Un peu de caféine pour tenir le coup [PV Eretria]

Ombeline n’avait pas fait de garde de nuit depuis la fois où un patient fou et dangereux s’était échappé et avait éventré quelques personnes. Cela faisait plus d’une semaine déjà mais elle avait ressenti une certaine appréhension à se retrouver de nouveau à l’hôpital de nuit. Les fées se régénéraient, certes, mais ses collègues...Les autres patients…

Les sens en alerte, elle avait passé une bonne partie de la nuit dans un tel état de nervosité qu’on l’avait envoyée en pause un peu plus tôt que prévu.

Soupirant, Ombeline se dirigeait vers la machine à café en se disant, pour la énième fois, qu’il fallait qu’elle prenne rendez-vous avec Rylan pour des séances de psy, quand elle vit un visage familier à moitié endormi. Avec un petit sourire maternel, elle hésita à venir lui parler, puis finalement reprit sa route jusqu’à la machine à café avant de revenir avec deux gobelets fumants.

– Coucou

Elle lui tendit un des gobelets.

– Je me suis dit que tu aurais sans doute besoin d’un café.

Elle espérait qu’elle ne se faisait pas exploiter comme la dernière fois. Mais la seule façon de le savoir était de lui demander directement.

– Tu t’en sors par rapport à la dernière fois ?

Les fins d’année étaient toujours compliquées, simplement parce qu’au fond j’étais encore une étudiante. En étant interne je n’étais pas totalement… Ici. J’étais aussi ailleurs ! Je me devais de tout donner, mais je sais que ces longs moments de fatigue intenses à prouver que ma place est bel et bien ici seront rapidement terminé. J’avais faits le plus gros ! Je ne devais rien lâcher, rien abandonné parce que ça ferait beaucoup trop plaisir à ma sœur et ça il en était hors de question ! De plus en ce moment c’est la folie à l’hôpital, mais je n’avais pas le choix que de veiller toute la nuit sur ce patient qui était en état critique… D’un moment à l’autre ses signes vitaux pouvaient bouger et on pouvait le perdre. Il fallait donc que je sois sur le qui-vive, seulement… J’étais totalement crevée. Je sursaute finalement lorsqu’une voix se fait entendre à mes côtés alors que j’étais en train de comater littéralement contre le mur, face à la chambre. Voyant finalement la petite fée de la dernière fois un, vrai, sourire apparaît sur mes lèvres.

« Coucou… Oh... Merci c’est adorable... ! »

Le prenant doucement, je bâille un peu.

« Désolée... »

Posant ma main contre mes lèvres, je me redresse un peu plus finalement.

« Eh bien j’enchaine les heures, je suis vraiment… Au bout ! Mais je dois tout donner ! Et toi, ça va ? »

Le bâillement de l’interne fut contagieux et en plus de faire bailler la fée, deux infirmiers et une femme de ménage passant par là furent pris d’une irrémédiable envie de bailler. Ombeline s’en amusa :

– C’est pas grave, il y a souvent des épidémies de bâillements à cette heure-ci.

S’asseyant à côté d’elle, elle prit de ses nouvelles et la détermination d’Eretria la fit sourire.

– Ça va, fatiguée, mais je tiens.

Pas la peine de lui préciser qu’elle s’était retrouvée aux premières loges des évènements sanglants d’il y a quelques temps et qu’elle était un peu sur les nerfs suite à ça. Elle ne voulait pas l’inquiéter.

Et puis cela ne servait à rien de ressasser des évènements passés. Surtout s’ils étaient désagréables.

– Mais je t’avoue que je n’ai envie que d’une chose là, c’est de retrouver mon lit !

Puis, observant la jeune femme et ses cernes gigantesques, elle songea au travail supplémentaire qu’on lui avait donné la dernière fois.

– Au fait, tu rends toujours service aux secrétaires ? Demanda-t-elle en s’inquiétant de la voir s’épuiser avec des tâches en plus qu’elle n’était pas censée faire.

Alors que mon bâillement m’échappe, je peux voir, en plus de la brune à mes côtés, trois autres personnes atteintes de la même « maladie » que moi tandis que la fée, que je ne connaissais pas tant que ça, mais que je prenais plaisir à découvrir, semblait s’en amusée et relativisait le tout. Souriant alors de nouveau, ma tête se hoche.

« C’est vrai que ça… C’est vraiment la maladie dont personne n’échappe en général, je trouve ce phénomène fascinant... »

Cela montrait à quel point, nous sommes vivants, surnaturels ou pas, nous pouvions être mimétiques au fond. Nous agissions par mimétisme, tout simplement parce qu’on grandissait à travers les mouvements des gens présents autour de nous. C’est comme ça que l’on se développe et que l’on grandit tout simplement !

« Tu finis à quelle heure ? Tu peux peut-être prendre une petite pause pour dormir une vingtaine de minutes, c’est le temps idéal pour se rebooster un peu... »

Puis mes sourcils se froncent légèrement lorsqu’elle me parle de secrétaire. Lorsque nous nous étions vu je n’avais jamais parler de ça… De quoi est-ce qu’elle parlait ?

« Service aux secrétaires ? De quoi est-ce que tu parles… ? »

– Si ça se trouve, c’est bon pour la santé, sourit Ombeline lorsque sa collègue qualifia le bâillement de maladie.

Après tout, il n’y avait aucun effet secondaire mauvais pour la santé, aux dernières nouvelles. Enfin, maintenant qu’elle y pensait, c’était un mystère dont elle n’avait jamais vu la moindre réponse en plus de mille ans, ce n’était pas rien ! Qui sait si, à la fin du monde, la révélation ultime ne sera pas un truc du genre : « en fait, le bâillement sert à communiquer par la pensée ».

Ce serait une touche amusante au milieu de l’apocalypse. Enfin, si apocalypse il y avait. Peut-être que les choses s’éteindront un jour d’un seul coup sans que personne ne s’en rende compte. Pouf… la mort. Mais ça tenait plus du fantasme qu’autre chose vu la longue agonie dans laquelle était plongé le monde actuellement.

Alors qu’elle mentait ouvertement en disant qu’elle allait bien (oui, il fallait bien l’avouer, à chaque fois qu’elle disait que tout allait bien, Ombeline mentait aux autres et à elle-même), l’infirmière avoua tout de même qu’elle rêvait de retrouver son lit. Ce à quoi Eretria lui proposa une petite sieste de vingt minutes.

C’était une bonne proposition.

Mais depuis les récents évènements, Ombeline n’arrivait plus à dormir tranquillement à l’hôpital. Il lui faudrait du temps avant de ne plus associer le moindre petit son à un début d’attaque.

– J’ai encore deux heures à tenir. Ça devrait aller. Et toi ?

Elle en profita pour lui demander :

– Au fait, tu rends toujours service aux secrétaires ?

La démone eut l’air surprise.

« Service aux secrétaires ? De quoi est-ce que tu parles… ? »

Peut-être était-ce la fatigue qui jouait avec sa mémoire, mais Ombeline, elle, se souvenait parfaitement de leur dernière rencontre. Enfin… parfaitement… pas au mot près non plus. Mais elle s’était inquiétée de son état et de sa possible exploitation par des collègues qui ne se rendaient pas forcément compte qu’elle était épuisée.

– Tu ne te souviens pas ? La dernière fois qu’on s’est vues, on t’avait bousculée alors que tu ramenais des documents pour les secrétaires. Tu avais l’air tellement fatiguée !

Tournant un peu mon regard variant entre chocolat et gris vers la fée… Je finis par sourire à ce qu’elle me dit. Elle n’a pas tort… Mais peut-être que cela a d’autre origine aussi !

« Peut-être même que c’est un vieil instinct de survit… Ou de reconnaisse ou je sais pas quoi ! »

En tout cas pour qu’elle aussi ne sache pas, c’est bien que c’est un très vieux mystère tout ça ! Et puis elle avait raison, au final ce n’était pas tellement mauvais pour la santé hormis que ça te fatiguait lorsque tu ne l’étais pas forcément et que tu baillais seulement car quelqu’un d’autre le faisait aussi. D’ailleurs que de pensée aux bâillements, j’ai envie de bailler, c’est dingue ce phénomène !

En tout cas, elle et moi, on avait l’air bien à être aussi fatiguée, l’une que l’autre ! Elle refuse d’ailleurs ma proposition d’une petite sieste et enchaine plutôt sur la dernière fois que l’on s'est vu, mais… Ça ne me dit absolument rien. Cependant elle semble convaincue de m’avoir vu, alors … Je ne vois qu’une seule et unique explication : Lilith. Fronçant alors les sourcils, je me redresse un peu.

« Lilith... »

Marmonnant son prénom, je reprends, ayant échappé un soupire, et regarde Ombeline.

« C’était Lilith… Ma sœur jumelle… Elle adore se faire passer pour moi visiblement... Elle est secrétaire ici...»

À l’annonce de l’existence de cette sœur jumelle aimant visiblement plaisanter, Ombeline se figea. Le temps que l’information remonte au cerveau et qu’elle se repasse la dernière fois qu’elle l’avait vue à la recherche d’indices qui lui aurait permit de deviner la supercherie. En fait… il y en avait plein…

La fée éclata de rire.

– Oh, je ne m’en suis pas douté une seule seconde !

Au final, oui, c’était drôle. Aucun mal n’avait été fait et c’était Ombeline qui avait commencé en l’appelant par le nom de sa sœur jumelle. Cela avait donné une situation quelque peu cocasse qui tranchait avec la monotonie de certaines journées.

– Ça doit être sympa de travailler avec sa sœur ! En tout cas, la pauvre, elle avait l’air épuisée !

Elle avait toujours été fascinée par les jumeaux. Ces personnes qui n’étaient jamais seules au final. Elle les enviait, elle qui voyait ses proches mourir, incapables de la suivre dans son immortalité. Et puis il y avait toujours cette notion de double, terriblement troublante.

– Je ferais plus attention la prochaine fois, pour éviter de vous confondre toutes les deux. Ça ne doit pas être drôle quand les gens se trompent, non ?

Enfin, la plupart des jumeaux qu’elle avait rencontré n’aimaient pas être pris l’un pour l’autre.

Sur le coup je ne comprenais vraiment pas où voulait en venir Ombeline et plus ça allait, plus je comprenais pourquoi je ne comprenais pas ! Si tout ceci semblait amuser la fée, moi il n’en était rien. Après je pouvais comprendre qu’elle trouve ça drôle et certainement que dans son esprit nous étions des jumelles fusionnelles qui se faisaient sans cesse des blagues, mais ce n’était aucunement le cas en réalité. Il ne fallait d’autant plus pas oublier le fait que nous étions des démones de bases. Déjà tout ça posait les bases, nos jeux d’enfants n’étaient pas des plus tendre. Lorsqu’elle passe aux confessions, ma tête se hoche légèrement.

« Je m’en doute, tu n’es pas la première si ça peut te rassurer... »

Mon ton n’était pas joyeux, pas même une once. Cela m’avait d’ailleurs même réveillé, mieux qu’un café ? Une Lilith. Secouant la tête, je soupire finalement.

« Non ça ne l’est pas, elle fait uniquement ça dans un but précis, c’est ma sœur… Et si elle est fatiguée, je ne la plaindrais pas… Elle a toujours dit que ce que je faisais, gérer le club et mes études plus mon internat était facile, maintenant elle sait ce qu’est la vie sans l’aide de maman... »

Non décidément ma sœur et moi n’étions pas proches et cela pouvait s’entendre que j’avais une certaine rancoeur dans la voix. Regardant à nouveau la fée, je m’appuie totalement au mur.

« Non ça ne l’est pas parce que Lilith se sert toujours de ce moyen pour me passer en ridicule ou bien soutirer des informations sur ma vie… Mais si tu veux une astuce, elle a les cheveux plus cours que moi actuellement ! Ils lui arrivent aux épaules environ, elle »

Ombeline était surprise d’une telle déclaration. Elle ne s’attendait pas à ce qu’il y ait de la discorde entre les sœurs.

C’était ça de s’inventer un monde de bisounours pour rendre la réalité plus supportable. On oubliait parfois que ça n’était pas vrai.

– Oh, je vois… Enfin, peut-être que se débrouiller par elle-même lui apprendra peut-être à moins te juger…

Elle ne savait pas quoi dire d’autre pour la réconforter. Peut-être :

– Je ferais attention la prochaine fois. Elle ajouta pour plaisanter. On peut même mettre en place un mot de passe, au cas où tu voudrais passer chez le coiffeur à un moment.

Mais visiblement, parler de sa sœur était quelque peu désagréable pour elle, alors autant changer de sujet.

– Alors comme ça tu gères un club ?

Notre relation avec Lilith en surprenait plus d’une ou d’un… Je n’étais donc pas surpris de la tête que faisait Ombeline parce que c’était normal… Enfin je crois. Dans la tête des gens avoir un jumeau ou une jumelle voulait forcément dire être très proche de ce dernier ou cette dernière et ce n’était pas notre cas. En tout cas… Pas comme un humain l’entendrait, nous étions des démones, il ne fallait pas l’oublier… Je ris cependant légèrement.

« Nous parlons de Lilith, il n’y a pas plus fière qu’elle, tu vois à quel point ça peut-être difficile de trouver une aiguille dans une botte de foin ? Et bien sa fierté est à ce niveau-là… Aussi compliqué et dure que ça »

Bon je ne suis pas en reste non plus, mais Lilith en tiens une bonne couche je dois l’avouer. Lorsque la jolie infirmière me dit qu’elle fera attention la prochaine fois, ma tête se hoche et lorsqu’elle me parle de mot de passe, je ris légèrement ayant une idée un peu folle. Ce serait si drôle qu’elle tombe sur Lilith et qu’elle le fasse, la tête qu’aurait ma sœur serait à mourir de rire. Je me tourne d’un coup vers Ombeline en tirant la langue.

« Aaaaah… Esfe-que fe fuis mafade ? »

Ce n’est pas simple de tirer la langue et parler en même temps ! Rentrant alors soudainement ma langue, je regarde Ombeline totalement amusée.

« Si on fait ce genre de truc en mot de passe pour nous reconnaître, d’après la tête que fera Lilith c’est sur et certain que tu ne pourras pas nous confondre ! »

Riant légèrement, je parviens enfin un peu à me détendre, puis je reprends.

« Sinon quelque chose de super-médical, enfin technique, parce qu’elle déteste ce monde et elle ne comprendra rien, tu sais quelque chose comme : Anti-Fongique ou bien… Tubulure ! Ou encore Phalloplastie...  Comme ça dès qu’on se voit l’une dit : Anti… L’autre Fongique ou bien Pallo… L’autre Plastie ou bien Tubu… Et l’autre Lure !»

Souriant alors je finis par me rappuyer contre le mur dans un soupire en pensant au club. Ma tête se hoche légèrement.

«Oui... Le Paradise Nigth Club, tu connais ?»

Ombeline ne put s’empêcher d’éclater de rire.

– D’accord ! Je n’hésiterais pas alors !

Au final, la façon de les différencier était d’apprendre à les connaître. C’était logique en somme. Mais elle ne pouvait s’empêcher de s’imaginer la tête que fera sa sœur si elle venait à se comporter comme ça ! Et surtout quand elle se saura démasquée ! Mais peu importait, la fée ne lui en voulait vraiment pas.

– Et puis en plus ça sera l’occasion de rire et de se remonter le moral !

Puis vint la question au sujet du club. À l’annonce du nom, l’infirmière fut surprise :

– Oui, j’y suis déjà allée avec une voisine ! Tu as vraiment du courage de tout gérer : le club et l’hôpital.

Elle eut un léger sourire rêveur.

– D’ailleurs, un de tes barmans est mon ex…

Je peux voir ma collègue, enfin même si normalement elle est « inférieure » à moi, éclater de rire face à mes propositions pour me différencier de ma sœur et ça me tire un sourire. Je ne suis pas du tout vexée et pourtant, en bonne démone que je peut-être parfois, je pourrais… Mais j’avoue que l’idée d’imaginer la tête de Lilith face à tout ça me détend moi aussi ! Riant finalement un peu, ma tête se hoche.

-Tu sais en tirant bien, bien la langue ! Bon même si ça risque d’être dur quand même de ne pas rire si c’est vraiment Lilith sur qui tu tombes et que tu vois sa tête vierge de toute compréhension !

Lorsqu’elle me dit connaître le club, ma tête se hoche alors que je me mords légèrement la lèvre.

-Disons que c’est plutôt un : je n’ai pas le choix, mais merci…

La regardant alors je ne peux que voir son air et sourire soudainement rêveur, je la regarde totalement intriguée et lorsqu’elle me parle d’un ex, je me tourne plus vers elle, souriant aussi grandement.

-Un ex hein hein ! Et tes ex te tirent souvent ce genre de sourire et d'air à toi ?! Dis-moi tout ! Qui c’est ?

Bon je ne connaissais pas tout le monde qui bossait pour moi, enfin pas de façon intime, mais j’avais des noms marquant en tête !

Ombeline était plutôt contente de la détendre vis-à-vis de sa sœur. Ce n’était pas un sujet qui lui plaisait visiblement, et c’était dur de détendre l’atmosphère en commençant par celui-ci. Mais à voir son sourire, ce mauvais moment était passé.

La fée eut un léger froncement de sourcils quand elle entendit que son amie n’avait pas le choix pour le bar.

– Pas le choix ? Mince, ma pauvre…

Elle la trouvait vraiment courageuse de suivre ses études en même temps !

Enfin, c’était quand même drôle de se trouver face à la patronne de son ex… d’ailleurs, la curiosité de la démone fut piquée et le sourire d’Ombeline s’élargit alors qu’elle rougit.

Non… penser à ses exs lui tirait plutôt les larmes en général, mais là, c’était particulier.

– Eliaz, je ne sais pas si tu vois qui c’est… mais…. Hum… Je l’avais quitté il y a deux siècles en pensant qu’il était mortel et j’ai eut la grosse surprise de le recroiser récemment…

Elle avoua à mi-ton :

– On a un peu repris là où on s’était arrêtés …

Sans pour autant aller plus loin, ni même officialiser une quelconque relation. Une étrange situation mais pas si désagréable. Elle avait moins peur de s’y attacher à présent.

Je peux voir que la fée est intriguée par ce que je dis et je ne peux que comprendre, ce que je dis… Et bien porte a la curiosité. Faire ce genre de chose, c’est mieux si c’est par envie, que par obligation, malheureusement pour moi c’est le second cas… Lorsqu’elle reprend mon terme, ma tête se hoche légèrement.

« Avoir une sœur légèrement maniaque du pouvoir peut faire beaucoup... »

Certes je ne répondais pas totalement à ce que j'énonçais. Ça ne disait trop pourquoi je n’avais pas le choix, mais ça en disait long tout de même. De toute façon je ne sais pas si ça l’intéresse réellement à savoir quelque chose au fond ! Ou si elle a juste repris mon terme comme ça. Les relations « humaines » sont compliqués parfois. Ma tête se secoue finalement légèrement lorsqu’elle me demande si je vois qui c’est. De nom oui, physiquement non. Ça doit être Lilith qui a dû l’embaucher. Je finis par rire un peu.

« Tu m’étonnes que ça ait dû te faire bizarre ! »

Lorsqu’elle se confie un peu cependant, je la regarde de nouveau.

« Vous êtes de nouveau ensemble ? »

Même si j’étais la patronne du club, au même titre que Lilith, j’y passais beaucoup, mais vraiment beaucoup moins de temps. Je me consacrais bien plus à mes études. L’internat s'était compliqué et je ne comptais pas me rater. Je ne voulais pas finir ma vie au côté de ma sœur Lilith à gérer ce club de … Prostitution soyons claire sur les termes. Quoique l’employé qu’elle me désign, il ne me dit rien. Je ne le connais pas… Mais je suis curieuse de savoir tout de même ce qui se passe entre eux ! D’autant plus lorsque je vois l’air qu’a Ombeline en parlant de lui. Ma tête se hoche et je reprends.

« Ce n'est pas mal, ça, aussi ! Les avantages d’être ensemble, sans les prises de tête ! »

Enfin flirté ne veux pas dire sexe et tout ça, mais c’est logiquement la prochaine étape logique et donc la plus agréable ! Lorsqu’elle continue de me parler de la relation, je ne comprends pas tout et je la regarde.

« Hm… Je crois qu’il me manque des informations… Pourquoi tu as fui ? Enfin ça me regarde peut-être pas, mais tu ne me le dirais pas sinon ! »

Oui j’étais du genre plutôt franche et directe. Puis la nuit allait être longue, autant parler !

Ombeline sourit doucement. Les avantages d’être ensemble sans les prises de tête. À une époque ça aurait été impossible d’envisager ce genre de situation. On se mariait. Point barre. Même au moment où ils s’étaient rencontrés, Eliaz et elle, il y avait une certaine pudeur. Certaines choses ne se faisaient pas. À présent c’était tellement facile de se mettre ensemble et de rompre. Enfin.. Facile dans les faits. Une rupture était toujours difficile émotionnellement. Et puis il fallait prendre en compte les moyens matériels. Bref, vivre avec une autre personne était tout une aventure qu’il fallait bien réfléchir. Mais là, sans même vivre ensemble, ils n’étaient pas vraiment ensemble. C’était encore un certain stade de distance.
D’ailleurs, la fée eut l’impression que sa langue avait visiblement commis une erreur en mettant la puce à l’oreille de la démone.

« Hm… Je crois qu’il me manque des informations… Pourquoi tu as fui ? Enfin ça me regarde peut-être pas, mais tu ne me le dirais pas sinon ! »

Ombeline rougit légèrement et son sourire gêné indiquait qu’elle ne se sentait clairement pas très fière de cet acte.

– Oh, hum… j’ai… des difficultés à m’engager.

Des difficultés… on pouvait dire ça…

– Je pensais qu’il était mortel à l’époque…

Soupir. Elle tournait autour du pot. Autant dire les choses directement. De toute façon elle était trop fatiguée pour cacher grand-chose.

– Et j’ai eu ma dose de proches mortels.

Son expression s’était assombrie, triste. Il n’y avait pas eut que des partenaires. Il y avait eut des enfant. Des amis. Tant de gens qu’elle avait accompagné jusqu’à leur mort. Tant de gens qui l’avaient laissée seule.

La nuit risque d’être longue alors parler avec la fée ne me gêne pas. Au contraire, ça me fait gagner du temps d’ennuis et puis ça me tient éveillé, en plus du café ! Ce ne sont pas mes affaires en plus, mais les siennes. J’ai toujours une certaine… « Pudeur » à parler de mes affaires, disons qu’en tant que démone je suis souvent peu comprise et c’est difficile pour moi de tenter de comprendre les autres. Je tente au mieux, mieux que Lilith en tout cas, mais ce n’est pas toujours un exercice facile. Je tourne finalement la tête vers elle alors qu’elle semble se sentir coupable de ressentir tout ça. Je bois un peu de café et reprends doucement.

« Je n’ai pas vécu… Énormément encore, mais je sais que ma vie est vouée à être éternellement un recommencement et que ceux que… Que j’aime bien, ne me suivrons pas nécessairement… »

Je soupire légèrement et secoue finalement la tête.

« Je ne vais pas entrer dans les détails et t’ennuyer avec ça, mais… Tout ça pour dire que je peux comprendre que ça fasse peur de s’engager ! »

Mes épaules se haussent doucement et je reprends.

« Mais attend… Il est quoi, du coup ? »

Puisque de ce que je comprends, ce n’est pas un mortel. Ensuite, oui, c’est l’un de mes employés, mais je ne les connais malheureusement pas tous.

La démone semblait bien consciente des mauvais côtés de l’immortalité. Mais il y avait une différence entre s’y attendre et le vivre encore et encore. Et retomber dans ce même cercle vicieux. C’était comme une drogue dont la fée se devait d’éviter toute prise afin de ne pas rechuter.

Elle lui offrit un petit sourire, la remerciant de sa compréhension. Ce n’était pas une chose si évidente.

« Mais attend… Il est quoi, du coup ? »

Cette fois-ci, Ombeline sourit plus franchement, amusée. Elle bu une gorgée et répondit :

– C’est un vampire né. Il était tout jeune et encore mortel à l’époque en fait… De quoi m’induire totalement en erreur.

Elle soupira.

– J’étais son premier amour… Je te laisse imaginer à quel point j’ai culpabilisé quand j’ai appris ça !

Être un démon s'est compliqué. Il y a une histoire de cycle, de mort, de vie… D’éternité, mais jamais vraiment la même vie… Tout est… Compliqué. Je ne peux donc que la comprendre, même si j’en suis réellement qu’a mon premier cycle en tant que démone ! Je suis née ainsi. Elle ne commente pas plus là-dessus et semble plutôt se concentrer sur ma question en ce qui concerne cet homme dont elle me parle et qui semble être dans le club que ma sœur et moi codirigeons. Je bois un peu de café tout en l’écoutant et hoche la tête.

« Les nés sont compliqués à démasquer… À cause de leur capacité à vivre même le jour et enfanté... »

En soi ? Je pense qu’il valait mieux naître ainsi qu’être mordu ! Bien que ça te laissait un passe d’éternité, mais encore… Faut-il que ce soit réellement une bonne chose d’être immortel !

« Oh… En effet, tu n’as pas dû lui laisser un goût prononcer pour l’amour ! »

Dans le sens où il a dû avoir le coeur brisé. Surement… Je n’en sais rien.

Ombeline fit la moue et acquiesça.

– Il paraît qu’il n’est jamais tombé amoureux de qui que ce soit d’autre…

Elle ajouta, songeuse :

– De mon côté non plus… j’ai préféré prendre plus de précautions pour éviter d’avoir à fuir encore…

Quel sujet déprimant. Le genre de truc qu’elle ne pouvait dire que fatiguée et en manque de caféine… enfin, en dehors de circonstances exceptionnelles comme lors de pannes d’ascenseur.

Elle sembla se réveiller un peu en réalisant à quel point elle était peu joyeuse et demanda :

– Et toi ? Personne en vue ?

Bon je suis un démon… Une démone même! Je ne connais rien à ces choses, ces choses de l’amour… Enfin j’ai connu une fois… Et il m’a fait vraiment mal, du coup depuis je ne connais plus ! Donc je pouvais imaginer que c’était ça qui concernait ce vampire, mais je ne pouvais pas l’affirmer, ne le connaissant pas personnellement… D’ailleurs Ombeline me confirme qu’il n’est jamais retombé amoureux et elle m’ajoute qu’elle aussi n’est jamais tombé amoureuse depuis. Ma tête se hoche légèrement et je réfléchis quelques instants avant de pouvoir reprendre, je cherche quoi lui dire… Histoire de ne pas la déprimer plus qu’elle ne semble l’être déjà.

« Et bien du coup peut-être que… Vous vous êtes retrouvés pour quelques chose ! »

Je n’en dirais pas plus, parce que je ne sais pas leur histoire... enfin je ne la connais pas en profondeur. Je sais ce qu’Ombeline m’a dit, à l’instant, mais je n’en connais pas plus. Et puis je ne voudrais pas lui faire imaginer des choses qui ne sont pas vraies, ce n’est pas mon genre… Même si je suis une démone, je ne me réjouis pas forcément du malheur des autres… Pas de ceux que j’aime bien en tout cas. Je sors soudainement de mes pensées lorsqu’Ombeline semble se réveiller et me retourner la question sur une personne que j’aurais probablement en vue. J’ouvre un peu de grands yeux, me réveillant un peu moi aussi pour le coup et me mords la lèvre inférieure en réfléchissant un instant avant de secouer vivement la tête dans un petit sourire.

« Non, personne… Tu sais, je pense que moi aussi je m’interdis un peu l’amour. Un peu comme vous ! »

Oui Ombeline et moi on est vraiment joyeuses dis donc… On pourrait ouvrir un club des gens qui se refusent à l’amour je pense. Enfin du coup, ça nous fait au moins un point commun ! Enfin, en plus du fait qu’on sait toutes les deux griller Lilith…

Retrouvés pour une raison particulière… le destin ? Ombeline avait du mal à croire au destin. Pourtant il y avait des médiums. S’ils voyaient des choses, c’était bien que c’était prévu quelque part… ou peut être qu’ils voyaient une suite logique de conséquences à grande échelle… qui sait.

– Qui sait… répéta-t-elle à voix haute avec un petit sourire.

Elle espérait juste qu’elle ne le blessera pas de nouveau. Elle aimerait bien le rendre heureux, ou participer ne serait-ce qu’un peu à son bonheur… oui… ça serait bien.

Mais assez parlé d’elle-même. Détournons le sujet. La démone avait-elle quelqu’un dans son coeur ?

Hum, non. Visiblement elle entrait dans le club des amourophobes. Encore une... La prochaine fois il faudra apporter des petits gâteaux, s’asseoir en cercle et se présenter à tour de rôle…

– C’est drôle, j’ai toujours tendance à vouloir aider les gens alors que je ne suis pas du tout le bon exemple, rit-elle doucement. J’ai failli te dire que rien n’était perdu…tout ça tout ça... mais vu que ce que tu sais sur moi, ça aurait sans doute fait un peu hypocrite

Elle eut un drôle de petit sourire. Le genre qui trahissait son âge véritable quand ses yeux ne l’avaient déjà fait.

– Mais tu sais… c’est comme la foudre… ça frappe sans prévenir. Et visiblement, on a beau fuir, ça finit par nous rattraper, même des siècles plus tard.

C’était comme avoir quelque chose d’infatigable qui ne cessait de les poursuivre… parfois on pense l’avoir semé, mais au final, c’est juste qu’il va à son rythme. Et une fois qu’on l’a oublié.. le revoilà. Quant à savoir si cette chose était bonne ou mauvaise, la fée n’en avait aucune idée.

Ma tête se hoche légèrement lorsqu’elle me sort un « qui sait » qui en dit long et qui ne dit rien en même temps. Heureusement pour elle je reste une démone et je fouine donc peu dans les affaires des autres ! Si elle veut se garder un jardin secret, c’est son droit ! Lorsqu’on dérive sur moi et que je lui avoue que je suis un peu comme elle au fond, je me mets à rire lorsqu’elle explique qu’elle aurait été hypocrite de me dire d’y croire. Je souris alors plus franchement et la regarde.

« Au moins on peut en parler entre nous sans avoir peur de quoi que ce soit ! »

Finalement lorsqu’elle me fait une bien belle métaphore sur l’amour, je souris et hoche la tête. Elle a raison… Enfin peut-être, je ne sais pas. Je ne m’intéresse pas à ces choses-là… Enfin plus du tout moins… Seulement je n’ai pas le temps de répondre que mon biper sonne. Je me redresse alors et m’excuse auprès de la fée.

« Je dois y aller ! On se revoit très vite ! »

Je lui souris et pars rapidement où le biper m’envoie !

Fin