Une mort créditée sur mon compte client (Ft. Céleste Cursse)

La vie, la mort ... La frontière est parfois bien mince. Une journée on croise quelqu'un qui nous semble être en forme et le lendemain, on apprend qu'il est mort. Dans mon métier, c'est presque une norme. J'en vois tous les jours de ces personnes qui étaient en forme encore la veille. Je ne dirais pas que c'est facile, mais disons que c'est comme tout, on finit par s'habituer. Même à l'odeur et c'est pas peu dire.

Aujourd'hui, on m'a dit qu'il y avait une jeune femme à autopsier. Elle a été retrouvée dans la rue, sa tête ayant tapée au sol. Ils n'avaient rien pu faire pour la sauver. C'est un peu étrange comme situation. Elle avait peut-être une maladie qui lui avait fait perdre l'équilibre ou alors quelqu'un l'avait poussé. Les deux cas étaient possibles, vraisemblables. Je me prépare donc mentalement à voir quelqu'un de jeune, de l'âge de mes enfants approximativement, ça par contre, c'est bien une des rares choses à laquelle j'ai du mal à m'y faire.

Je commence tout de même ma routine habituelle de pré-autopsie. Je mets un fond de musique pour ne pas être dans une ambiance morose. Ce n'est pas très fort, je ne fais pas la fête non plus. J'ouvre des corps pour comprendre leur mort et leur vie, mais pas pour déprimer. J'entreprend de préparer les différents instruments dont je pourrais avoir besoin, les disposant sur le plateau. Je prend le temps de lire le minuscule dossier que mon collègue de la veille à commencer à compléter à propos de ce cas et je soupire. Je travaille réellement avec des incompétents qui n'ont pas envie de travailler. Ça en devient à la fois alarmant, inquiétant, mais surtout désespérant.

Je repose le dossier puis je m'avance vers le frigo. Je fais la mise en place du corps à ma hauteur sur ma table d'autopsie. En effet, elle est bien jeune ... La pauvre. Elle aurait dû avoir bien plus longtemps à vivre. Je me tourne ensuite pour pouvoir aller me laver les mains et les avants-bras, après avoir attaché mes cheveux et mis mes lunettes de protection. Une éclaboussure dans l'oeil ça peut être dangereux. Je fredonne la musique qui passe et je me tourne une fois prête. J'attrape le scalpel, je m'apprête à commencer la "découpe" quand je vois un mouvement du coin de l'oeil vers le visage de la jeune femme. Elle parle et j'ouvre alors de grands yeux en reculant d'un coup, laissant tomber mon scalpel.

- Oh mon dieu !

Je mets quelques secondes à me remettre avant de me rapprocher à nouveau, à la fois choquée et inquiète.

- Bon sang, vous allez bien ?

Elle venait de passer la nuit dans un frigo tout de même ! Je retire mon sarrau avec empressement pour le poser sur elle histoire de la réchauffer un minimum le temps qu'elle me réponde. Mais qui est l'incompétent qui a pu faire une telle connerie ?!

De toute ma vie et de toute ma carrière, je n’aurais jamais cru vivre ce genre de moment. C’est le genre de scène qu’on peut voir dans les films ou les séries, où quand ça passe on se dit : non mais franchement, ils nous ont pris pour des débiles ? Et voilà que la scène se produisait là, sous mes yeux. Je me serais bien passée de ce genre de moment, surtout de si bon matin. Si ça avait été tard le soir, à la rigueur, j’aurais pu croire pendant un instant que j’étais entrain de rêver ou de fatiguer, qu’il serait l’heure d’aller dormir, mais là, aucun moyen de duper mon cerveau bien éveillé. Heureusement au fond, parce que sinon je n’aurais peut-être pas eu le réflexe d’attraper quelque chose pour recouvrir et réchauffer la jeune femme. D’ailleurs, malgré une grimace, celle-ci me répond assez normalement, comme si rien de vraiment surprenant ne s’était produit. Je ne peux retenir un rire, autant nerveuse qu’amusée par la réaction de la femme.

- Ah ça, je pense qu’en effet, c’est le cas de le dire … !

Je frotte doucement le tissu de mon sarrau contre sa peau, histoire de la réchauffer, mais sans lui faire mal parce qu’elle doit avoir de bonnes douleurs dues au froid, en plus de la raison pour laquelle elle est là, que je ne sais pas encore totalement, même si elle me l’explique là du coup. Je fronce légèrement les sourcils.

- Il faut vous trouver un médecin rapidement, pour que vous soyez passé aussi près de la mort c’est que votre état est grave, il ne faut pas perdre une minute.

Je me dépêche à aller fouiller dans mon sac à main pour pouvoir y retrouver mon téléphone portable. Je reviens ensuite très vite près de la jeune femme, ne voulant pas m’éloigner d’elle trop longtemps. Je ne peux empêcher un nouveau rire un peu nerveux et amusé, à sa question.

- Je … Je oui, je peux le faire. Mais j’avoue que ça fait longtemps que je ne l’ai pas fait sur quelqu’un qui bouge encore et je n’ai rien pour servir d’analgésique, vous risqueriez d’avoir plus mal que nécessaire, vous devriez peut-être attendre l’arrivée d’un médecin plus expérimenté que moi … Comment est-ce que vous vous sentez ?

Je pense que je vais lui poser la question aux deux minutes, mais je suis sous le choc et son état peut certainement se dégrader très vite.

Comment pourrais-je expliquer à qui que ce soit ce qu'il venait de se passer ? C'était compliqué. Et même là, le mot compliqué n'était même pas assez fort pour décrire la situation réelle. J'en avais d'ailleurs les mains un peu tremblantes, encore sous le choc de ce qu'il venait de se produire, même si je pense avoir réagit tout de même plus rapidement que ce que la plupart des gens auraient fait. Mieux ? Je ne sais pas. La plupart seraient sans doute parti en courant et en hurlant. Moi j'étais encore là, mais est-ce que ça ne veut pas dire que je ne suis pas saine d'esprit ? C'est une question à se poser, en effet. Je me mords un peu la lèvre à sa question, quant au fait de si je peux lui faire des points de suture ou non.

- On va surveiller l'état de votre blessure, si je vois que ça devient vraiment nécessaire je le ferais, mais sinon, quelqu'un de plus qualifié serait mieux. Je ne dirais pas que je bâcle mon travail en général, mais entre des tissus froids et des tissus chauds, ce n'est pas exactement la même chose ... Et je ne crois pas que vous ayez envie de devoir mettre du maquillage sur la cicatrice à chaque jour.

Je ris légèrement, un peu nerveuse au fond je crois, de toute cette situation. Mon portable à la main, j'allais m'apprêter à composer le numéro de mon patron, lorsqu'elle commence à se redresser. Je tends une main vers elle.

- Doucement, doucement ... Ne faites pas de folies trop rapidement. Votre corps a du subir de sacrés chocs traumatiques dans les dernières heures, il ne faut pas le pousser trop loin.

Elle me demande ensuite si ses vêtements sont accessibles et comme je n'ai jamais vraiment eu à me poser la question, je bug légèrement, regardant autour de nous.

- Euh ...

Je me mords la lèvre, je passe ma main dans mes cheveux ... Elle dit alors une phrase qui me fait un peu sourire, mais aussi me questionner. Est-ce qu'elle s'est pris un coup sur la tête ou est-ce qu'elle tente de m'envoyer un message ? Je lâche alors un petit rire.

- Je suis loin d'être une ange ... Mais sait-on jamais si j'arriverais à vous faire un peu de magie ...

Je lui fais un clin d'oeil, puis j'ai une sorte d'illumination et je vais alors ouvrir une sorte de boite vers l'entrée et je reviens alors avec un sac en plastique, de style policier, avec les vêtements de la jeune femme ainsi que tous ses accessoires qu'elle avait pu avoir.

- Vous avez de la chance, ce n'est jamais moi qui s'occupe de cette partie, mais on me l'a expliqué il y a quelques semaines. Attendez, je me tourne, mais si vous avez besoin d'aide, ne forcez pas trop, je peux vous donner un coup de main.

Je l'avais déjà vu nue il y a quelques minutes, mais je n'allais pas non plus lui imposer de le faire à nouveau. Juste, je ne voulais pas qu'elle se fasse mal à bouger, même si s'habiller peut paraître simple, ça ne l'est pas toujours !

J'ai un peu de mal à savoir comment réagir dans cette situation. Enfin, en réalité, je suis a peu près certaine que personne ne saurait comment réagir, connaisseur ou non du surnaturel. Dos à la jeune femme, je sens mon coeur qui bat plus rapidement que la normale. J'ai les mains qui tremblent un peu, mais je serre finalement mes mains l'une contre l'autre, comme si je cherchais à les réchauffer, ce qui au final n'est pas si faux. C'est le genre d'histoire qui donne un peu froid dans le dos quand on y pense bien.

Je sens finalement une main venir dans la mienne, ce qui me fait sursauter, car je ne l'avais pas entendu approcher à ce point. Je tourne alors la tête vers la jeune femme, ne comprenant pas pourquoi elle est aussi près de moi soudainement. J'écoute ses paroles, intriguée et peut-être un peu inquiète aussi au départ, mais ses paroles et son ton m'apaisent.

- D'accord ... Mais ce n'est tout de même pas commun, ça serait normal que vous mettiez du temps ... N'hésitez pas à aller chercher de l'aide psychologique, ça peut être important.

On n'y pense jamais de soi-même, mais si quelqu'un nous souffle l'idée, c'est déjà un pas de fait. J'ai serré un peu sa main sans m'en rendre compte, écoutant tout de même attentivement la suite de ses paroles.

- Plus à même dans ce genre de situation ... ? Je ne suis pas certaine de comprendre ... Enfin, c'est vrai que si on n'est pas claustrophobe, ce genre d'endroit bien silencieux et obscur, ça doit permettre d'avoir un sacré sommeil profond et réparateur, vous en êtes la preuve bien vivante.

Je ris alors un peu, toujours avec un fond de nervosité dans le rire. Elle se présente alors enfin et au vu de ses origines ...

- Ah, je comprends donc un peu mieux votre fonctionnement ! Enfin, je dis ça, mais je n'y connais pas grand chose à ces deux espèces ... Mais ça explique bel et bien pourquoi votre corps a réagit d'une façon aussi passive face à tout ça. Je suis Céleste Cursse, je suis sorcière.

Je lui adresse un sourire, venant poser ma deuxième main sur la sienne, comme pour conclure cette séance de présentations, mais je viens par la suite frotter un peu sa main.

- Vous êtes toujours aussi froide ? Vous me semblez gelée.

Maintenant que j'avais des informations sur ses origines, je pouvais poser cette question de façon logique. Autrement, c'est sur que ça aurait été la faute de sa nuit dans un frigo, mais là ce n'est pas forcément si évident. Je relâche alors sa main pour pouvoir aller lui chercher une veste que je garde toujours près de mon bureau, puis je la lui tends.

- Vous pouvez la prendre, il faudra juste me la ramener ... Ça me permettra d'avoir de vos nouvelles. Vous n'avez pas de chaussettes ?

Je lui souris avant ma question puis mon regard se perd quelques instants sur ses pieds encore nus.

Heureusement que cette situation était tombée sur moi et pas sur un stagiaire. Là, ça aurait pu être beaucoup plus problématique et perturbant. Moi, de discuter avec elle déjà et de pouvoir expliquer un peu mieux les raisons du pourquoi du comment ça s'était produit, ça rassurait en bonne partie mon esprit parfois trop analytique qui aurait pu se perdre en réflexions pendant un bon moment encore sans ça. D'ailleurs, elle m'explique pourquoi elle n'a pas de chaussettes, ni de chaussures, et je souris alors un peu.

- Faites tout de même attention avec le froid, ça peut jouer de sacrés tours ... Je vais vous prêter des protèges-chaussures au moins, bon ce n'est pas grand chose, mais comme ceux-là sont en plastique, ils conservent bien la chaleur, ça vous permettra au moins de rentrer à votre bateau ... Ça doit vraiment être bien de vivre sur un bateau, non ?

Je repars à la fouille de l'armoire, pour lui sortir une fameuse paire de protège-chaussures, le modèle identique à celui que j'ai aux pieds, stérilité oblige. Je lui ramène également une veste du coup au passage, je pense que dans un sens, je me sens protectrice envers elle, car elle me fait penser à mes enfants et que je voudrais vraiment pas qu'ils vivent ce genre de chose. La dure loi d'avoir des enfants du monde surnaturel, on dira.

- Oui, ça fait plusieurs années que je suis là maintenant. Et je ne sais pas pourquoi, mais je suis presque certaine qu'il doit déjà exister un formulaire pour ce genre d'évènements ... J'avais déjà entendu que c'était arrivé à un collègue bien des années avant mon arrivée, mais je pensais que c'était une mauvaise blague.

Je ris tout de même un peu, devant l'absurdité de la chose au fond.

- Mais ne vous en faites pas, je suis plus heureuse que vous soyez en vie que malheureuse à l'idée de la paperasse que ça peut éventuellement donné. Contrairement à ce qu'on peut penser, les légistes ne sont pas tous des psychopathes qui souhaitent le plus de morts possibles ! En tout cas, pas tous.

Je souris, montrant bien que je blague, préférant garder une atmosphère légère.

- Bon, sinon votre blessure semble aller, mais il faudrait quand même que vous consultiez quelqu'un pour ça, assez rapidement. Je peux vous faire appeler une ambulance si vous voulez, ou même un taxi, si vous préférez que ça soit moins ... poseur de questions.

C'est vrai qu'une ambulance qui repartirait de la morgue avec quelqu'un de vivant, ça susciterait pas mal de questions.

HJ:

Je sens que toute cette situation allait me troubler et tourner dans ma tête pendant de nombreux jours. La jeune femme semblait avoir repris quelques couleurs et elle allait partir. Je ne sais pas trop si je suis confiant de la laisser repartir, mais je ne peux pas la retenir ici indéfiniment. Je lui souris alors doucement lorsqu'elle m'invite à venir la voir à son bateau, j'hoche alors ma tête.

- Je viendrais, j'aimerais beaucoup voir comment on vit sur un bateau, mais aussi je viendrais prendre de vos nouvelles alors je compte bien vous retrouver en forme.

Petite façon de lui dire de prendre soin d'elle. Je ne voudrais pas revenir le début de cette histoire une deuxième fois et qu'au final elle ne se réveille définitivement pas. Je la regarde alors partir avec ma veste sur le dos et je lâche finalement un petit rire. Qui me croirait quand je raconterais cette histoire ?

FIN

PS : Pas de souci, ça me va Et oui, il faudra se refaire un nouveau rp du coup Fais-moi signe dès que tu es dispo !