Liberté au goût brûlant (Aedan Cursse)

Les efforts que je fais chaque jour ont des récompenses. Je ne dirais pas que j'avais fais tout ça uniquement dans le but d'en avoir, car ça ne serait pas vrai. Non, si je faisais tout ça, c'était pour moi, mais surtout pour Aedan. Je lui avais dis que je saisirais la chance que la vie m'avait offerte en m'offrant cette deuxième vie. Je lui avais dis qu'il pourrait du coup me détester encore pendant très longtemps. Visiblement, j'arrivais à tenir ma parole pour le moment et je comptais bien le faire encore longtemps. Maintenant, il me fallait encore parvenir à me racheter auprès de lui. Je ne l'ai pas recroisé depuis que je lui ai sauvé la vie, mais il n'est pas revenu me remercier personnellement. Je ne m'attendais pas à ce qu'il le fasse non plus, mais j'appréhendais autant que j'avais hâte à notre prochaine rencontre. Surtout que maintenant, je peux me balader presque librement dans l'hôpital, en tout cas du côté surnaturel, alors je m'attends à pouvoir le voir un peu plus souvent. Je marche d'ailleurs depuis probablement des heures dans l'hôpital et je me retrouve à un étage où je n'étais encore jamais venu. Je n'ai aucune idée d'à quel espèce il peut être réservé. Je m'avance dans le couloir en observant les murs complètement opaques, trouvant cela très étrange jusqu'à ce que, parvenue au milieu du couloir, les "murs" se soulèvent tel des rideaux tirés vers le haut pour enlever la protection des fenêtres qui se trouvaient du coup derrière et qui surtout dissimulait le soleil qui est déjà bien haut dans le ciel. Un hurlement franchit alors mes lèvres avant même que je n'ai le temps de réagir, de courir. J'ai l'impression que chaque parcelle de mon corps brûle, fond ...

Me balader me fait me sentir libre, ça me fait me sentir bien. J'ai beaucoup moins l'impression d'être un monstre pendant que je suis ici si je peux me promener dans les couloirs. Je sens que les choses pourraient commencer à aller mieux pour moi. Que je commence à prendre de la confiance et que je suis plus motivée que jamais à me prouver, autant à moi-même qu'aux autres, que je peux être une vampire et ne plus faire de mal à personne. Sauf que ... Ça c'était sans compter le fait qu'à moi du coup, on peut m'en faire. Ce n'est pas volontaire cette fois, je pense que ces panneaux doivent être contrôlés de façon automatiques, mais je n'ai pas réellement le temps de penser de toute façon que je sens ma chair qui commence à prendre feu, à se liquéfier même tellement je brûle vite ! Un cri presque inhumain franchit mes lèvres alors que je tombe à genoux dans le vain espoir de me protéger des rayons du soleil surpuissant. Moi qui voulait les revoir, je n'en suis plus si certaine soudainement. Finalement, le froid m'enveloppe de ses bras rassurants et je respire rapidement, le corps tremblant. Ma voix est rauque lorsque je prend la parole.

- Ç-ça va ... Comme une chauve-souris au soleil ...

Mais je sens que mon corps est déjà en train de se régénérer. Je parviens à me redresser un peu, mais mon visage et mes cheveux dégagent encore de la fumée, ma chair calcinée. Je cherche des yeux celui qui me demande si ça va et mon coeur rate encore plus un battement en voyant Aedan face à moi ...

J'ai le corps qui tremblent de toutes les émotions et de la violence de ce que je viens de vivre. Maintenant je prends entièrement conscience des effets du soleil sur ma peau nouvelle de vampire. Je n'ai plus vraiment envie de simplement m'offrir au soleil comme j'y avais pourtant pensé de nombreuses fois. Je me redresse, mais finalement, je retombe assise sur mes fesses lorsque je reconnais l'infirmier qui me fait face. Après un battement de coeur raté, le voilà qui se remettrait à battre à tout rompre s'il battait encore. Sa voix est froide, bien plus froide que le vent qui m'apaisait quelques secondes plus tôt.

- J'ai ... J'ai le droit de me promener librement maintenant ... Sauf du côté humain évidemment, mais ... Mais je ne connaissais pas cette partie ... On ne m'avait pas dit que ...

Je désigne les panneaux d'une main un peu tremblante, tout comme ma voix l'est d'ailleurs. J'ai l'impression d'être une enfant prise en défaut alors que pourtant, j'ai la permission d'aller où je veux maintenant. Du moins, personne ne m'avait parlé de limites. Peu à peu, mon corps et mes cheveux se reconstruisent et je suis à nouveau complètement "humaine" et plus calcinée.

Je ne parviens plus à calmer les tremblements de mon corps. Clairement, je n'ai plus envie de mourir. D'en passer si près me l'a fait réaliser puissance mille. Je frotte mes bras à nouveaux sains comme pour tenter de me réchauffer. Ironique non vu que je viens presque de devenir une torche humaine. Mais les paroles d'Aedan me glacent de l'intérieur, me font trembler encore plus. Je tente pourtant de me redresser, de me relever et d'enfin venir prendre pied debout.

- J'ignorais que c'était l'étage des loups ... et crois-moi je n'ai plus du tout l'intention de mourir, je te l'avais déjà dis ... Je n'ai jamais refais de mal en plus d'une année, j'ai eu droit à des sorties, j'ai le droit d'aller où je veux dans l'hôpital, je ne suis pas un monstre.

Je le regarde droit dans les yeux. Pas de façon téméraire ou provocante, juste ... pour lui montrer que je suis sincère et que je crois en mes paroles, même si lui n'en croit pas un strict mot.

Mes jambes tremblent et ont du mal à porter mon poids, mais pourtant, je reste debout, face à lui. Je ne dois pas baisser les yeux, sinon il doutera de ma sincérité, de ma confiance et je ne peux pas, je ne dois pas. Je lui explique ma situation, celle qui a bien évoluée depuis nos dernières rencontres. Peut-être le sait-il, ou peut-être s'en fiche-t-il tout simplement. Je penche pour la deuxième option, mais je lui dis tout cela quand même. Je fronce un peu les sourcils en entendant sa réponse et je secoue la tête.

- Ils n'avaient qu'à m'imposer cette limite avant de me dire de me balader comme bon me semblait ... Mais je ne reviendrais pas ici de toute façon, car comme je l'ai dis, je ne tiens pas à mourir. Je veux vivre, rien de plus, rien de moins. Je me nourris parce que je n'ai pas d'autres choix, mais même lorsque je sortirais d'ici je continuerais de le faire uniquement sur des poches de sang ... juste parce que je n'ai pas le choix de le faire et que le seul autre choix possible me répugne ...

Peu à peu, je reprends des formes, mon corps redevient aussi lisse et sans blessure qu'il ne l'était avant que je ne l'aventure dans ce couloir de la mort. C'est à la fois fascinant et effrayant, mais je tente de ne laisser voir aucune des deux émotions qui me traversent. Je secoue vivement la tête lorsqu'il déforme mes paroles. Quoi que ... les déforme-t-il t'en que ça ?

- Non ! Bien sûr que non ! Il doit bien y avoir des façons de s'en procurer légalement ... par arrangement avec l'hôpital ou bien des fondations ... ça doit bien exister, sinon il y aurait beaucoup plus de mort ou de victime ...

Ça me donne froid dans le dos de m'imaginer me retrouver dehors, complètement laissée à moi-même. Moi qui pensait que je me rapprochais d'une possible sortie définitive dans un futur plus ou moins lointain mais pas trop ... Finalement, je réalise que j'en suis loin. Je ne sais rien de la vie au dehors. Je fronce un peu les sourcils, mais au fond ... Encore une fois je sais qu'il n'a pas complètement tord.

- Je ... C'était pas très bien indiqué, c'était pas très voyant ... J'ai pas vu ...

Je n'avais pas vraiment porté attention aurait peut-être pu être plus juste. Vite,changer de sujet.

- Du coup ... Tu bosses chez les loups maintenant ou tu bouges encore un peu partout ?

Je sentais tout de même gros comme une maison qu'il allait m'envoyer bouler. Mais je voulais tout de même apprendre à le connaître, comme je le lui avais dis ... Peu importe si c'est mission impossible.

Il trouve toujours quoi dire pour tenter de contredire ce que je dis, à croire qu'il prévoit à l'avance ce que je vais bien pouvoir répondre et qu'il s'amuse à toujours avoir des phrases cinglantes. Bon, ça m'étonnerait beaucoup qu'il le fasse réellement, mais quand même, c'est assez impressionnant.

- Non, je n'en sais rien, mais ... Ça ne peut pas tout être des morts causés par des vampires ... On connaîtrait notre existence depuis tout ce temps sinon ...

Je murmure presque, ayant encore une fois, comme chaque fois que je lui ai parlé depuis l'agression, envie de disparaître sous terre. Je me mords la lèvre à son commentaire et je serre un peu un poing en soufflant pour me calmer discrètement. Je mets d'ailleurs cette main dans la poche de ma veste pour qu'il ne voit pas. Je tente de me montrer gentille en m'intéressant sincèrement à lui, mais ça ne semble pas vraiment lui plaire.

- Je ... En rien, mais ça m'intéresse ... J'aimerais apprendre à mieux te connaître ...

Je relève les yeux vers lui, le regard remplie de sincérité, même si je ne pense pas que ça changera quoi que ce soit avec lu.

Aedan semble réellement prendre un malin plaisir à trouver chaque argument pour me contredire, mais moi ça me déstabilise complètement. Je ne sais pas jusqu'où aller, jusqu'où tenter de trouver des arguments pour tenter de le contredire également, mais là ... Je pense que je suis arrivée jusqu'au bout de toute façon. Je ne vois pas ce que je peux dire de plus pour aller dans mon sens du coup ... Je me dis que si je vais dans son sens, peut-être qu'il dira du coup que je suis vraiment prête à faire des efforts ? Je pense que je rêve, mais après tout, je n'ai plus vraiment autre chose à perdre.

- Oui tu n'as pas tord ... Si on parle de nous, c'est que forcément certaines personnes nous on ont déjà vus ...

Après tout, même l'imagination avait ses limites. Et visiblement, ma proximité avec Aedan avait également ses limites et elles étaient encore plus courtes que je le pensais. A sa question, j'ouvre de grands yeux avant de secouer la tête.

- Non, mais pas du tout ! Je comprends que tu aies une mauvaise vision de moi, mais je t'ai dis vouloir changer et je pense te l'avoir monté également que je ne souhaites vraiment plus faire de mal, bien au contraire ... J'ai même droit à des sorties complètes en dehors de l'hôpital au vu de tous mes efforts.

Je souris, très légèrement, parce qu'au fond, je suis très fière de moi et que j'aimerais aussi que lui le soit ... Même si je me doute qu'il ne me le dira pas !

Aedan semble vraiment déterminé soit à me détester pour le restant de ses jours, soit à détester toutes les créatures surnaturelles, bien qu'il en soit une, ou en tout cas les vampires ça c'est sur. Je ne comprends pas pourquoi il bosse dans cet hôpital, encore moins dans l'aile des vampires de temps à autre, si ils nous détestent à ce point. Remarque oui, je peux le comprendre parce que je me détestais et nous détestais tout autant au début, mais ... J'ai appris à comprendre un peu mieux. J'ai bien beau lui expliquer que j'ai changé et que je continue de faire les efforts, ça ne semble pas du tout faire effet pour lui.

- Est-ce que tu as entendu parler une fois de moi depuis ? Pendant mes sorties ou autre ?

Sauf pour des trucs positifs normalement, il ne devrait pas y avoir eu quoi que ce soit à dire ou à entendre à mon sujet. Peut-être que de le réaliser lui fera comprendre que je suis vraiment sur la bonne voie ...

Aedan est réellement blessant et même si je comprends parfaitement ses raisons, je ne vois pas ce que je peux faire de plus pour réussir à lui faire changer d'avis me concernant. J'ai l'impression que peu importe ce que je ferais de bien ... Il restera fixé sur le mal que j'ai pu lui faire. Encore une fois, ça se comprend, mais je ne perds pas espoir.

- Ça prouve quand même que je n'ai rien fais de dramatique, sinon même sans vouloir entendre parler de moi, tu aurais entendu certaines choses ... Je t'ai dis que je ferais en sorte de ne pas gâcher cette nouvelle chance et c'est ce que je fais. Et je compte bien sortir d'ici et continuer à le prouver à chaque jour, de pouvoir recommencer à aider les gens en dehors de ces murs, de garder mon côté humain ...

Peu importe ce que je vais dire, rien ne va le convaincre de mon innocence. Je pensais qu'en aidant à sauver quelqu'un puis en lui sauvant la vie à lui, il se passerait peut-être une sorte de déclic dans sa tête, mais ce n'est visiblement pas le cas ... Je me retrouve en quelque sorte sans moyen. Je n'ai toutefois pas l'intention de baisser les bras. A sa question, je secoue la tête.

- Moi je suis convaincue de ce que je dis et je sais que j'ai raison, qu'en y mettant les efforts, j'y parviendrais.

Même si franchement pour le faire changer d'idée, j'allais devoir y aller. Je le regarde croiser les bras et je me mords la lèvre. Comment peut-on être aussi séduisant et borné à la fois ?

- Non, je vais retourner à a chambre ... La prochaine fois, je ferais plus attention à là où je vais ... Désolée du dérangement ...

Je tourne les talons, n'ayant pas d'autres idées pour le moment que de me montrer coopérative. Peut-être qu'ainsi il verra que je cherche réellement à vouloir faire les choses bien ! Je tourne tout de même la tête avant de quitter le couloir, pour pouvoir le regarder une dernière fois et je lui fais un petit sourire.

- Bonne journée quand même, Aedan.