Révélations [Ombeline Smith]

Jeudi 11 avril 2019


J’ai longuement réfléchis au pour et au contre et même si c’est risqué finalement le pour l’a emporté. Me voilà donc en chemin pour le domicile de madame Smith, l’infirmière étrange de l’hôpital. On habite le même quartier mais à l’opposé l’un de l’autre finalement. Mon père m’a toujours dit que toutes les créatures sont des monstres. Pourtant, elle n’en a réellement pas l’air. Je suis peut-être plus ouvert d’esprit que lui, ou bien crédule, mais je pense que c’est la même chose que pour les êtres humains. Il y a de bonnes personnes, et de mauvaises personnes tout simplement. Je reste devant la porte de son domicile quelques minutes, frottant mes mains moites contre la toile de mon jean. Je suis terriblement nerveux, j’ai beau me dire que tout va bien se passer, inspirer et expirer doucement, rien n’y fait. Mon cœur bat tellement vite dans ma poitrine que j’ai l’impression de l’entendre battre dans mes oreilles et faire vibrer tout mon corps. D’une main tremblante, j’appuie sur la sonnette.

C’était dimanche. Après avoir fait un petit tour, Ombeline s’était occupée du ménage chez elle, puis des plantes. Elle adorait en prendre soin. C’était des êtres vivants après tout et de la végétation qui plus est. Tout ce qu’elle aimait. Et puis il y en avait tellement qu’elle se sentait presque dans son élément naturel. C’était une véritable de jungle dont la seule chose qui rivalisait avec en nombre c’était les coussins moelleux et confortables. Son appartement pouvait donc se résumer par ces deux éléments : vert et confortable. Le tout éclairé par les guirlandes qui donnaient une ambiance tamisée le soir.
Quand les plantes furent suffisamment bichonnées, elle se mit à faire des gâteaux. Pour quelle occasion ? Aucune. Elle en avait juste envie. Pour qui ? Pour ceux qui le voulaient. Elle était plutôt partageuse et globalement assez gourmande.

D’ailleurs, on sonna.

Interrompue en plein milieu de la préparation du gâteau, la fée alla répondre :

- Oui ?

Je me tords les mains nerveusement tout en me tenant droit et raide sur le pas de la porte. J’entends du bruit à l’intérieur, elle est bien là. J’attends encore quelques secondes et j’entends un bruit de clef déverrouillant la serrure de la porte. L’infirmière me fait soudain face. Je la regarde, la dévisage, ouvrant la bouche puis la refermant.

« Euh … Bonjour »

Je me passe une main à l’arrière du crane, ébouriffant légèrement mes cheveux. Elle a l’air rayonnante, loin de la vision du monstre que mon père m’a dépeint toute mon enfance. Est-ce qu’il aurait pu avoir tort à ce point ? Je crois bien que oui et c’est le moment d’en avoir le cœur net.

« J’ai bien réfléchis et … J’ai envie que vous m’en disiez plus sur un certain sujet »

Je ne veux pas trop en dire temps que la porte n’est pas fermée derrière nous et que des oreilles indiscrètes pourraient roder.

Aussitôt que la porte fut ouverte, l’odeur du chocolat fondu envahit le couloir et ce fut comme si l’air s’était chargé de sucre et de bonne humeur.

La fée, qui avait d’abord répondu par réflexe, vit Jeon et un large sourire chaleureux s’étira sur ces lèvres.

- Oh, c’est vous !

Elle avait espéré qu’il passe plusieurs fois et, comme pour tout, c’était au moment où elle s’y attendait le moins qu’il se présentait.

Elle s’écarta pour le laisser passer, dévoilant son intérieur non pas rose et pailleté comme on pourrait le croire, mais vert et confortable. Un véritable cocon.

- Entrez entrez, vous tombez au bon moment en plus, j’étais en train de faire un gâteau.

Une fois la porte refermée, elle l’accompagna jusqu’au salon et, comme à chaque fois qu’elle avait des invités, se fit un devoir de le mettre à l’aise.

- Vous allez mieux depuis la dernière fois ? Je suis vraiment contente que vous soyez venu, j’avoue beaucoup culpabiliser de vous avoir effrayé comme ça.

Elle s’agitait en sortant pâtisseries et tasses.

- Thé ? Café ? Chocolat ? Jus de fruit ?

Puis l’odeur de chocolat devint plus forte et elle se redressa en se précipitant vers la cuisine.

- Désolée, je crois que ça brûle, je reviens de suite !

[Ah désolée je me suis dit que ça serait plus rapide que je sois déjà à la porte XD]


Cela fait plusieurs fois que je me dégonfle au moment d’aller la voir, elle m’avait donné ses horaires de congés par téléphone mais je n’avais jamais réuni assez de courage pour venir. Cette fois je suis bien là et elle semble surprise de me voir. Elle s’écarte du pas de la porte, me laissant voir l’intérieur de son appartement très féminin. Je regarde dans le couloir par dessus mon épaule, toujours rien d’étrange, puis je prends une grande inspiration et franchis le pas de la porte. Une fois dans l’appartement de l’infirmière je laisse passer un profond soupire. Ouf, je n’ai pas été foudroyé sur place ! Je regarde un peu plus en détail autour de moi par prudence et renifle doucement. Est-ce que ça sent le chocolat ? Elle confirme ma supposition lorsqu’elle m’informe qu’elle était en train de faire un gâteau.

« Oh »

Bon sang si mon père voyait ça, on est tellement loin du monstre sanguinaire qu’il a pu me décrire durant toute mon enfance. Je la suis jusqu’au salon et reste droit et raide comme un piquet au beau milieu de celui-ci.

« Euh je oui … Juste un verre d’eau merci »

Je sursaute lorsqu’elle se redresse d’un coup et part rapidement dans la cuisine vraisemblablement. Je me tords le cou et tends l’oreille dans la direction qu’elle a emprunté, puis à pas de loups je me déplace doucement dans le salon pour regarder un peu tout de plus près, les yeux plissés. Non vraiment, je ne vois rien, je n’ai aucun mauvais pressentiment ici … Avant qu’elle ne revienne et me prenne à fouiner dans son appartement je me laisse tomber sur le canapé, restant assis bien droit et toujours à l’affût de tout signe suspect. Trop de prudence certainement, mais c’est ce qui m’a maintenu en vie jusqu’à présent.

L'appartement d'Ombeline était plutôt du genre douillet, romantique. Les objets de décoration étaient de toutes les époques et si certains passaient pour des babioles vintages, un expert serait sans doute dans tous ses états s'il les découvrait. Ils avaient quand même plusieurs siècles ! Les plantes, heureusement, n'avaient pas plusieurs siècles, mais on voyait clairement qu'elles se plaisaient ici et proliféraient au moins presque autant que les coussins.

Ombeline sortit le gâteau du four, le saupoudra de sucre glace et le ramena dans le salon.

- il faudra attendre que ça refroidisse un peu mais voilà. J'espère que vous aimez le chocolat, sinon j'ai d'autres choses à grignoter.

Elle repartit dans la cuisine, prit deux assiettes, deux cuillères et un couteau, remplit un verre d'eau, et revint de nouveau dans le salon pour tout poser sur la table basse.

- Et voilà le verre d'eau.

Puis elle s'assit enfin.

- Voilà. Vous pouvez me poser toutes les questions que vous voulez.

La fée le sentait nerveux et tentait tant bien que mal de le mettre à l'aise, mais finalement, peut être qu'entrer dans le vif du sujet était la seule chose qui fera effet.

Installé confortablement sur le canapé je laisse tout de même mon regard vagabonder à droite à gauche. C’est vraiment très joli ici, je pourrais presque m’y sentir à l’aise si je n’avais pas peur de voir sortir un monstre du placard d’un instant à l’autre. L’infirmière me rejoint rapidement avec un gâteau que je regarde d’air teinté de gourmandise et de suspicion.

« Non c’est très bien merci »

Elle retourne à la cuisine puis me rejoins de nouveau avec un verre d’eau que je saisis en la remerciant de nouveau. Je renifle discrètement le contenu. Est-ce que je peux boire en toute sécurité ? Et si elle était comme cette sorcière affreuse du conte que j’ai lu lorsque j’étais petit ? Celle qui voulait manger les enfants … Je repose le verre sur la table basse sans en avoir bu une goutte puis reporte mon regard sur la jeune femme.

« Hum … Qu’est-ce que vous êtes réellement ?  »

Ombeline avait de la peine pour lui. Il était craintif, ne touchait à rien, même pas à l'eau qu'elle lui avait donné.

La question de sa nature arriva. Il était évident que ce serait la première question qu'il poserait.

- Je suis une fée.

Elle ajouta, je doutant qu'il n'avait aucune idée de ce que cela impliquait :

- Je n'ai pas d'ailes et je n'exauce pas les vœux. En fait, je suis plus proche des légendes celtes qui parlent de mon peuple. Je suis un être des forêts. Je peux créer des illusions et léviter. Je suis immortelle aussi... d'où le fait que je me déplace souvent au fil des siècles pour éviter d'éveiller les soupçons.

Je suis presque tenté de rire lorsqu’elle me sort de but en blanc qu’elle est une fée. Une fée quoi. Comme la fée clochette ? Est-ce qu’elle aussi peut me faire voler jusqu’au pays imaginaire pour que j’arrête de grandir ? Ou bien … Avant que je ne puisse dire quoi que ce soit elle poursuit et me donne davantage d’explications. Je l’écoute attentivement et ayant subitement la gorge sèche je prends mon verre d’eau et en vide la moitié avant de le reposer sur la table basse. Je compte alors jusqu’à 10 … Et comme je respire toujours et ne ressens rien je me dis que ce n’était bien que de l’eau. Je reporte toute mon attention sur l’infirmière tandis que mon cerveau tourne à plein régime.

« Des illusions ? C’est à dire ? »

J’ai besoin de savoir si elle peut contrôler ma perception de la réalité. Dans ce cas, il faudra que je trouve un moyen de savoir lorsque c’est le cas ou non pour me défendre car je doute qu’elle soit la seule fée dans les parages.

« Est-ce que vous êtes là seule de votre espèce dans cette ville ? »

Peut-être que, même sans se connaître, ils peuvent ressentir la présence d’autre être de leur propre espèce.

Ombeline le laissa encaisser le choc. Elle avait vu différentes réactions lors de ce genre de révélations et n'était pas vraiment surprise, bien qu’il ne semble pas prendre très bien la nouvelle. Se retenant de se rapprocher pour le rassurer, elle se mordilla la lèvre inférieure, se demandant à quoi il pouvait bien penser.

Lorsqu’il demanda pour les illusions, elle tenta de le rassurer :

– Oh, pas grand-chose..

Elle leva la main et fit apparaître un petit papillon lumineux voletant au-dessus de sa paume.

– Ce genre de chose, par exemple.

Les papillons se multiplièrent et voletèrent dans toute la pièce, lui donnant une allure… eh bien… féérique…

Elle ne voulait vraiment pas l’effrayé. Il semblait l’être suffisamment comme ça.

– C’est comme ça que je me suis rendue invisible la dernière fois, quand je pensais qu’on me suivait, avoua-t-elle avant qu’il ne pense qu’elle lui cachait cette utilisation de ses pouvoirs.

Puis il posa une question à laquelle elle aurait du s’attendre :

« Est-ce que vous êtes là seule de votre espèce dans cette ville ? »

Son regard se voilà un moment, triste, et elle secoua la tête :

– Non, il y en a un autre. C’est la seule personne de mon espèce que j’ai trouvée en plus de 800 ans de recherche.

Voulant échapper à son regard et cacher sa peine quant à ce fait, elle prit le couteau et commença à couper le gâteau.

– Les fées sont en voie de disparition depuis un moment… Nous sommes liées à la nature et sa dégradation de plus en plus importante nous affaiblit considérablement. Il n’y a pas que les singes que la déforestation chasse de leur habitat naturel et tue…

La preuve que les humains étaient aussi dangereux, voire même plus, que les êtres surnaturels. Ils n’avaient rien à leur envier.

Elle servit deux parts de gâteau et posa une assiette devant lui avant de prendre l’autre.

– Si ça peut vous rassurer, il y a bien plus d’humains sur Terre que tous les êtres surnaturels réunis, tous peuples confondus.

Je la questionne sur les illusions et je m’attendais à tout sauf à ce qui se produit alors. L’infirmière lève la main et je me crispe légèrement, sur le qui vive. Ce n’est pas une arme ni une menace qu’elle fait apparaître cependant. Non, ce n’est qu’un papillon lumineux. J’entrouvre la bouche, m’apprêtant à dire quelque chose mais je suis coupé dans mon élan lorsqu’elle en fait apparaître davantage. Cette fois ma bouche et mes yeux sont grands ouverts en signe d’hébétude. C’est … magnifique. Je sors de ma torpeur lorsqu’elle me rappelle qu’elle a été suivit il y a quelques temps. Je me sens un peu bête et me passe une main sur la nuque.

« Je … Désolé c’était moi »

Si elle est honnête je peux l’être aussi. Je lui demande également si elle est la seule de son espère et elle m’informe qu’il y en a un autre. Un seul en 800 ans ?

« Oh... »

Je prends l’assiette qu’elle pousse vers moi en la remerciant puis plisse le nez. Si c’est un autre, est-ce qu’ils ne peuvent pas se reproduire comme les êtres humains ? Ou bien les créatures sont incapables d’enfanter ? Je n’ose pas lui poser la question. Au delà d’être une fée elle reste avant tout une femme et j’ai une éducation. Je ne sais pas si le fait de savoir qu’il y a plus d’humains me rassure ou non. Après tout, un loup garou ne vaut-il pas plusieurs humains à lui seul ? Avec leur force et leurs pouvoirs apparemment, ne sont-ils pas capables de nous terrasser malgré notre supériorité numérique ?

« Est-ce que vous savez quels autres genres de créatures il existe ? »

Je prends la petite cuillère et tente une bouchée du gâteau. Après tout elle n’a pas empoisonné l’eau, pourquoi s’embêter avec le gâteau qu’elle va devoir manger elle aussi. Je mâche doucement et avale avec un léger pincement au cœur. Je ne crois pas avoir mangé de gâteau au chocolat maison depuis le celui que ma mère avait fait pour mon anniversaire.

Lorsqu’il avoua qu’il la suivait la dernière fois, Ombeline se figea surprise.

– Pourquoi ? Je veux dire, si vous vouliez me voir pour me parler, vous auriez pu m’attendre à l’hôpital.

Surtout qu’il avait finit par la raccompagner à moitié, tout effrayé par ce qu’il avait appris.

Continuant de répondre à ses questions, elle coupa le gâteau, servit deux assiettes et en prit une. Elle était plutôt contente de le partager avec quelqu’un. C’était toujours mieux, même si sans ça, elle aurait soit tout grignoté au fur et à mesure, soit ramené quelques parts pour ses collègues. On l’appréciait beaucoup pour ce genre de détail au boulot.

« Est-ce que vous savez quels autres genres de créatures il existe ? »

Elle hocha la tête en prenant un morceau de gâteau.

– Oui bien sûr, je m’occupe principalement du surnaturel à l’hôpital. Après, tout vous lister serait impossible. Il existe… eh bien de tout. Absolument de tout. Certaines créatures sont plus rares, mais existent ou ont existé. Loups-garous, vampires, sirènes, anges, démons, nymphes, sorciers, et j’en passe.

Elle le mit tout de même en garde :

– Après, il faut quand même éviter de mettre tout le monde dans le même panier. Les vampires ne sont pas tous des monstres assoiffés de sang, les loups-garous ne sont pas tous des animaux… d’ailleurs, beaucoup complexent beaucoup à ce sujet. Les individus sont aussi variés que… les humains… Ce serait comme coller un trait de caractère unique à toute l’humanité. Même chez les fées, nous ne sommes pas tous.. eh bien comme moi. Il y a, comme chez les humains, des êtres bons, mauvais, râleurs, craintifs et tout un tas d’autres choses. J’ai un ami psychologue qui a plusieurs patients surnaturels et qui ne s’en serait jamais rendu compte s’ils ne lui avaient pas dit qu’ils n’étaient pas humains. Bien sûr, certaines capacités ont tendance à accentuer certains traits de caractère, mais si certaines personnes s’en accommodent, d’autres peuvent en souffrir.

La fée songea à son amie succube qui détestait asservir les hommes dont elle se nourrissait mais qui ne pouvait pas ne pas le faire. Une capacité qui la tourmentait et sonnait comme une malédiction pour elle qui cherchait l’amour.

Elle prit une nouvelle bouchée et demanda :

– Au fait, le gâteau vous plaît ?

Mince, c’est beaucoup plus gênant que ce que j’aurais pu imaginer mais autant rester honnête jusqu’au bout.

« Parce que je n’étais pas certain de ce qui pouvait m’attendre, j’ai de bonnes raison de me méfier des gens comme vous, sans vouloir vous offenser »

Continuant sur ma lancée je lui en demande davantage à propos des créatures. C’est une aubaine pour moi de pouvoir apprendre des choses à la sources. Après tout, si ce que mon père m’a raconté, qu’il a lui même tiré de livres ou d’autres connaissances, si tout est faux, je dois repartir de zéro. Mes yeux s’écarquillent au fur et à mesure de ses paroles. Des démons ? Des sorciers ? Je suis pris de chaire de poule en imaginant les pires choses qui puissent arriver. Est-ce qu’il existe une quelconque autorité pour les gérer ? Pour éviter aux gens innocents comme moi de se faire agresser, ou pire, tuer ? Je continue de l’écouter, buvant ses paroles.

« Hum je vois ... »

Je comprends ce qu’elle tente de m’expliquer. Il n’existe pas de mauvaises espèces, seulement de mauvaises personnes comme pour les êtres humains. Ça paraît logique et assez sensé comme résonnement et je veux bien y croire. Après tout je n’ai pas été agressé une seule fois depuis que je vis seul, pas par des créatures en tout cas, seulement par des humains. Je regarde le gâteau presque pas touché qui repose toujours sur l’assiette sur mes genoux et je hoche doucement la tête.

« Il est très bon oui »

Machinalement j’en avale une bouchée et je me sens un peu mieux bien que mon esprit tourne toujours à plein régime.

« Est-ce que … Je veux dire … Vous êtes intégrés partout ? Ou bien est-ce que vous ne travaillez qu’à certains endroit ? »

Je me demande si il y a d’autres créatures au club. C’est possible, à bien y réfléchir j’avais déjà quelques doutes sur certaines personnes.

Ombeline ne répondit pas à sa justification quant au fait qu’il la suivait. Un doute s’insinua dans son esprit. Elle continua de lui expliquer les choses, cherchant des indices concernant cette théorie qui grandissait peu à peu. Cela expliquerait beaucoup de choses d’ailleurs.

« Est-ce que … Je veux dire … Vous êtes intégrés partout ? Ou bien est-ce que vous ne travaillez qu’à certains endroit ? »

Avec un petit sourire, elle acquiesça :

– Nous pouvons travailler n’importe où. Vous savez, nous ne sommes pas si différents au quotidien. Je travailles dans un service dédié aux êtres surnaturels, mais j’ai aussi travaillé dans des hôpitaux où on ne soignait que des humains. Cela n’est pas si différent et ne change pas grand-chose. La caissière du supermarché pourrait tout aussi bien être une humaine qu’une vampire, cela ne changerait absolument rien à son travail. Il y a même des humains qui soignent des êtres surnaturels…

Elle se redressa, hésita et demanda :

– Est-ce que je peux vous poser une question un peu délicate ?

Il fallait qu’elle sache.

N’importe où … Ce qui veut dire que la gentille boulangère près de chez moi pourrait être l’une d’entre eux. Le postier également. Les membres du club aussi. Mon père avait des théories sur leur monde, mais jamais il n’aurait pensé que c’était étendu à ce point. Moi non plus d’ailleurs, j’ai même encore du mal actuellement à l’assimiler. J’ai tellement l’impression de me réveiller d’un profond commas et de voir enfin le monde tel qu’il est réellement. Je lâche un soupire et termine mon verre d’eau, reposant également l’assiette désormais vide sur la table basse. Je passe une main sur mon front légèrement moite. Je n’ai pas chaud, je me sens juste légèrement angoissé et perturbé. De plus, apprendre qu’ils sont si nombreux me démoralise, retrouver ce monstre qui a tué mes parents revient désormais à trouver une aiguille dans une botte de foin … Je redresse la tête lorsqu’elle me pose une question à son tour.

« Oui allez y »

Ombeline avait déjà vu plusieurs personnes agir comme il le faisait. Elle était peut être souriante, trop optimiste, joyeuse, mais loin d’être stupide.

Après avoir eut son autorisation, elle commença avec douceur, bien que sérieuse :

– Vous m’avez l’air de craindre constamment qu’on vous fasse du mal… J’ai l’habitude de voir passer à l’hôpital des personnes ayant divers traumatismes, je sais reconnaitre quand quelqu'un a eut des... soucis…

Normalement, là, il devait se douter de ce qu’était sa question :

– Est-ce qu’une créature surnaturelle vous a fait du mal ?

Elle jugeait préférable d’avoir ce genre d’information, histoire de savoir quelles précautions il valait mieux avoir. La fée ne voulait pas le brusquer ni l’effrayer mais s’il était déjà effrayé, peut-être fallait-il d’abord commencer par le rassurer à ce sujet.

Ombeline ne put contenir un air désolé. Elle s’en était douté, mais l’entendre le confirmer de vive voix était autre chose.

– Oh, je suis vraiment désolée pour vous. Je ne vous oblige pas à m’en parler, mais si vous en avez besoin, eh bien, je suis là…

Elle comprenait mieux son comportement, ses réactions, mais y voyait un point positif :

– Je suis contente que vous cherchiez quand même à en apprendre plus sur le surnaturel, c’est une occasion d’aller de l’avant. Évidemment, en tant qu’être surnaturel, je ne peux vous assurer que je ne vous ferait aucun mal, mais je comprendrais que vous soyez toujours méfiant à mon égard.

Il était comme un petit animal qu’on avait maltraité. Il fallait agir avec douceur, gagner sa confiance, lui montrer que tout le monde n’était pas ainsi, le soigner…

– Bien sûr, vous pouvez compter sur moi pour vous aider à en apprendre plus sur les autres créatures.

Elle se dit désolée mais ça ne me touche pas, ce n’est que de la compassion et non pas des sentiments sincères. Après tout elle ne me connaît qu’à peine et ne connaissait pas du tout mes parents. Je secoue doucement la tête, je n’ai pas envie d’en parler davantage, pas maintenant en tout cas. Je penche légèrement la tête sur le côté tout en l’écoutant. C’est vrai que je ne lui ai pas dit quelles sont mes réelles motivation, pourquoi j’ai réellement envie d’en apprendre plus sur le surnaturel. De toute façon ça ne regarde que moi.

« Je vous remercie »

Je jette un œil sur ma montre, il commence à se faire tard. Enfin, pas tant que ça mais vu ce que je sais à présent je ne me sens pas très à l’aise à l’idée de traîner dans les rues alors qu’il commence à faire nuit.

« Je vous recontacterai peut-être plus tard si j’ai des questions alors »

Je me lève, ne la quittant toujours pas du regard. Après avoir fait preuve de prudence jusqu’à présent il serait fort dommage de baisser ma garde et de me faire attaquer alors que je m’apprête à quitter son domicile.

Ombeline fut assez surprise de le voir se lever d’un coup. Elle se demanda si elle avait fait quelque chose de mal qui l’aurait effrayé, puis se reprit. Peut-être qu’il avait un rendez-vous ou autre chose dans ce genre.

– D’accord, passez une bonne soirée.

Que dire d’autre ? Elle lui avait déjà signifié qu’elle ne lui ferait pas de mal, qu’elle serait là s’il avait besoin. Visiblement, tout ce qu’il restait à faire c’est de rester patiente. Comme avec un animal craintif. Garder ses distances et attendre patiemment qu’il soit plus rassuré.

Lorsqu’il fut parti, elle rangea la vaisselle et se reprit une part de gâteau, songeuse. Ce genre de situation lui faisait quand même de la peine…
Sans même y réfléchir, elle sortit de quoi faire un autre gâteau.
Il avait l’air tellement effrayé… Tellement méfiant… Le pauvre…
Et avant même de réaliser qu’elle ne pourrait vraiment pas tout manger à elle toute seule, elle enfourna un nouveau gâteau.

FIN