parlé de mon sport avec des gens extérieurs à ce monde. Je relève les yeux vers elle lorsqu'elle parle d'aquaponey et un petit rire vient franchir mes lèvres.

« De l'aquaponey ? Pourquoi est-ce que ça ne me surprend qu'à moitié.. Tu pourrais te lancer et ouvrir ton propre club si ça te manque à ce point.. Ça consiste réellement à son nom ? »

J'avais du mal à m'imaginer que ce sport existait réellement.

« Du coup, comme il n'y a pas d'aquaponey et que tu ne dois pas faire de gâteau tous les jours.. A quoi est-ce qu'on trouve intéressant d'occuper son temps après autant d'années d'existence ? »

Lorsque je questionne Ombeline pour savoir comment elle avait fait à l'époque pour éviter le buché, je souris à sa réponse. J'aurais bien évidement dû m'attendre à une réponse toute en innocence et sans aucune méchanceté malgré que ses gens aient pu l'être eux-même.

« C'était une super idée. Ça devait être assez impressionnant à vivre. »

Continuer de vivre sa vie tranquillement sors que juste à côté, une personne qui devrait vivre exactement la même chose vit en fait quelque chose de totalement différent, façonner par soi-même.

Je ne suis pas au bout de mes surprises de voir tout ce qu'on peut vivre en ayant vécu aussi longtemps. Visiblement, elle non plus d'ailleurs. Je souris un peu à ce qu'elle me dit à propos de sa relation avec cet homme qui semble avoir fait plus que battre son coeur.

« C'est une belle histoire ça. Du coup.. Vous envisagez de reprendre les choses là où vous les aviez laissées ?»

Je suis loin d’être une fille qui rafole des potins, comme je suis un mec, mais je pense que n'importe qui d'autres à ma place serait sans doute curieux d'en apprendre plus sur ce genre de relation mystérieuse et difficilement inexplicable.

La conversation se poursuit, cette fois encore sur des sujets bien hors du travail. J'en apprends plus sur ce qu'elle fait, ses passe-temps et je lui parle même des miens, chose que je ne fais pas souvent avec des collègues. Il faut croire que le courant passe bien. Un petit rire franchit mes lèvres quand elle dit qu'elle ouvrira peut-être son club dans un siècle ou deux.

« Je suis certain que c'est assez intemporel comme sport, donc même dans un siècle ou deux, tu devrais avoir un franc succès. »

Ma tête se hoche à sa question et je hausse aussi les épaules.

« Oui, ça fait du bien parfois justement de se venger de la vie qui s'acharne sur les enfants. »

Des enfants pour lesquels on ne pouvait pas toujours tout faire, même si on faisait de notre mieux. Je repose mon regard sur elle, ressortant de mes pensées un peu plus sombres, et je souris devant autant d'entrain. Elle a vraiment une joie et une énergie contagieuse.

« Au moins, ça a l'avantage de ne pas être limité devant le temps passé devant les séries .. et la chance de pouvoir tout se faire !»

Parce que sans conteste, l'humain normal n'aura jamais le temps de tout voir, surtout qu'il y a des nouveautés presque tous les jours.

« Te ressourcer comme nous on peut le dire ou bien tu as réellement besoin d'y retourner ? »

C'était maladroit, mais je pense qu'elle va comprendre que je cherche juste à en apprendre plus. Tout en continuant notre conversation, je continue de manger et de savourer son gâteau.

« Dis, quelle est l'invention que tu aimes le plus ?»

Elle avait vécu beaucoup de temps sans beaucoup de choses. Je trouvais intéressant de voir ce qu'elle considérerait le plus utile ou le plus changeur de vie.

« C'était une super idée. Ça devait être assez impressionnant à vivre. »

Ombeline sourit, flattée et le remercia. C’était agréable de voir comme le monde avait changé. À l’époque, nombre de personnes auraient trouvé ça absolument effrayant et abominable. En vérité, si elle le souhaitait, elle pouvait faire vivre un véritable enfer aux personnes sous son emprise. Enfin, à l’époque. C’était fou comme tout changeait mine de rien. Un moment elle vivait dans la forêt et c’était ok de tuer des humains, un autre elle était au milieu des humains et utilisait ses pouvoirs pour leur échapper sans les blesser, et enfin, elle était à présent au milieu des humains à s’affaiblir jusqu’à vivre comme eux.

Enfin, pas totalement comme les humains et les dommages collatéraux ne l’étaient pas forcément non plus. La preuve en était avec Eliaz.

« C'est une belle histoire ça. Du coup.. Vous envisagez de reprendre les choses là où vous les aviez laissées ?»

Ombeline réfléchit avant de répondre.

– Je ne sais pas, cela me plairait, mais je ne peux pas passer à côté du fait que je lui ait brisé le cœur à l’époque. Peu-être qu’il lui faudra du temps, mais ça semble bien parti pour repartir je crois.

Elle eut un léger rire et haussa les épaules.

– C’est drôle … Il y a des choses qui ne changent jamais, quel que soit l’âge, la race et l’époque… l’amour, les relations en général… c’est des problèmes qui reviennent et restent.

C’était sans doute pour ça qu’elle pouvait toujours se lier avec les gens malgré leur différence d’âge. Arrivait un moment, il suffisait d’avancer avec son époque pour ne pas donner l’impression d’être une grand-mère coincée dans un corps de jeune. C’était sans doute pour cela qu’elle pouvait parler avec cet humain en face d’elle sans sentir de gros décalage. Au contraire, ils partageaient ce décalage et apprenaient.

« Au moins, ça a l'avantage de ne pas être limité devant le temps passé devant les séries .. et la chance de pouvoir tout se faire !»

– Hé hé… je pourrais frimer en disant que j’ai absolument tout vu, mais en réalité… non. Il me faudrait plusieurs siècles pour tout regarder je pense, et encore, les productions vont tellement vite, je crois que la fin du monde pourrait arriver que je serais toujours en train de tout regarder si je venais à me fixer cet objectif.

Sans compter que tout n’était pas forcément à son goût et qu’elle avait d’autres occupations à côté, jamais elle ne pourrait se passer de ses sorties en forêt. D’ailleurs, quand Alex lui demanda la nature de ce ressourcement, elle hésita sur sa réponse :

– Un peu des deux en fait. C’est mon milieu naturel, je suis née dans une forêt et mes pouvoirs dépendent de la nature et je ne peux pas ignorer que la déforestation et les catastrophes écologiques les affaiblissent. Je peux survivre sans, mais c’est un peu comme se retenir de respirer.

Elle se rendit compte que sa métaphore était quelque peu mal choisie.

– Enfin… je peux survivre sans respirer, mais c’est vraiment très désagréable à force.

Quand on était immortelle, il y avait plus une échelle de choses désagréables qu’autre chose. Il y avait bien des choses mortelles, mais pour sa part, elle avait été contente de constater qu’on utilisait plus des alliages que du fer pur à présent. Elle évitait quand même les clous, les vieilles clefs et les fers à cheval, par précaution.

« Dis, quelle est l'invention que tu aimes le plus ?»

– L’invention que j’aime le plus ? Hum, tu me poses une colle là…

La fée réfléchit.

– La peinture… L’électricité… hum…. Non… les feux d’artifices… le cinéma… aaah il y a vraiment trop de trucs ! En plus il y a tellement d’inventions qui continuent de sortir en ce moment !

Sans compter que certaines étaient chargées de souvenirs plus ou moins agréables pour elle…

Elle réfléchit.

– L’art en général… c’est une invention que j’aime beaucoup et qui ne me lasse jamais. Mais j’ai toujours l’impression que ce n’est pas vraiment une invention, c’est comme dire que j’aime bien l’invention des gens. J’adore voir comment ils peuvent s’exprimer, expérimenter, raconter des choses, faire de la magie sans magie…

Elle eut un léger sourire et avoua :

– J’adore voir les tours de magie. Je peux faire n’importe quelle illusion, mais je trouve ça absolument incroyable d’arriver au même résultat sans aucun pouvoir. Un de mes fils en avait fait son métier, il voulait « faire comme sa mère » … quand il me montrait ses astuces, j’étais toujours impressionnée de voir autant d’ingéniosité.

Le regard de la fée s’était légèrement perdu dans ses pensées et son passé. Une légère tristesse avait teinté sa voix à l’évocation de ce souvenir. Quand elle se rendit enfin compte que non seulement elle ressassait le passé, mais en plus elle arrivait sur un terrain miné émotionnellement parlant pour elle, elle usa de sa technique habituelle :

– Et toi ? Quelle invention tu aurais aimé voir à ses débuts ?

Je ne la jugeais pas du tout pour sa technique de de sauver des humains à l'époque, car je me doute qu'elle n'avait pas d'autre choix. De toute façon, je ne pense pas qu'elle soit du genre à vouloir volontairement faire du mal à quelqu'un. Elle voulait simplement protéger sa propre vie.

Je peux voir qu'elle a vécu beaucoup d'épreuves dans sa vie et pas que quand elle a vécu la chasse aux sorcières, mais bien pendant toute sa longue vie et surtout au niveau de l'amour. Pas qu'entre un homme et une femme, avec ses enfants aussi, mais c'est plutôt de la première catégorie dont on parle un peu plus. Je souris légèrement à ce qu'elle me dit, car je peux très bien voir qu'elle ne serait pas du tout contre l'idée que leur histoire recommence, ce qu'elle me confirme d'ailleurs.

« Si ça doit se vivre à nouveau, ça se fera. Puis, si tu l'aimes encore autant, tu sauras le lui prouver et en lui donnant le temps à lui aussi de de faire l'idée. »

Ils ne s'étaient pas attendu, mais c'est tout comme au final. Ça méritait sans doute de faire encore que tout fonctionne.

« Ça peut parfois êtres de bons problèmes et c'est bien que ces choses restent inchangées, ça prouve que malgré ce qu'on reproche à la technologie, les gens ont encore leur coeur. »

Je hausse un peu les épaules, prenant du coup un air un peu plus détaché, car je n'ai pas souvent eu de ce genre de relation qui ferait en sorte que j'ai envie de me battre plus fort pour vaincre ces problèmes.

Finalement, je trouve un avantage de plus à son immortalité et je ris un peu à sa réponse d'ailleurs.

« C'est pas faux. Même si tu y pensais 24h par jour, sans avoir besoin de faire de pause ce serait impossible. C'est presque dommage.. Mais de l'autre côté c'est une bonne chose parce que sinon on pourrait perdre notre temps à regarder des choses qui ne nous intéressent pas vraiment, juste parce qu'il n'y a que ça. »

Je la questionne une nouvelle fois sur le fonctionnement de son espèce et je hoche la tête à ce qu'elle me dit, notant bien l'information dans ma tête. Ça se trouve, ça ne me sera jamais utile, mais bon. C'est plus respectueux et ça m'intéresse.

« Oh, je vois ! Malheureusement ça ne va pas aller en s'améliorant.. Je te souhaite que la tendance évolue finalement dans l'autre sens.»

Parce que bon, même si elle pouvait visiblement vivre sans respirer, bien que mon esprit scientifique ne comprenne pas comment cela peut être possible, ça n'a sans doute rien d'agréable d'avoir l'impression de respirer à travers un sac en permanence.

Elle répond à ma nouvelle question et je hoche une nouvelle fois la tête à sa réponse. Je ne pensais pas à une invention dans ce sens-là, j'avoue même que je n'y aurais clairement pas pensé. Au final, ça ne me surprend pas tant que ça par contre, que ce soit son invention préférée.

« Je ne suis pas un grand fan d'art, mais c'est vrai que la magie est quelque chose qui m'a toujours fasciné. Surement parce que c'est quelque chose que, comme toi, je ne parviens pas à expliquer.. Pourtant, je devrais peut-être justement détester pour cette raison, vu mon métier où je veux tout savoir comment expliquer, mais non, j'aime bien. »

Elle me renvoie ma question, de façon toutefois un peu différente et je souris un peu en coin avant de réfléchir pendant quelques secondes.

« La voiture.. L'avion, le vélo, le train.. Tout ce qui est moyen de transport, j'aurais vraiment aimé voir comment ils ont fait pour penser à tout, les essais et erreurs.. J'aurais bien aimé voir les premières chirurgies aussi, même si j'ai déjà vu certaines choses assez glauques de l'époque.. Je ne serais pas surpris d'apprendre qu'il y a eu quelques étudiants traumatisés.. »

Les images me revenaient en tête et ce n'était franchement pas magnifiques à voir. Impressionnant oui, mais complètement dégoutant. Je passe ma main dans mes cheveux après avoir finalement terminé ma part de gâteau.

« En tout cas, je te confirme que tu as un très grand talent pour la pâtisserie ! C'était extrêmement bon. »

Je ne suis pas quelqu'un de particulièrement romantique, ni même d'optimiste dans la vie, mais pour le coup, je pense qu'elle vit quelque chose qui relève en quelque sorte du miracle. Une chose aussi forte mérité bien d'être encouragée un minimum. Je hoche alors la tête, un petit sourire en coin venant se mettre sur mes lèvres.

« Oui, comme quoi.. Je suis certain que tu peux encore être surprise par la vie. »

On pouvait facilement vivre deux jours qui se ressemblaient, mais le contraire était aussi tout à fait possible. Chaque jour, de nouvelles choses se développaient dans le monde. Même en vivant deux milles ans, il était sans doute impossible de tout voir, de tout vivre.

J'écoute ses paroles sur les vieilles personnes, leur façon un peu brisée de voir la vie, de voir tout ce qui les entoure, et dans un sens, j'ai vraiment l'impression d'entendre une vieille sage, qui me donne un conseil différent de tous les autres.

« Oui, tu as sans doute raison.. On reste en quelque sorte.. prisonniers du passé, de la façon dont on vivait et ça nous empêche d'avancer.. Je pense que même sans être vieux, beaucoup vive comme ça.. En rejetant tout sur tout le reste plutôt que sur soi. »

C'était un peu comme ça que je vivais moi aussi avant. Je rejetais la faute sur tout le monde pour mon père violent et alcoolique, pour ma mère schizophrène, pour les problèmes qu'on a eu tous ensemble par la suite.. J'avais longtemps grandi en étant prisonnier de mon passé, mais je commençais peu à peu à m'en défaire.

Je lui souhaite que la nature recommence à évoluer dans le bon sens. Qu'elle puisse continue à vivre sans perdre trop de force au final, parce que de ce je comprends, ça l'affecte énormément. Je me dis que ça doit être horrible de vivre en ayant aucun contrôle sur ce qui nous affecte, mais au fond.. J'ai l'habitude d'assister à ça. C'est comme n'importe quel maladie qui affecte les êtres humains.

Finalement, c'est un sujet totalement inattendu dont on se met à parler, mais c'est plutôt agréable. J'ai l'impression qu'avec elle, on peut aller dans toutes les directions sans forcément se perdre ou dire n'importe quoi. Je n'ai pas souvent connu ça dans ma vie. Je hoche légèrement la tête à sa réponse, esquissant un nouveau petit sourire.

« Tu crois à ça ? Les extra-terrestre, une autre vie ailleurs ? »

Pas que ça me surprendrait vraiment, elle semble être une personne très ouverte d'esprit, mais j'aimerais bien avoir son point de vue là-dessus. Personnellement, je trouve ça un peu flippant de me dire qu'ailleurs, il y a d'autres gens, sur d'autres planètes. On revient sur un sujet un peu plus terre à terre, mais tout de même profond en quelque sorte et tout aussi intéressant : les inventions. C'est difficile à croire que je suis face à quelqu'un qui a vécu des siècles, qui a pu voir tout ce que j'aimerais voir à leur conception. Elle pourrait évidemment être en train de me mentir depuis le début, mais ça me surprendrait. Il y a des choses qui ne trompent pas, même si elle semble jeune de coeur, son esprit prouve qu'elle a vécu.

« Le pire là-dedans c'est qu'au final, on n'a pas à remonter à il y a si longtemps pour trouver des actes barbares.. La seconde guerre mondiale et les camps de concentration on été un laboratoire immense pour la médecine, quand on pense à toute l'avancée que ça a pu permettre à la science.. Ça ne se ferait pas de nos jours.. Mais aujourd'hui, je pense qu'on arrive mieux à avoir les informations qu'on veut avoir sans faire souffrir qui que ce soit, ou alors cette fois les gens au moins sont volontaires.. C'est pas grand chose, mais c'est déjà ça. Les techniques s'améliorent, sont moins invasives.. Si ça peut te rassurer, je pense que tu as déjà vu le pire que tu pouvais voir. »

Je pouvais me tromper, on ne connaissait qu'une infime partie de tout ce que la médecine renfermait même aujourd'hui, mais je ne crois pas qu'un jour nous ayons besoin de retourner à des techniques aussi barbares que de sauter sur le ventre d'une femme enceinte pour connaître les répercussions sur son futur enfant. Je souris et hoche légèrement la tête, amusé d'avoir sa vision des humains volants, alors que pour elle c'était une chose totalement banale.

« Ça te manque ? De voler ? »

Un peu idiot comme question, c'est comme de demander à quelqu'un en fauteuil roulant si ça lui manquait de marcher. Mais bon, pour une rare fois où je me permets de ne pas trop réfléchir et d'aller dans des trucs plus profonds que juste en surface.. Je me lâche un peu. Et si elle ne veut pas me répondre, je sais qu'elle trouvera facilement un moyen de contourner ma question.

« Tu n'auras qu'à me faire signe. Je serais peut-être à ma retraite et avec l'envie d'occuper un peu mes longues journées de retraité. Apprendre la pâtisserie.. C'est une occupation plus intéressante que de jouer au golf tous les jours. »

Vu l'argent que j'allais faire avec ma carrière, le golf était clairement le passe-temps cliché des retraités avec ce porte-feuille.

« Oui, comme quoi.. Je suis certain que tu peux encore être surprise par la vie. »

Ombeline eut un léger sourire amusé.


– Quand on considère les vampires comme des morts-vivants, c’est assez drôle de se dire qu’on est surprise par la vie… Enfin, techniquement ce n’est pas vraiment un mort-vivant, mais c’est pour le cliché…

Blague de gens pas humains… Quand elle y pensait, elle ne pouvait pas faire beaucoup ce genre d’humour et ça devait sans doute avoir un côté « private joke » pour les humains… même si techniquement elle n’était pas vampire non plus, mais les humains avaient tendance à se ranger dans une catégorie totalement à part. Enfin, Alex avait l’air beaucoup plus ouvert d’esprit et c’était vraiment agréable de discuter sans réfléchir aux sujets à cacher.

D’ailleurs, à l’entendre répondre à sa réflexion sur la vieillesse et la vision du passé, elle se dit qu’il était quand même drôlement mature pour son âge. Puis se reprit mentalement. Les humains avaient une croissance différente. Ils mûrissaient plus vite.

En tout cas ça lui permit de parler de nature, de sujets plus ouverts encore et même de ses espoirs dans de possibles surprises. Alors qu’il lui demandait si elle croyait aux extra-terrestre, elle répondit avec un petit sourire :
– Eh bien, il y a une grande partie de la population de cette planète qui n’a même pas conscience qu’elle fréquente des gens d’une autre espèce, alors qui sait … il pourrait même y avoir des aliens infiltrés parmi nous qu’on ne le saurait même pas. Déjà qu’entre surnaturels c’est un peu le jeu des devinettes quand on se rencontre pour savoir ce qu’on a en face de nous…

Et encore, ils ne parvenaient pas forcément à s’identifier. La preuve était avec Eliaz.

– Et puis l’univers est tellement vaste, je ne vois pas pourquoi il n’y aurait pas d’autres formes de vie… d’ailleurs, on dit qu’il faut absolument de l’eau pour qu’il y ait de la vie, mais qui sait, peut-être que d’autres conditions… peut-être qu’une certaine forme de magie… en fait, la question à se poser au final ne serait pas « comment c’est possible? » mais… « comment ça serait impossible ? »

Au fut et à mesure qu’elle en parlait, le regard d’Ombeline se remplissait de petites étoiles. Elle avait envie de savoir ce genre de chose… mais quand on voyait la réaction de certains humains à la découverte d’êtres appartenant à leur propre planète, ce rêve était quelque peu tué dans l’œuf. D’où sa théorie selon laquelle il y avait sans doute déjà des extra-terrestres dans le coin. Ils étaient juste comme tous les autres êtres surnaturels, à se cacher.

En parlant de découvertes, Alex lui demanda celle qu’elle préférait. C’était difficile à décider et finalement, l’affect jouait énormément. Lui retournant la question, ils arrivèrent sur le sujet de la médecine. En même temps, deux personnes travaillant dans un hôpital se devaient d’aborder ce sujet à un moment ou à un autre.

« Le pire là-dedans c'est qu'au final, on n'a pas à remonter à il y a si longtemps pour trouver des actes barbares.. La seconde guerre mondiale et les camps de concentration on été un laboratoire immense pour la médecine, quand on pense à toute l'avancée que ça a pu permettre à la science.. Ça ne se ferait pas de nos jours.. Mais aujourd'hui, je pense qu'on arrive mieux à avoir les informations qu'on veut avoir sans faire souffrir qui que ce soit, ou alors cette fois les gens au moins sont volontaires.. C'est pas grand chose, mais c'est déjà ça. Les techniques s'améliorent, sont moins invasives.. Si ça peut te rassurer, je pense que tu as déjà vu le pire que tu pouvais voir. »

Elle acquiesça.

– J’ai été sur le champ de bataille en tant qu’infirmière pendant cette guerre. Ce n’était vraiment pas beau à voir. Enfin, la guerre en général, ce n’est pas beau à voir…

Et encore, c’était un euphémisme.

Il sembla amusé par la façon dont elle avait vu les premiers avions et sa question la surprit quelque peu.

– Hum… oui et non. Je peux toujours flotter, mais c’est différent. Il y a moins de maniabilité. Mais comme je suis la plupart du temps à devoir me cacher, je ne pense pas que les occasion de voler sont grandes en réalité. Au début, j’étais frustrée, mais j’ai appris à me contenter de ce qu’il me reste. Là je profite surtout de ce que je peux toujours faire pour me percher en haut des arbres quand je vais en forêt, histoire d’être tranquille. C’est aussi pratique pour échapper aux prédateurs, même si je peux me contenter d’illusions.

C’était la réponse la plus complète qu’elle pouvait lui donner. Elle eut un léger rire et avoua :

– La plupart des gens pense que les fées ont des ailes. Je pourrais toujours voler, certes, mais ça serait beaucoup moins pratique pour se cacher.

Même si ça serait mignon, une petite paire d’ailes transparentes comme celles des libellules.

Elle sourit à son compliment, mangeant elle aussi son gâteau. C’était bon pour le moral et les papilles ! D’ailleurs, l’idée germa d’ouvrir une pâtisserie un de ces jours. Elle ne s’y était jamais penchée plus que ça, bien que ça ait des allures de rêve impossible. D’ailleurs, elle inclut leur discussion sur l’aquaponey pour la blague.

– On fera le club des retraités de l’hôpital… enfin, il faudra que je trouve un truc pour justifier mon apparence, mais j’ai l’habitude à force.

Elle l’imagina vieux et ridé et eut un petit sourire. C'était drôle de voir comme ils avaient sympathisé vite et discutaient déjà comme de vieux amis.
– Du golf… J’en n’ai jamais fait.

Ombeline fait une blague un peu.. morbide je dirais, mais son raisonnement est très logique et tient la route, du coup ça me fait rire un peu. Je hoche alors la tête légèrement pour lui montrer que je suis de son avis.

« C’est pas faux comme raisonnement. Du coup.. Tu peux encore être surprise par la vie ET la mort!»

Je suis médecin, je peux bien me permettre de rigoler un peu de la mort, comme malheureusement c’est une fatalité à laquelle on ne peut pas échapper, peu importe ce que l’on fait. La conversation se continue, des sujets différents et surtout des réflexions viennent tour à tour. Aussi étonnant que ça puisse être, on en vient même à parler des extra-terrestres, mais encore une fois, elle vient apporter un raisonnement tout à fait logique. La dernière phrase qu’elle lance me fait sourire légèrement.

« Je suis un scientifique, donc pour moi, c’est plutôt invraisemblable de penser que des choses comme celles-là puissent être plausibles, mais je dois avouer que ton raisonnement tient la route encore une fois. Il y a certainement des tonnes de contre-arguments, mais je vais peut-être me laisser prendre au jeu de faire comme si j’y croyais pour le moment..»

De toute façon, je bosse bien avec des enfants et eux aussi ont une imagination débordante. Je me laissais prendre au jeu avec eux parfois aussi, ça évitait de trop se casser la tête et de simplement profiter un peu plus du temps présent.

Finalement, on en revenait à un sujet beaucoup plus sérieux. Peut-être un peu trop pour le coup, mais c’était tout de même très intéressant de voir à quel point notre conversation pouvait aller dans toutes les directions sans que ça ne devienne complètement n’importe quoi. Je ne pense pas que ça vienne du fait qu’elle soit un être surnaturel de plusieurs centaines d’années, mais au final, qu’est-ce que j’en saurais. Ça pouvait très bien être pour cette raison que je n’avais jamais vécu ça avec qui que ce soit d’autre.

« C’est sur que de voir la guerre, ça ne doit pas être ce qui permet de bien dormir la nuit, même si tu n’y as pas participé en tant que soldat..»

Certaines personnes restaient marquées presque à vie simplement après avoir vu des documentaires à la télé. Du coup, d’avoir été réellement sur le terrain, je suis convaincu que ça laisse aussi des traces, même si c’est peut-être moins fort qu’un syndrome de stress post-traumatique. Je la questionne à propos de quelque chose qui peut justement lui avoir laissé des traces si ce n’est plus le cas.

« C'est déjà ça quand même.. Mais le fait d'avoir perdu ce que tu avais, ça doit être énervant quand même. Ah ! Pas d'ailes du coup, je note ! »

Je souris un peu et au final, je me dis que je ne devrais pas être si surpris qu'elles n'en aient pas. Ce ne sont pas tous les mythes qui sont réels après tout. Le planning du futur d'ouvrir une pâtisserie semble vraiment lui plaire et je suis heureux pour elle si elle peut trouver des choses qui l'emballe encore, même après toutes ces années de vie.

« On a encore quelques années pour trouver, sinon, on aura qu'à aller dans la ville à côté et inventer que tu es ma fille ou un truc du genre comme on voit dans les films. »

Je lui parle alors d'une activité que je n'aurais pas tellement envie de faire à ma retraite, même si c'est assez cliché et elle semble quand même intéressée. Je hausse du coup les épaules.

« Bon bah, on pourra peut-être apprendre ensemble du coup si tu veux. Ça doit être plus intéressant à deux. »

Je termine alors mon gâteau avec un petit sourire et je viens me frotter le ventre en posant mon assiette.

« C'était vraiment très bon, je le redis, mais il faut le souligner ! »

La blague sembla ne pas déranger Alex qui donna même son avis. Ombeline était ravie de pouvoir parler de tout et de rien sans avoir à cacher sa nature, réfléchir à ses paroles, et même se permettre des fantaisies en parlant extra-terrestres. Extra-terrestres ! Comment ils en étaient arrivés là ?

La fée songea que c’était bien le signe qu’ils accrochaient vraiment bien. La conversation était agréable bien que les sujets se rapprochent de temps difficiles comme la guerre. D’ailleurs, elle ajouta :

– C’est vrai qu’il y avait des visions assez cauchemardesques parfois, mais j’avoue être plutôt contente d’avoir pu au moins aider, faire quelque chose. J’ai fait de mon mieux.

Sinon à quoi ça servirait d’être immortelle et d’avoir ses compétences ? Elle s’en voulait parfois quand elle voyait certaines catastrophes, certaines situations et qu’elle ne pouvait pas intervenir. Elle voulait aider, donner un sens à son existence, au fait qu’elle survivait toujours aux autres.

Elle y perdait quand même au fil du temps. Elle s’affaiblissait, et ses pouvoirs n’étaient plus aussi développés qu’avant. Ombeline n’hésitait pas à en parler. Ce n’était plus un sujet tabou. Peut-être que ça l’avait été à un moment mais heureusement, elle n’était pas seule quand c’était arrivé. Son mari à l’époque l’avait rassurée, aidée…

– En fait, à force de voir les fées représentées avec des jolies ailes ça me ferait presque regretter de ne pas en avoir vraiment, avoua-t-elle, plaisantant à moitié.

Et re changement de sujet. Un changement qui ouvrit une porte dans son esprit. Une porte vers l’avenir.

Pâtissière… pourquoi pas… ça serait tellement agréable, et les horaires plus stables… mais elle aimait soigner les gens, les aider… Enfin, elle pouvait y réfléchir, qui sait… lors de son prochain changement de ville… Il fallait qu’elle bouge régulièrement si elle voulait ne pas se faire remarquer.

– Oh, les films n’ont rien inventé, sourit-elle doucement. Je me suis faite passer pour la petite fille de ma propre petite fille, et ça a fonctionné.

Jusqu’à ce qu’elle meure. Sa dernière descendante.

Alors qu’il parlait de golf, elle songea qu’elle n’en avait jamais fait. Automatiquement, il proposa d’apprendre à deux, dans quelques années.

La fée ne le fit pas remarquer tout haut, mais c’était amusant de voir qu’ils se connaissaient à peine et prévoyaient déjà des choses pour dans plusieurs années. Pour elle, ce n’était rien, un battement de cil à peine, mais pour lui, c’était se projeter tellement loin ! Oui, elle le confirmait : ils avaient plutôt bien accroché. Peut-être que c’était une amitié qui partait pour durer aussi longtemps qu’ils en parlaient qui sait !

– Je suis sûre qu’il y a moyen de rendre ça amusant, peut-être en inventant quelques règles …

Nouveau sourire alors qu’il la complimentait encore.

– Et ça fait toujours autant plaisir à entendre ! Par contre je crois que ma pause touche à sa fin, je vais devoir y aller.

Elle soupira. Dommage, elle aurait aimé parler plus.

– Ça te dit de sortir un de ces jours ? C'est vraiment sympa de discuter ensemble !

Ils pouvaient se voir en dehors du travail pour… partir à la chasse aux aliens ? Faire du golf ? Discuter encore ? Elle avait envie de discuter encore avec lui.

Quitte à être immortel, je pense que j'aurais mener un peu le même mode de vie qu'elle. Dans le genre d'aider les autres et tout ça. Peut-être que j'aurais pris une pause pour faire autre chose, mais j'y serais certainement toujours revenu. Je pense qu'au fond, ça prouve qu'elle est une bonne personne parce qu'elle semble vraiment avoir dévouée toute sa vie à aider son prochain et je trouve ça remarquable. Ça prend du courage aussi.. pour supporter tous ces gens.

« On ne peut malheureusement jamais sauver tout le monde de toute façon. L'important c'est de regarder ceux qui ont été sauvés. »

Même si on fait toujours le contraire.

J'en apprends plus sur sa condition de fée et je me rends compte que ça ne doit pas être particulièrement simple, bien qu'au fond, ce soit simplement comme une vie humaine mais de façon beaucoup plus allongée. Plus on vieillit et plus on se sent dépérir. C'est la loi de la nature comme on dit.

« Ça c'est sur que ça aurait toujours pu être pratique ! Qui sait peut-être que tu trouveras le moyen d'en fabriquer ? »

Après tout, elle avait le temps, même si elle avait moins la forme normalement. Ça lui ferait aussi une occupation qui lui permettrait peut-être de penser un peu plus à elle et moins à aider les autres. Ça peut faire plus de bien qu'on le croit.

On parle du futur et ça me fait bizarre de me dire que du coup dans dix ou même vingt ans, moi j'aurais bien vieilli alors qu'elle n'aura pas pris un pli. Je hausse un sourcil à sa réponse concernant les films et j'échappe un petit rire, presque de nervosité mêlé à la surprise.

« Ça donne un peu plus de crédibilité aux films du coup. Mais.. Comment est-ce possible ? Je veux dire.. Tes enfants ne sont pas devenues des fées eux aussi ? »

J'avais compris que son mari était mortel, mais ses enfants avaient dû hérités un peu de ses gênes à elle aussi, non ? Le retour du scientifique. Il n'était jamais bien loin, toujours à l'affût d'une nouvelle question à répondre.

« Je ne suis pas contre ! Je me demande ce que tu pourrais bien trouver. On a le temps de mûrir ces futurs règlements. »

Moi moins qu'elle, mais comme nous comptions y jouer ensemble techniquement nous avions le même temps du coup. Je savoure les dernières bouchées de gâteau quand elle me dit que sa pause touche à sa fin. Un coup d'oeil à ma montre me confirme que moi aussi en réalité. J'avale alors ma bouchée avant de hocher la tête.

« Oui, ça serait sympa de se voir en dehors de l'hôpital. Tiens. »

Je chope un bout de ma serviette en papier pour y gribouiller mon numéro de portable. Ecriture de médecin, mais normalement ça reste assez lisible. Je lui souris par la suite.

« Tu n'auras qu'à me contacter quand tu voudras ou juste à m'écrire pour que j'ai aussi ton numéro. On trouvera quelque chose à faire. »

Je ne pensais pas m'entendre autant avec une infirmière, ni même une collègue tout simplement, mais avec elle c'était tout simplement fluide et agréable. Ça ne me posait vraiment aucun souci du coup d'apprendre encore plus à la connaître et même en dehors du travail.

« Ça c'est sur que ça aurait toujours pu être pratique ! Qui sait peut-être que tu trouveras le moyen d'en fabriquer ? »

– Qui sait, rit Ombeline. À vrai dire, j’ai déjà un ami qui a trouvé le moyen de m’en coller une paire avec un déguisement de Clochette

Hiiro lui manquait. Elle ne regrettait pas de se lier avec des mortels, elle était en train de le faire actuellement, mais c’était tellement douloureux quand ils partaient.

Puis vint un sujet plus délicat qui la crispa à nouveau. Enfin, c’était elle qui l’avait amené en quelque sorte, en parlant de sa petite fille...

« Ça donne un peu plus de crédibilité aux films du coup. Mais.. Comment est-ce possible ? Je veux dire.. Tes enfants ne sont pas devenues des fées eux aussi ? »

Elle eut un petit sourire triste et expliqua :

– Il semblerait que les gènes humains soient plus dominants que les gênes fée. Et parfois même plutôt incompatibles…

Elle ne comptait plus les fausses couches, les enfants morts nés et ceux déformés qui n’avaient même pas passé un an. La plupart qui avaient survécu avaient hérité d’une santé fragile, étaient stériles parfois et peu étaient morts de vieillesse au final.

Heureusement pour elle, le sujet changea encore et devint plus léger. Elle réussit même à l’intéresser au golf ! Ou du moins à une version qu’ils mettront sans doute au point dans des années à venir. Mais pour le moment, sa pause touchait à sa fin et il en ressortait qu’elle reverrait bien ce collègue en dehors du travail. Ce serait sympa ! Lui aussi aimait l’idée et il lui passa son numéro qu’elle rentra dans son portable directement.

« Tu n'auras qu'à me contacter quand tu voudras ou juste à m'écrire pour que j'ai aussi ton numéro. On trouvera quelque chose à faire. »

– Je m’en occupe de suite ! Dit-elle en lui envoyant un petit smyley licorne. Et voilà, tu as mon numéro !

Elle regarda l’heure sur son portable.

– Je dois vraiment filer, en tout cas c’était vraiment sympa ! Bonne fin de pause ! Souhaita-t-elle en se dépêchant d’aller reprendre du service.

Elle qui semblait regretter le fait de ne pas avoir d'elle, elle me fait part d'une expérience vécue avec un ami et je souris un peu.

« J'aurais bien aimé voir ça tiens. »

Je vois une sorte de nostalgie passer dans son regard, mais pour le coup je ne dis rien, car je la questionne déjà assez rapidement concernant ses enfants, ce qui semble être un sujet assez difficile pour elle. Oups, j'aurais dû m'en douter.

« Oh.. Je suis désolé. »

Et je l'étais vraiment, ça ne devait pas être simple pour elle, surtout qu'elle semblait avoir pas mal d'amour à donner. J'espérais simplement pour elle qu'elle connaissait d'autres personnes comme elle, mais ça serait à la questionner une prochaine fois.

Nous nous perdons dans plusieurs différents sujets, mais l'avenir reste tout de même le sujet principal. On finit par échanger nos numéros, ce que nous aurions dû faire lors de notre première rencontre, mais qui est fait du coup maintenant.

« Super, bonne fin de journée à toi aussi.»

Je lui souris et je termine finalement de manger avant de retourner au boulot moi aussi, satisfait de cette rencontre.