Surprenantes retrouvailles [ft Artemis]

J'étais ici depuis bientôt trois ans. Ça me faisait mal d'y penser, d'évaluer le temps qui passait. En fait, le plus horrible c'était de penser à tout ceux que j'avais laissé derrière moi. Enfin, laissé derrière moi ... L'expression pouvait semblé étrange puisque ça n'avait pas été volontaire du tout. J'avais au moins pu prévenir ma patronne Eugenia, que je devais partir pour aller passer l'été chez ma grand-mère à la base, puis pour mes études, même si c'était évidement complètement faux, mais c'était la seule explication que je pouvais donner, en plus au téléphone. C'est également les excuses que j'avais donné à mes amis, qui avaient finalement rapidement coupé les ponts ... Ou plutôt la fausse distance avait fait s'effondrer ces fameux ponts.

C'est difficile de penser à tout ça et de voir qu'au final, de mon côté, les choses commencent à peine à bien aller. C'est peut-être parce que justement maintenant je suis éternelle que trois ans me semblent si peu de temps en un sens. Je pense que toute ma perplexité face à cette histoire démontre bien que je ne suis pas complètement acclimaté à ma nouvelle vie encore.

Mon attitude à tout de même radicalement changé dans les derniers mois et j'ai désormais droit de me promener seule dans les couloirs, sans menottes même. Et quand je sens que c'est trop dur pour moi ... Je rentre simplement à ma chambre avant de re-commettre l'irréparable. Je suis justement plongée dans mes pensées par rapport à tout ça, à réfléchir encore et encore à une façon de me faire pardonner, quand je percute quelqu'un. Si j'avais su ... Je serais resté dans ma chambre. Pas que je ne suis pas heureuse de la revoir, bien au contraire, mais comment expliquer une situation inexplicable et sans se prendre les pieds dans ses mensonges ? Je ne réalise même pas sur le coup que si elle est dans cette aile c'est que forcément elle a au moins connaissance des être surnaturels.

- Oh Eugenia ! Wow, ça fait si longtemps, je suis heureuse de te voir ! Moi ? Euh ... Je venais rendre visite à ... à une amie !

Je lui adresse un sourire gêné mais sincère et je parle rapidement, nerveuse, mais tentant de me montrer en forme pour qu'elle ne se doute pas que je suis patiente. Heureusement pour moi, je porte des vêtements normaux et je tire sur la manche de ma veste pour cacher le bracelet de l'hôpital, seul indice de la réelle raison de ma présence ici.

Lorsque je me retrouve soudainement face à face avec Eugenia, je me fige presque. Une excuse logique, une explication sur ma présence ici et vite ! Je balance la première chose qui me passe en tête : une amie. Et parlant d'amie, je n'étais visiblement pas au bout de mes surprises. Elle me parle de Cassidy et j'ouvre de grands yeux et même un peu la bouche.

- Je .. wow ! C'est une super nouvelle ! Elle a eu une fille ou un garçon ?

J'étais sous le choc. Lorsque j'avais été contrainte de partir, Cassidy n'était pas du tout enceinte et je ne crois même pas qu'elle avait de petit-ami. En tout cas, je pense que de garder la conversation sur Cassidy est une bonne idée parce que j'ai l'impression de voir les interrogations dans les yeux d'Eugenia, des questions auxquelles je ne saurais pas répondre et je ne voudrais certainement pas répondre non plus ...

Face à elle, je me sentais comme une imposteur, une menteuse. Pourtant, j'avais fais de mon mieux pour que mon départ soit expliqué à peu près à tous. J'avais simplement dis, par texto en général, que je partais quelques temps chez ma grand-mère et que je je savais pas si je reviendrais … Puis c'était devenu trop dur d'entretenir le mensonge auprès de mes amis et j'avais simplement coupé complètement les ponts peu à peu. Mais ça faisait longtemps maintenant, très très longtemps et il me semble n'avoir envoyé qu'un ou deux sms à Eugenia, par remords de la laisser tomber en quelque sorte, mais sans avoir pu lui dire clairement que je ne reviendrais pas … En même temps, comment aurais-je pu à l'époque ? Même encore aujourd'hui, je ne comprends pas tout ce qu'il m'arrive.

- Je ...

Qu'est-ce que je deviens ? Qu'est-ce que je suis censé répondre moi ? La vérité ou un nouveau mensonge ?

- Je suis vraiment sincèrement désolé de t'avoir laisser sans l'embarras, je … Je ne voulais pas partir de la sorte, mais … certaines choses ont faites que je n'ai pas eu le choix ...

Ça ne répondait pas vraiment à sa question, mais il fallait que je lui dise tout de même que j'étais désolée et que ça n'avait pas été simplement de la lâcheté de ma part. La danse, c'était toute ma vie, même si malheureusement ici je ne pouvais plus en faire vraiment.

Ce n'était vraiment pas chose simple de me retrouver ainsi face à face avec un passé que j'avais tenté de refouler tout au fond de moi pour ne plus souffrir de l'absence de tout ce que j'aimais. La danse et mon travail pour Eugenia avait été très important pour moi et dans ma vie et j'avais été détruite de ne jamais plus pouvoir y retourner. J'avais en quelque sorte réussie à tourner la page en me disant que peut-être un jour, je parviendrais à trouver le moyen de refaire de la danse, mais la nuit. Mais en entendant la réponse d'Eugenia, je me sens réellement mal à l'aise, mais je ne peux pas lui dire la vérité, pas comme ça ...

- Je ... O-oui, beaucoup de temps ... C'est même encore un peu compliqué à vrai dire ... Et bien, oui ça pourrait être sympa ... Tu as toujours mon numéro ?

Merde, moi je n'avais plus le sien parce que je n'avais plus de portable. Il faudrait éventuellement que j'en ai un nouveau. Comme ça se passait bien pour moi depuis quelques temps, j'espérais que je puisse avoir une sortie un de ces quatre peut-être toute seule, mais ... Je crois que je rêve un peu trop.

- Ah non attends, je suis bête ... J'ai dû changer de portable, du coup il faudrait que tu me redonnes ton numéro à toi, je vais le noter.

Je lui souris en fouillant un peu dans mes poches pour trouver un bout de papier, mais ... Rien. C'est vrai que je n'ai pas vraiment droit d'avoir des choses coupantes, même si ce n'est que du papier.

Improvisé et surtout, ne pas s'emmêler les pinceaux. Ça serait le pire. Qu'elle découvre le pot aux roses alors que mon mensonge commence à devenir de plus en plus grand à mesure que les minutes passent. Je réalise soudainement que même si elle a toujours mon numéro, elle risque de tomber inlassablement ou sur ma boite vocale, ou sur un message lui annonçant que le numéro qu'elle tente de rejoindre n'est plus en service. Dans un cas comme dans l'autre, ça serait un peu étrange.

Je tente de chercher de quoi noter dans mes poches, mais je n'ai évidemment rien sur moi. Je souris finalement en la voyant chercher dans son sac et je souris alors en la remerciant avant de me figer un peu à ses paroles. Vite, on se ressaisit.

- Oh bah ... si c'est toi qui me laisse ton numéro, il faut que ce soit moi qui te contacte ...

Je lâche un petit rire en lui redonnant stylo et papier pour qu'elle puisse le noter.

- Moi je viens tout juste de changer de numéro, du coup je ne le connais pas encore par coeur et je l'ai laissé dans mon sac là-bas alors le temps d'aller le rechercher et tout ça ...

Bon sang ce que je détestais mentir !

Je pense que je suis vraiment une très mauvaise comédienne. Je peux voir que mon malaise se voit sur mon visage, car je peux aussi en voir un écho sur son visage à elle. Merde. Est-ce que je venais de gâcher mon unique retrouvaille depuis que j'étais ici ? Enfin non, ce n'était pas ma seule retrouvaille, mais avec les deux autres personnes que j'avais retrouvé, je n'avais pas eu le choix de leur dire la vérité. L'un était lui aussi un surnaturel et patient ici et l'autre personne était une interne qui s'occupait de moi. Difficile de cacher dans un cas comme celui-là. Pourtant, même si Eugenia était du côté surnaturel, je n'arrivais pas à me dire que c'était normal ou que je pouvais lui dire. Elle me note finalement son numéro de téléphone malgré tout, puis elle s'exclame concernant l'heure et je hoche la tête en souriant à la fin de sa phrase.

- Oui promis, dès que j'ai le temps, je te passe un coup de fils !

Elle me sert alors rapidement dans ses bras et j'espère qu'elle ne sentira pas que ma peau est gelée ... Je la regarde partir et je reste là quelques instants sans oser bouger, comme retenant mon souffle, puis je finis par retourner en direction de ma chambre, la tête remplie de questions et de doutes.