Dérapage incontrôlé [Lilith N.Syclista]

Ce mois-ci, hors jours de congé, je suis tout le temps dans les chambres et je n’en peux plus, j’ai l’impression d’étouffer. En l’occurrence ce soir ce n’est pas qu’une impression. Mon client, un homme riche que je satisfais régulièrement depuis le mois dernier est passé à un cap au dessus et tandis que je suis allongé sur le lit, lui me chevauchant, ses deux mains serrant ma gorge, je me demande comment j’ai pu en arriver là. Pendant un court instant je ferme les yeux et je me laisse faire. Est-ce que ça serait si terrible que ça de me laisser aller ? A qui est-ce que je vais manquer si je disparais ? Personne … Non, non non non non non … Je ne veux pas, pas maintenant. Je reprends mes esprits, assez en tout cas pour attraper ses testicules de ma main libre et de serrer assez fort pour qu’il me lâche. Sans perdre une seconde je détache mon autre main entravée au lit et le repousse violemment, ne prenant pas la peine de regarder où il tombe avant de me lever pour presser le bouton d’alerte. Nu comme un ver, la gorge en feu et les larmes aux yeux je me plaque contre le mur le plus proche en attendant qu’on vienne m’aider.

Dire que je me préoccupe réellement de l'état de mes employés serait certaine un mensonge. Toutefois, lorsqu'on me prévient que l'une d'entre eux se trouve dans une situation dangereuse, je me dois d'intervenir. Déjà parce que je n'ai pas envie de voir les policiers débarquer ici et ensuite parce que trouver de nouveaux employés peut parfois se montrer assez difficile. Donc lorsque j'entends la sonnerie d'alarme retentir dans mon bureau, je jette un coup d'oeil à l'ordinateur à mes côtés et je me lève dans un soupire. J'ai de bonnes raisons d'avoir fait installer ce système d'alarme, mais je me porterais mieux s'il ne sonnait jamais. Les agents de sécurité sont déjà en route pour la chambre d'où la sonnerie a été déclenchée et je les suis lentement. Une fois arrivée devant la bonne chambre de passe, les agents de sécurité ont déjà fait sortir le client pour l'amener dans une autre chambre en attendant que j'aille le voir. De mon côté, je pose assez rapidement mon regard sur celui qui se fait appeler "Cookie", recroquevillé dans un coin de la pièce. Je m'avance vers lui et, m'accroupissant face à lui, je lui demande d'une voix douce, bien que je sentes que cette situation va plus m'exaspérer qu'autre chose :

- Que s'est-il passé ?

Je devrais peut-être faire poser des caméras dans les chambres... Mais ça serait un risque pour l'intimité des clients et une trop grande source d'informations pour de possible hackers.

Heureusement la sécurité ne rigole pas ici et mon client se fait escorter rapidement ailleurs. Une fois seul j’allais me relever mais une autre personne entre dans la chambre, une des patronnes du club. Elle s’accroupit en face de moi du coup je vais éviter de me relever tout de suite et de lui offrir un zoom sur mes parties. Je ne suis pas pudique, mais j’ai mes limites. D’une main je me masse doucement le cou, plus de peur que de mal je ne pense pas que j’aurais des marques à camoufler pour le reste de ma soirée ni pour les jours à venir.

« Je ne pense pas qu’il essayait de me faire du mal, il s’est juste un peu trop emballé ça arrive parfois »

Un peu trop souvent ces derniers temps cependant. Ma voix est légèrement rauque alors je tente de l’éclaircir mais je pense que ça ira mieux après un thé au citron et au miel. Je finis par me redresser quand même et enfile mon kimono, me sentant tout de suite beaucoup mieux.

Il reste accroupit au sol pendant quelques instants et je peux le voir se masser le cou. Ce n'est qu'à ce moment que je remarques les marques de doigt rouges sur celui-ci et que mes sourcils se froncent légèrement. Ce ne sont pas de grosses marques, mais juste assez pour comprendre qu'il y a eu une bonne pression et ça restera sans doute quelques minutes à peine.

- Je vois..

Je le laisse alors se redresser tout en le faisant moi-même. Je le laisse se rhabiller sans rien dire, croisant simplement mes bras contre ma poitrine en faisant quelques pas. Je pos emon regard sur le lit défait et regrette de ne pas avoir pu voir directement le visage du client responsable, parce que ça se trouve, c'est un client adepte du sadisme et Jeon aurait dû le savoir. Je me retourne alors vers lui.

- Il ne t'a pas prévenu de si c'était dans ses habitudes et que ça viendrait sans doute dans votre débat ?

Je me sens beaucoup mieux une fois que j’ai serré la ceinture de mon kimono. Ce n’est pas parce que je fais ce métier là que j’aime me promener nu à la vue de tout le monde. Je réfléchis un instant face à sa question. Est-ce que j’ai été prévenu ? Non, je ne crois pas. En général les clients sont contrôlés avant d’avoir accès aux chambres. Je fais une légère moue.

« Non, je le vois régulièrement depuis un mois et il n’avait jamais rien fait de tel »

Je laisse échapper un profond soupire. Pourquoi il faut toujours que je me tape des tordus. Ou bien c’est de ma faute ? Est-ce que j’ai laissé entendre que j’aurai envie qu’il me fasse ça ? Non, absolument pas j’en suis certain !

« Il s’est peut-être juste emballé, ça arrive »

Être patronne vient avec des privilèges certes, mais aussi des responsabilités dont on voudrait bien se passer. Comme dans des cas comme celui-ci par exemple. Je déteste devoir jouer les mauvaises flics entre mes employés et mes clients. De toute façon, mes employés aussi déteste lorsque je dois prendre ce rôle parce que j'ai tendance à appliquer la règle “le client est roi”. Donc dans cette situation, je ne peux que me dire que c'est sans aucun doute Jeon qui soit ne l'a pas bien écouté, soit lui a envoyé de mauvais signaux. Il me dit cependant que le client ne le lui a jamais signalé le moindre penchant pour ce genre de démonstrations physiques violentes et je hoche lentement la tête.

- D'accord, nous allons tout de même avoir besoin de son point de vue à lui aussi, puisqu'il venait te voir régulièrement..

Je n'avais pas envie de mêler les autorités à cette situation et nous réglerons donc tout à l'interne, mais ça devait se régler, même si j'avais déjà l'impression que le client ne reviendrait pas. Cookie prend alors en quelque sorte la défense de notre méchant client et j'en suis un peu surprise. Mais au fond ce n’est pas vraiment surprenant. Les humains et leurs émotions font toujours des choses qui me surprennent.

- En effet ça arrive.. Mas est-ce que toi tu arriverais à passer au-dessus et accepter de l’avoir à nouveau comme client ?

La suite dépendait donc évidemment de sa réponse.

Je hoche la tête, je sais que c’est la procédure normale mais j’espère que s’il ment ils ne vont pas le croire lui plutôt que moi. Le client est roi certes mais … j’ai vraiment besoin de ce boulot, je ne sais pas ce que pourrais faire d’autre, je n’ai aucunes compétences, j’ai toujours fait ça et uniquement ça … Pathétique c’est sûr, mais c’est ma vie. Pour dédramatiser la situation je lui dis que mon client a du tout simplement s’emballer, un homme reste un homme et parfois même les plus gentils deviennent des démons face à leurs pulsions. Je ne réfléchis même pas avant de répondre à sa question.

« Bien sûr, du moment qu’on est sur la même longueur d’onde et qu’il ne laisse pas de marques »

Si je commence à refuser certains clients on risque de me traiter de diva ou de petite nature. Il est hors de question que je laisse ça arriver. Il ne faut pas se fier à mon physique, je ne suis peut-être pas costaud physiquement mais mentalement oui.

Si je déteste devoir régler tout ces problèmes, Jeon a au moins la bonne attitude à avoir avec moi. Il n’est pas en train de chialer en boule dans son coin comme je pensais pourtant qu'il allait le faire au départ. Il n'est pas non plus en train de tenter de se sauver de moi pour aller chercher les flics ou que sais-je et heureusement pour lui, parce que les autorités ne seront pas mêlés à ce très petit problème. Et chose encore plus importante, il me donne les réponses que je veux entendre. Si je ne me retenais pas, je lui offrirais une promotion pour ce qu'il dit, mais il me reste encore un peu trop d'intelligence pour cela. Tant pis pour lui. Je le regarde et un fin sourire se dessine contre mes lèvres.

- Parfait, je lui indiquerait donc que tu ne portera pas plainte non plus.. Très bonne nouvelle, ça aurait été dommage que tu perdes un client aussi fidèle pour un si malheureux incident.

Je me dirige vers le mini-bar présent dans la chambre et je nous sers deux verres avant de lui demander.

-Tu en veux un ? Je crois que ça te ferait du bien pour te remettre de ce que tu viens de vivre.

Il faut bien faire comme si je démontrais un peu de compassion, même si en réalité c'est beaucoup plus moi qui a envie d'un verre.

Je hoche doucement la tête, elle a raison et je ne suis pas stupide. Et puis le bouche à oreille peut aller très loin parfois. Si ce client allait parler de moi en négatif je risquerais de perdre beaucoup trop pour une simple altercation. De toute façon ce n’est pas certain qu’il reviendra et si c’est le cas je me tiendrais à carreaux, je ferais preuve de maturité et agirais comme s’il ne s’était rien passé. S’il recommence cependant … La patronne se dirige vers le mini bar et je penche légèrement la tête sur le côté. Je n’ai pas le droit d’y toucher normalement mais si c’est elle qui propose alors je suppose que c’est ok. Je tends doucement la main et le saisis.

« Merci »

C’est étrange, finalement elle est beaucoup plus gentille qu’elle n’en a l’air. Je vide mon verre en deux gorgées puis je le repose.

J'observe le jeune homme qui me fait face, un peu intriguée au final. Je ne sais pas si il a appeler à l'aide parce qu'il a réellement eu peur ou bien si c'est simplement parce qu'il ne voudrait réellement pas faire ce genre de chose, mais sa façon de réagir et d'accepter que le client revienne le voir me donne l'impression que c'est davantage la première option. Une idée me vient alors en tête, mais je lui laisse tout de même le temps de boire son verre, qui sera évidemment retenu sur son salaire. Je ne suis pas mère Theresa quand même, je dois le payer cet alcool. Je le regarde encore pendant quelques secondes en faisant tourner l'alcool dans mon verre puis je reprends la parole.

- Est-ce que tu accepterais plus de client comme lui ? Je veux dire.. avec des envies particulières.

Ils étaient nombreux, mais malheureusement, je n'avais pas assez d'employés ouverts à cela. Si la situation se prolongeait ainsi, je n'aurais bientôt pas d'autres choix que de les forcer à le faire.. Pas que l'idée de forcer quelqu'un à faire quelque chose ne me gêne au contraire, mais je préfère les garder de mon côté et éviter une mutinerie.

Je relève la tête et la regarde dans les yeux lorsqu’elle me demande si je pourrais accepter d’autres clients comme cet homme, des clients avec des envies bien spécifiques.

« Du genre bondage et compagnie ? »

Je réfléchis sérieusement à la question. J’imagine qu’on a un petit bénéfice si on accepte ça. Et au point où j’en suis de toute façon, peut-être que de cette manière j’arriverais de nouveau à ressentir quelque chose. Et aussi avec le temps j’arriverais à supporter la douleur ou la peur avec sérénité, ce qui pourrait m’être très utile.

« Oui, pourquoi pas »

Je lâche un petit soupire et me passe une main sur la gorge. Oui, pourquoi pas ...

Mon verre à la main, je ne quitte pas mon employé des yeux. À sa question, je hoche simplement la tête. Oui, ce genre de chose. Trop peu d'employé sont partants pour ce genre de service et pourtant, la clientèle est très importante et les prix vont de pair. Ceux qui sont partants à le faire touche un peu plus d'argent et nous en ramène également beaucoup plus. Alors évidemment que j'encourage à le faire. Un mince sourire vient étirer mes lèvres à sa réponse finale et je bois une nouvelle gorgée de mon verre. Un air satisfait est également venu faire sa place sur mon visage. Oui, satisfaction est le bon mot.

- C'est une très bonne nouvelle. Je ferais ajuster tes nouvelles préférences à ton dossier pour les clients.

Je vois bien qu'il doit avoir encore une sorte de traumatisme vu le geste qu'il a vers sa gorge, mais je m'en fiche. Il a dit oui et pour moi c'est l'essentiel.

- Dès ton prochain service, tu devrais avoir de nouveaux clients. J'en connais plusieurs qui avaient très hâte d'avoir un nouveau avec qui faire ce genre de chose.

Je pose finalement mon verre vide sur le bureau de la chambre après en avoir bu la dernière gorgée.

Je me contente d’un simple mouvement de tête, je ne vais pas non plus aller jusqu’à la remercier, ce n’est pas comme si j’avais droit à une augmentation sans aucune contrepartie. Elle me dit que j’aurai de nouveau clients dès le prochain service, ok, tant mieux, autant commencer au plus vite pour me mettre dans le bain. Elle repose son verre et je jette un œil sur la pendule digitale. Je ne suis pas en retard pour mon prochain client, je vais même avoir le temps de me rafraîchir avant de l’accueillir à bras ouverts, ou plutôt cuisses écartées mais c’est la même chose. Je me redresse et adresse un petit sourire à la patronne avant de m’éclipser dans le vestiaire.

« Passez une bonne fin de journée »

Ce jeune homme commençait réellement à monter les échelons de mon estime et ce n'était pas gagné vu les circonstances qui m'avaient menées dans sa chambre ce soir. Heureusement pour lui, il avait eu la meilleure façon qui soit de réagir, c'est-à-dire reconnaître ses tords et accepté de les racheter en quelque sorte. Je me montre alors par la suite d'assez bonne humeur et je lui adresse même un sourire lorsqu'il me souhaite la bonne soirée.

- A toi aussi..

C'était vraiment déjà beaucoup d'effort venant de ma part. Je quitte finalement la chambre à mon tour en y laissant bien entendu nos verres sales, que j'envoie quelqu'un d'autre venir ramasser en même temps que de faire le ménage de la chambre avant la venue du prochain client.