La curiosité est un vilain défaut [Eugenia]

Je ne voulais pas que ça dégénère, mais Angelopoulos l’avait cherché. Après être retourné dans les rangs de l’Agence, mes supérieurs avaient été mis au courant – malgré moi – que l’un des hommes d’Angelopoulos me suivait. J’avais tenté de leur expliquer que c’était à cause de moi et qu’elle ne prenait que des mesures, mais ils ne m’avaient pas écouté. Ma patronne, J, aimait être théâtrale ces derniers temps, et avait donc décidé de kidnapper la propriétaire du bar surnaturel.

J’attendais patiemment dans la salle d’interrogatoire de l’antenne d’Oslo. Je feuilletais son dossier, qui était posé sagement sur la table, et lus les informations que Leiv avait récoltées. Problème aux jambes, professeur de danse, grecque. Aucune mention sur son bar sélectif. Elle était douée, je devais l’admettre. Soudain, alors que je tournais la page suivante, la porte s’ouvrit à la volée pour laisser paraître Angelopoulos, accompagnée d’un de mes collègues, Vargas.

Ce dernier était quelqu’un de généralement souriant et jovial, mais là il vint déposer la jeune femme sans ménage sur la chaise. Il me laissa, ferma la porte derrière lui, et il y eut un silence gênant. Je toussotais.

– Désolé pour… tout ça.

Oui, moi le wyverne exécrable, je m’excusais. J’analysais son visage, elle n’avait pas été blessée. Vargas avait juste été un peu brusque. Je fis glisser son dossier vers l’avant et lui pointa des photographies de l’homme qui m’avait suivi.

– Vous avez eu raison d’ordonner l’un de vos hommes de me suivre, mais il n’a pas été très discret. Je vous avoue que je ne sais pas ce qu’il adviendra de lui.

Je me rapprochais, me redressant de mon siège.

– Quant à vous… eh bien, tout dépend des informations que vous détenez sur moi.

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Aiden NivahriinEugenia AngelopoulosLa vie de la boîte avait repris son cours normal depuis l’altercation avec le fameux « Joshua ». Eugenia n’avait pourtant pas oublié. Un de ses employés discrets avait été déployé pour suivre l’homme. Rien n’avait été découvert. Enfin seulement que l’homme faisait des déplacements réguliers dans une station de métro, mais n’y restait jamais longtemps, ainsi qu’une jeune femme brune. Rien de réellement anormal à vrai dire. Mais Eugenia voulait garder l’homme sous bonne garde, et l’agent continuait de surveiller l’homme.

Un jour, ou plutôt un soir, Eugenia sortait de l’école pour rentrer chez elle. Elle n’allait pas s’occuper de la boîte ce soir, elle avait prévu une soirée tranquille, seule à seule avec Netflix. Ah la la ! Cela faisait si longtemps qu’elle n’avait pas allumé sa télévision. Elle rêvait de se reposer devant son épisode de Sense 8. La belle jeune femme ferma la porte de l’école puis, esquissant un sourire, elle laissa passer une femme âgée, puis partit en direction de chez elle. Elle marchait, le temps était plutôt bon.

Seulement, en passant dans une ruelle, elle vit qu’elle était suivie. Et merde ! Elle se mit à courir. C’était peine perdue… Ses jambes ne le supporteraient pas non plus. Mais l’adrénaline l’aiderait peut-être à s’en sortir.

Eugenia eu la réponse rapidement, quand l’homme la poussa fortement sur le côté, pour qu’elle se colle dos au mur. Son souffle en fut coupé. Elle se débattit, mais l’homme était bien plus fort qu’elle et elle ne réussit pas à s’échapper. Il l’emmena dans un endroit inconnu, les yeux bandés. Elle était bien plus concentrée à se débattre qu’à essayer de savoir où elle était.

Quand on lui débanda les yeux, elle était dans une salle, assise sur une chaise, face à une table. Une salle d’interrogatoire ? On aura tout vu… Et face à elle, Joshua. Joshua ? Sans rire… Elle leva les yeux au ciel au moment où il s’excusa.
Ce dernier confirma que l’agent envoyé n’avait absolument pas été efficace. Génial ! On ne peut rien demander sans que ce soit dangereux. Eugenia n’ouvrit pas la bouche lorsqu’il annonça une probable mort de son agent. Non pas qu’elle s’en moque, mais elle ne pouvait pas se permettre de laisser transparaître ses émotions. La jeune femme n’ouvrit d’ailleurs pas la bouche quand il lui demanda ce qu’elle savait sur lui. Elle leva un sourcil interrogateur, l’air de demander :


La jeune femme, fatiguée, préférait se taire pour le moment. Elle voulait aussi savoir ce que lui savait sur elle. Elle n’était pas virulente, et n’était pas une menace pour lui. Ce n’était pas pour se rebeller ou faire l’héroïne, mais au moins, elle s’assurait de voir ses émotions à lui, ainsi que ses réactions. Sobre, du moins.

Les rôles changeaient. J’étais devenu l’inquisiteur, tandis qu’Angelopoulos était l’interrogée. Et de plus, je n’étais plus saoul comme la dernière fois. C’était quelque peu satisfaisant et ça lui permettait de voir que je n’étais pas un idiot fini. La voir hausser un sourcil me fit réagir. Elle ne devait pas être contente que je parle ainsi de son employé. Son silence était... presque dérangeant.

– Sauf si tu me dis ce que tu sais. Peut-être que j’essayerais de négocier son avenir avec mes supérieurs.

A vrai dire, je n’avais aucun pouvoir ici. J’avais beau être l’un des rares chouchou de ma patronne, je suivais les règles comme les autres. Mais pour avoir des informations, il faut parfois bluffer. Cependant, la grecque en face de moi avait l’air douée pour défaire les mensonges. Je devais gagner sa confiance, mais la quête était difficile.

Je repris son dossier et décidais de récapituler son parcours :

– Née à Athènes d’une famille de nobles, a déménagé à Oslo à ses vingt ans pour rentrer dans une école de danse, l’une des meilleures élèves…

Je passais les détails, qui m’importaient peu, puis m’arrêtais à ce passage :

– A eu un accident, compromettant l’usage de ses jambes. Je dois l’avouer, c’est une vie intrigante que tu as là.

Sans oublier le fait qu’elle possédait un bar caché à la vue de tous, notamment celle de mon agence. Ils n’avaient pas l’air de se douter que la jeune femme orchestrait des nuits de folie avec les surnaturels. Je lançais un rapide coup d’œil vers la caméra, j’étais persuadé qu’ils nous écoutaient attentivement, je ne pouvais donc pas lui demander plus de détails.


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Aiden NivahriinEugenia AngelopoulosMême lorsqu’il essayait de marchander sa parole, Eugenia n’ouvrit pas la bouche. Elle essayait de garder sa meilleure Poker Face. Une ironie pour une femme qui déteste le Poker ! A cette pensée, un sourire manqua de fendre son visage.

Soudain, Joshua se mit à énoncer des faits à son égard. Et la jeune femme déglutis. Ce ne sont que des banalités mais cela lui glaça pourtant le sang. Surtout lorsqu’il évoqua son accident. Et le mot utilisé… Intrigante ? Comment cela ? Elle s’humecta les lèvres et ouvrit la bouche.


Faire l’innocente. Plutôt une bonne idée, non ? Elle était sûre et certaine d’être observée, en vue de la caméra. Il aurait été stupide de sa part de griller son secret. Et son interlocuteur avait l’air de ne pas avoir ébruité son secret, puisqu’il ne l’avait pas évoqué, au contrario de son accident… Elle retint un soupir.

Est-ce que j’étais si peu intimidant pour qu’Angelopoulos garde le silence ? L’ambiance dans la salle d’interrogatoire me paraissait presque oppressante, je n’étais pas habitué à faire ce genre de trucs, moi, c’étaient les assassinats. Cependant, mon collègue Vargas avait un certain don pour réussir à faire parler les gens. Pendant un court instant, je voulus l’appeler, mais je me retins.

Alors, j’eus l’idée d’énumérer les informations qui se trouvaient dans le dossier nommé Eugenia Angelopoulos. Je pris un air satisfait lorsqu’elle prit enfin la parole.

– Une pauvre femme… ricanais-je.

Je repris le tutoiement, malgré qu’elle ne l’utilisait pas à mon encontre :

– Tu me sembles être tout sauf une pauvre jeune femme. Tu avais quand même toute une escadrille qui te servait, la dernière fois qu’on s’est parlés. Et je le répète, mais j’ai été violent parce qu’on m’a cherché et puis, j’étais saoul.

Je m’affalais sur mon siège.

– Quant au lieu où tu te trouves, c’est confidentiel. Dis-toi juste qu’on sert le CIA, ici. C’est pour ça qu’ils n’ont pas été très contents que tu leur envoies quelqu’un à mes trousses, ça aurait pu compromettre des choses de leur côté.

Ce n’était pas un mensonge, la Section 45 était réellement affiliée à la CIA, on existait juste pas aux yeux du peuple et disons que nos activités n’étaient pas… très légales. Mais tant que le président des États-Unis autorisait ce que nous faisions, nous n’avions pas de problèmes.

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La CIA, sérieusement ? Sur tous les mecs pommés sur qui elle aurait pu tomber, il avait fallu qu’elle tombe sur un agent secret ou sur un truc du genre… ! En plus, Eugenia ne pouvait pas savoir exactement de quoi il s’agissait. En même temps, elle pouvait comprendre ce secret, elle-même qui en possédait un, probablement moins grave que celui du jeune homme face à elle.

Eugenia baissa la tête pour accuser le coup, puis passa sa main dans ses cheveux bruns, emmêlés de s’être défendue contre son ravisseur. Elle n’était pas en terrain conquis ici, il lui fallait se plier aux règles du jeune homme. Mais elle ne savait rien… Rien qui puisse leur permettre de la retenir trop longtemps. Ses jambes la faisaient souffrir, et elle mourrait d’envie de rentrer chez elle.

Ce n’était pas mon truc de faire passer des interrogations, à vrai dire Mateo et Vargas étaient bien plus doués que moi. Je n’avais pas assez de patience, je voulais qu’on me dise tout et vite. Et là… j’avais un peu du mal à comprendre ce que j’étais supposé faire avec Angelopoulos. La menacer ? Elle avait l’air déjà bien secouée. Récolter des informations ? Il y avait déjà – presque – tout sur son dossier, et elle ne semblait pas vouloir en dire plus sur son fameux bar. Alors que je pensais que je n’arriverais pas à la faire « craquer », elle lâcha tout d’un coup.

Je pris un air surpris.

– C’était si facile ? dis-je à voix basse. Et mon nom, c’est euh…

Je jetais un coup d’œil vers la fenêtre teintée. J, la patronne sacrée, devait se trouver derrière.

– Aiden. Et je pense que tu es sincère, donc je ne vais pas pousser l’interrogation alors que ce n’est pas nécessaire. Je pense que tu as toutes les informations que tu désirais avoir – et c’est pareil pour moi.

A peine que je prononçais ces mots, la porte s’ouvrit pour laisser apercevoir Vargas, qui paraissait pas très content sur ma manière d’interroger. Mais si j’avais décidé que c’en était fini, il ne pouvait rien dire. Ce n’était pas son affaire. Il fit signe à Angelopoulos de se lever et de le suivre.

– Eh bien… à la prochaine, j’imagine, dis-je avec un semi-sourire.


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Aiden NivahriinEugenia AngelopoulosLa belle jeune femme se détendit le dos, épuisée. Ça n’avait pas été aussi simple que cela de faire suivre le jeune homme, non. Son employé n’avait pas vraiment eu de mal à retrouver l’homme, mais la difficulté avait été de suivre sans relâche, puisqu’il disparaissait souvent. Probablement dans les locaux ici… !



Ces mots prononcés, la porte s’ouvrit. Eugenia se retourna et vit un homme assez baraqué qui lui fit signe de le suivre. Elle se leva, chancelante, puis le suivis. Elle avait pleins de questions en tête. Elle se tourna.

Tandis que Vargas l’attrapait pour la guider hors du local, Angelopoulos s’arrêta, puis se retourna vers moi. Ce changement de comportement soudain me surprit, moi qui pensais qu’elle serait plus que contente de partir d’ici. Je l’écoutais, curieux de connaître le but de ce retournement de situation. Ah, elle voulait savoir à qui elle s’était frottée. C’était délicat comme question, comment est-ce que je pouvais lui expliquer la Section 45 ?

– On ne sert pas exactement le CIA, c’est plus une affiliation, en fait. Écoute, nous sommes filmés, je ne peux pas te dire beaucoup de choses. Voire rien, en fait. Mais vu que tu es ici, je pense que tu as le droit d’en savoir plus.

Mon collègue la lâcha, silencieux. Si Vargas pouvait intervenir, il s’énerverait probablement sur moi. Je ne savais pas si Leiv nous écoutait, mais si c’était le cas, il devait avoir envie de m’engueuler.

– Boss ne va pas être contente, s’exclama Vargas pour la première fois en croisant les bras.
– Je sais, répondis-je en toussotant. Disons qu’on s’occupe de contrats, ce qui inclut, par exemple, ce genre d’interrogatoire lorsque quelqu’un veut trop fouiner.

J’étais persuadé qu’Angelopoulos disposait de grandes ressources, j’allais devoir en parler à Leiv pour en savoir plus. Tout en ne disant rien à notre patronne, bien entendu.

– Tu as d’autres questions ?



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Aiden NivahriinEugenia AngelopoulosFinalement ce n’est pas pour la CIA mais il y a une affiliation avec… ? Cela n’avait aucun sens !


Eugenia se retint de lever les yeux au ciel. Elle était ici parce qu’elle voulait être sûre que son secret serait gardé et voilà qu’elle découvre le sien. C’était vraiment une semaine bizarre… ! Enfin semaine… Oui. Cette rencontre était étrange et voilà qu’elle menait à un kidnapping qui mène, lui, à la découverte d’une « société secrète » qui fait partie de la CIA mais en fait non… Etrange semaine.

Enfin, pour la première fois depuis son entrée dans la pièce, le molosse derrière la jeune femme parla. Six mots pour dissuader Aiden de parler, ce qui ne fonctionna visiblement pas.


Fouiner ? Sérieusement ? Argh… Eugenia garda sa Poker Face mais se retint de s’énerver. Elle ne fouinait pas, elle cherchait à se protéger, elle, ainsi que tous ses clients. Mais ça, bien évidemment, elle ne pouvait pas le dire à voix haute.


Eugenia regarda la caméra d’un coup d’œil pour voir si Aiden et son « ami » allaient lui répondre malgré les caméras. De toutes façons, elle ne le répèterait jamais… et elle pourrait peut-être être utile.

Je devais l’avouer, j’avais été un peu bête sur le coup. Pourquoi répondre à ses questions alors que c’était interdit par le protocole ? Et le pire, c’est que je lui demandais si elle voulait que je lui offre d’autres informations. Ouais, j’étais con. Je l’écoutais donc énumérer ses questions. Je sentais clairement le regard brûlant de J se poser sur moi, et j’imaginais déjà la crise de Leiv.

Lorsqu’Angelopoulos lança un coup d’œil vers la caméra, je fis de même, jusqu’à déposer mes yeux sur la vitre teintée qui séparait la big boss de nous. Je reportais mon attention vers l’humaine – en tout cas c’est ce que mes narines en décidèrent. D’ailleurs, je me demandais ce que ferait J en apprenant qu’une boîte de nuit spéciale surnaturels existait. Enfin, il fallait qu’elle soit déjà au courant de l’existence des gens… différents.

– Je peux pas vraiment répondre à ces questions.
– Non, tu peux définitivement pas, rectifia Vargas à côté d’Angelopoulos.

J’ignorais le mexicain et continuais :

– Comme tu le dis, elle est secrète pour une raison. J’ai donné trop d’informations, je risque d’avoir de gros problèmes avec ma patronne si je t’en dis plus.

En disant la dernière phrase, je lui pointais la vitre teintée. Vargas avait l’air d’avoir envie de se facepalmer. Notre gadgetboy, Leiv, allait vraiment me tomber dessus…

– Et si tu veux rentrer chez toi, va falloir te rebander les yeux, pour que tu évites de savoir où se trouve cet endroit.


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Aiden NivahriinEugenia Angelopoulos

Ça y est, les deux hommes avaient décidés de se taire complètement. Enfin le gorille, lui, ne parlait pas beaucoup depuis son arrivée, donc ce n’était pas un réel changement. Mais Aiden montra le grand miroir qui recouvrait le mur qui était face à elle, quelques instants auparavant, afin de lui signifier qu’ils étaient écoutés, regardés…

Puis il lui annonça qu’ils allaient lui bander les yeux. Ce qui exaspéra la dame au plus au point. Elle comprenait parfaitement, il ne faut pas se détromper. Mais elle était intriguée par cet endroit… De plus, elle avait presque été passée à tabac, elle avait mal aux jambes par leur faute et maintenant elle devrait marcher dans le noir…

Elle fut prise d’un vertige, et chancela discrètement. Elle se reprit rapidement, se redressa et s’adressa face à la vitre teintée.