Les œuvres de Michael-Demono (ft. Lilith N. Syclista)

Pour la première fois depuis son arrivée à Oslo, Eiril avait du travail. N’allez pas croire qu’elle avait passé les deux mois précédents à se tourner les pouces, loin de là. Elle avait travaillé dur sur les réparations de sa maison de location et dans son atelier, écumant tous les galeristes de la ville pour pouvoir se vendre… enfin vendre son art. Cependant elle n’avait pas encore trouvé de source de revenu stable. Elle ne s’en faisait pas, pourtant : ce que ces années de vies supplémentaires lui avaient appris, c’était la débrouillardise. S’il fallait recommencer sa vie cent fois, autant apprendre à retomber sur ses pattes rapidement plutôt qu’essayer de toujours tout préparer.

Non, Eiril n'était pas anxieuse à cause de ses économies qui fondaient à vue d'œil. Ce qui faisait accélerer son cœur, c’était le bâtiment devant lequel elle se trouvait. Elle avait atteint sa destination plus d’une dizaine de minutes plus tôt mais n’arrivait pas à rentrer. Elle était restée là, devant les portes closes, paralysée.

Les néons brillaient malgré le soleil haut, projetant leur lumière rouge sur la façade du bâtiment. Ils clognotaient  faiblement. Leur présence sur la devanture ne laissait que peu place à l’imagination sur ce qui se déroulait de l’autre côté des portes. Les rideaux étaient clos pour garantir au client un semblant d’intimité. C’est cette fermeture qui donnait son nom à la maison.

Mais ce n’était pas non plus de la luxure dont Eiril avait peur. Elle ne craignait pas ces autres commettant des péchés inavoués dans l’ombre des chambres. Ce qui l’effrayait, c’était elle-même. Elle, face à ses travers. Elle, face à elle-même. Elle, avec l’idée que son addiction la définissait.

Depuis l’incident, elle avait arrêté tout ce qui se rapprochait de près ou de loin à ces sortes d’activités. Du moins, elle avait essayé. Elle allait mieux : elle n’avait plus souvent de pulsion, elle savait se concentrer à une tâche. Surtout, elle s’était réapproprié son corps loin de ceux des autres. Elle avait appris à s’armer de sa propre force.
Elle était prête.

Eiril inspira un grand coup. Son coeur battait la chamade à l’idée d'entrer dans un lieu où se jouaient toutes ses démesures passées. Le hall d’entrée était différent de ce que la demie nymphe s’était imaginée. Il était…sobre ? Il y avait une réception comme à l’intérieur des hôtels les plus chastes, des plantes pour égayer l’endroit, rien qui ne fasse penser à la luxure.
Eiril se présenta à l'hôtesse, en indiquant la raison de sa visite :
- Mme Hróaldrsdóttir, salua cette dernière poliment. La directrice vous attend dans ses bureaux. Suivez-moi.

La demie nymphe lui enchaîna le pas en direction d’une petite salle d’attente. L'hôtesse le intima d’attendre par un simple sourire, avant de disparaître aussi vite qu’elle était venue. Eiril s’assit sur l’une des chaises, en essayant de ne pas porter le regard vers la décoration plus suggestive. Elle devrait pourtant un jour porter son regard vers les murs car c’était pour cela qu’on l’avait engagé.
Pour l’instant elle attendait la directrice, en se demandant quelle peinture suggestive lui serait commandée.

Le renouveau, la beauté, l'attrait.. voilà tout autant de sujets qui m'obsédaient en ce moment. J'avais l'impression que le PNC commençait à se fâner, alors qu'au fond, c'était peut-être simplement moi le problème.. à tout vouloir faire moi-même, à vouloir prouver à ma soeur que j'étais plus forte qu'elle, je me faisais prendre à mon propre jeu, à mon propre piège. Ça en devenait une obsession de vouloir redorer l'image d'un club qui n'avait pourtant rien demandé et qui fonctionnait bien. Mais je voulais plus, il méritait plus.

Je ne saurais pas dire où est-ce que j'avais trouvé cette jeune femme au nom de famille imprononçable. J'avais eu envie de peinture, de couleurs et de lumière. De quelque chose qui ferait dire "wow" juste en entrant dans l'établissement. Bien entendu, il faudrait que j'en parle à ma soeur, mais j'avais demandé à l'artiste de venir me voir malgré tout, avant d'avoir un quelconque accord. Je me débrouillerais bien pour l'obtenir d'une façon ou d'une autre de toute façon.

L'heure du rendez-vous approche et dans peu de temps elle sera là. J'attends donc dans mon bureau, épuisée par mes heures incalculables entre l'hôpital et le club. J'avais besoin de vacances, mais ce n'est pas quelque chose que j'assumerais facilement. Je relève les yeux lorsque l'hôtesse de l'acceuil vient me signaler que l'artiste est là et je viens alors la cueillir dans la salle d'attente, m'armant d'un sourire de circonstance.

- Celle que j'attendais. Bienvenue au Paradise Night Club. Vous allez bien ? Suivez-moi, nous allons nous installer dans mon bureau, ça sera plus confortable pour discuter.

Je lui fais signe de passer devant moi pour entrer avant de refermer la porte derrière nous, puis je vais m'installer derrière le bureau. Elle n'avait pas la dégaine de l'artiste bobo que la plupart pouvait avoir. Ça me rassurait déjà, mais à voir pour la suite.

- Est-ce que vous désirez boire quelque chose ?

Il y a certaines personnes qui portent sur leurs visages tous les symbôles de leur métiers. Appelez les clichés, si vous le souhaitez mais ils n'en étaient pas moins présents. Eiril n'avait jamais eu la prétention de ne pas juger les autres sûr leur apparence. Certes, tous le monde n'était pas ce qu'ils semblaient être - rien n'aurait été plus faux dans un monde où les loups garous cotoyaient des vampires - mais parfois un simple regard suffissaient pour que son avis ne l'éloigne pas trop de la réalité.

Lilith Syclista était l'une d'entre eux. Sa haute stature, son regard perçant trahssait à quel point elle devait être une femme d'affaire redoutable. Alors que sa bauté semblait angélique, il y avait tout de même derrière son regard brun, une ombre féroce, jugeante.  
Eiril, qui n'était déjà pas dans à l'aise dans cet établissement, ne pouvait s'empêcher de maintenir sur ses lèvres un sourire faux.

- Un thé, merci, lui répondit-elle la voix tremblotante malgré l'aisance qu'elle avait essayé de se donner.
Ou de l'eau sinon.

Eiril s'installa dans la chaise qui faisait face au bureau sans plus de cérémonie. Elle laintenait sur ses lèvres sont sourire pour tente de dissiper son malaise. Sûrement n'était-ce que ce que ce lieu représentait à ses yeux, mais il semblait s'en dégager en aura malveillante. Comme si l'ombre tapie attendait patiemment de la voir retomber dans ses travers en se frottant les mains.

Certainement parce qu'elle voulait en finir le plus tôt possible, Eiril n'attendit pas que la maquerelle soit leur ait servi les boissons avant de demander :
- Vous souhaitez peindre des fresques dans votres établissement, c'est bien ça ?

Tandis qu'elle se taisait, Eiril se mordillait les lèvres.

Je ne saurais dire si c'est le trouble d'être ici ou la rapidité avec laquelle je viens la chercher dans la petite salle d'attente, mais la jeune femme ne répond pas déjà à ma première question. Est-ce qu'on peut dire que ça met le ton pour le reste de notre rencontre ? Je ne l'espère pas. J'ai beaucoup d'attentes envers son travail, il fallait donc qu'elle soit à la hauteur. Surtout qu'il fallait encore convaincre Eretria derrière et ça serait bien trop compliqué si je n'étais pas moi-même emballée par le travail de l'artiste. Je lui propose à boire puis à sa réponse, j'envoie un message sur mon téléphone à l'une des serveuses. Je ne vais pas faire le service moi-même après tout.

- Bien, je nous fais emmener ça.

Je souris à la jeune femme tout en reposant mon téléphone. Elle lance alors d'elle-même la conversation, de but en blanc. Ça me plaît, elle a de la chance pour le coup. Je hoche alors la tête.

- Oui, c'est bien cela. Vous avez certainement dû remarqué que le hall manquait d'un peu d'éclat, de quelque chose qui attire l'oeil et marque les esprits. J'aurais voulu savoir ce que vous auriez pu me proposer..

Je sais très bien que pour ce genre de commande, c'est normalement la personne à ma position qui dit ce qu'elle veut, mais je voudrais voir sa patte, son raisonnement, sa façon de faire, pour pouvoir la cerner et voir si ça me plaît.

Les yeux d’Eiril se levèrent de son carnet à la réponse de la patronne. La demande qui venait d’être formulée n’était pas vraiment de celle habituelle pour ce type de travail. La plupart des clients couchaient sur des pages et des pages la fresque qu'ils avaient imaginée; de manière parfois très graphique mais souvent plutôt confuse. Certains apportaient des photographies en guise de support pour peindre avec réalisme le visage de mamie ou Fifi le chien familial. Cependant, une petite fraction d’entre eux n’avaient aucune image, aucune attente distincte.

Eiril sourit, de manière sincère cette fois. En regardant un peu plus longtemps la dure patronne qui lui faisait face, il lui semblait apercevoir des fissures sur ses murs blindés. Elle avait cet air désinvolte et pourtant elle tenait certainement beaucoup à son établissement. Peut-être Eiril fabulait-elle, mais elle aimait à penser qu’elle tenait tout autant aux gens qui y vivaient.

Les clients qui n’avaient pas d’idée préconçue, ceux qui lui laissaient le champ des possibles… C’était eux ceux qu’Eiril préférait Bien sûr elle devait toujours leur faire plaisir mais les murs étaient des pages blanches ou elle pouvait s’exprimer.

- Les possibilités sont infinies, commenta Eiril. Tout dépend de ce que vous souhaitez...

La peintre se tut, elle sortit un crayon à papier de son sac à main et commença une exquise sur son carnet. Les minutes qui suivirent furent silencieuses, à peine perturbées par des murmures créatifs. La main d’Eiril s’agitait au-dessus du papier. Ses doigts estompaient les traits, grisaient les ombres pour donner à rapide dessins quelques volumes.

- Voici un exemple de ce qui peut être fait.

Le dessin représentait des corps d'une manière qui laissaient une lègère place à l’imagination. Il s’inspirait des peintures antiques et de celles de la renaissance qui avaient connu une profusion de nus. Si elle avait dessiné cela à l’époque où lui aurait surement reproché son manque de pudeur car elle avait omis volontairement de cacher ce que les yeux innocents se saurait voir.

- C’est très visuel, ça s’accorde bien à des décorations maximalistes ou au contraire très épurés pour faire ressortir la peinture… mais c’est peu discret sur ses intentions.

Eiril arracha la feuille de son carnet pour la tendre à sa cliente, puis reprit aussitôt son dessins. Cette fois ses gestes étaient plus directs moins en rondeur. Elle s'estompa pas mais au contraire coloria de noire toute une partie de sa feuille. Les coups de crayon enfoncèrent légèrement les pages du dessous. Elle l’eut rapidement terminé, arracha la page et la plaça à coté de la première.

- Ce genre de peinture serait plus moderne et évasif aussi. Ca irait bien avec une décoration moderne.

Il fallait avoir un oeil averti pour comprendre ce que représentait le dessin en noir et blanc que proposait Eiril.. mais une fois le premier capte passé il n’y avait plus de doute sur la nature de la forme oblongue qui était représentée. Il s’en dégagait alors un caractère charnel nouveau, et bien plus mystérieux.

- Voilà deux exemples drastiques différents de ce que qui peut-être fait, dit Eiril avec assurance tant elle avait été prise par son art.

Elle garda un œil interrogateur sur le visage impassible de sa cliente.
- Bien sûr, si vous le souhaitez je pourrais mieux vous conseillez en visitant les locaux à peindre.

La patronne de l'établissement avait à peine eu le temps d'apprécier les dessins d'Eiril qu'elle s'était levée. La peintre l'avait suivi d'un pas rapide versle hall d'entrée du club. La cliente était avare en mot, et si s'était une chose de laisser à un artiste le champs des possibles s'en était une autre de ne formuler aucun avis. Eiril avait déjà eu des clients qui, soit par manque de confiance en eux soit par défi, n'exprimaient pas leur besoin : ils étaient souvent les plus terribles, ceux qui n'étaient jamais satisfait qu'elle ne puisse pas lire dans leurs esprits.

La pièce que l'oeuvre d'Eiril devait égayée était le hall d'entrée. Il était vraie que la peintre avait été surprise par la sobreté du lieu qu'un touriste mal renseigné aurait pu prendre pour un hôtel. La plupart des murs étaient sobres, certains avait un aspect profond qui laissant entrevoir la réelle scène qui se jouait; et la décoration était n'ateignait pas ce pan de murs qui était portant celui qui faisait face à la porte d'entrée.

- Oui oui je vois, commença Eiril dont les idées fusaient déjà. Peut être du bleu pour trancher avec le reste...

Elle laissait des geste et marmonnait pour aider son precessus créatif. Elle n'avait jamais pu travailler dans le silence complet.

- Ou une association de rouges pour un message plus direct...

Eiril griffonna encore quelques instants sur son carnet en reprenant la deuxième design qu'elle avait proposé. Dans le hall d'entrée, elle pensait qu'il se fallait pas annoncer la couleur trop vite et trop bruyamment. Les clients chérissaient certainement la discretion quant-à leur fréquentation du lieu; il ne fallait pas les effrayer avec des murs trop subjectifs.

Eiril dessina plusieurs positions qu'un oeil distrait pouvait prendre pour des lignes sans motif particulier. Un seul trait au courbes agucheuse formait tout le dessin, laissant les corps humains à la sugestion.
Une fois  terminé, la peindre tendit à sa cliente le dessin qu'elle avait réalisé sur le pouce :

- Voilà ce que je vois, qu'en pensez vous ?

Sa main ne tremblait pas, il lui semblait que la peinture l'avait fait oublier toutes ses appréhensions du début.

HRP:

Je regardais la jeune femme évoluer dans le hall d'entrée, observant son regard parcourir les lieux. Elle semblait déjà totalement maitresse de la situation. Ça me plaisait. Elle avait des idées et n'hésitait pas à me les référer, tout en gribouillant sur son carnet. Elle avait une certaine confiance, une audace même, qui me plaisait bien. Je croise les bras, m'approchant d'elle pour pouvoir observer en quelque sorte par-dessus son carnet pour voir ce qu'elle était entrain de faire.

- Attention avec le rouge, je ne veux pas d'une ambiance feux de forêts..

Je parle un peu à voix basse, comme pour faire la voix de sa conscience, pour ne pas la sortir trop soudainement de sa concentration. Je me recule ensuite un peu pour faire quelques pas dans le hall. Oui, cet endroit mérite une bonne remise en valeur. Je me tourne finalement à nouveau vers l'artiste lorsqu'elle me demande mon avis sur sa création. Je me rapproche puis je saisis son carnet de croquis pour pouvoir observer de plus près. Je souris alors légèrement.

- L'idée me plait. Mais je ne suis malheureusement pas seule décisionnaire. Je vous reviens d'ici quelques jours avec l'accord de l'autre patronne des lieux.

Avec Eretria, il valait mieux se la jouer franc jeu, si je ne voulais pas subir ses foudres qui pouvaient être pires que les miennes quand elle s'y mettait.

- Quoi qu'il en soit, je voudrais que tout soit fait rapidement. L'été arrive et s'il y a bien une chose que je déteste de l'été, c'est la chaleur. Et comme il faudrait certainement aéré pour que tout puisse sécher comme il faut, ça signifie d'ouvrir les portes et donc adieu l'air frais. Ce qui est bien quand même avec l'été, c'est la musique.. Je suis à l'origine du grand tube de l'année dernière d'ailleurs, un truc tout bête où je fredonnais quelque chose d'inventé à la fin du travail et j'ai croisé l'artiste qui s'est mis à faire une sorte de beat-box derrière et bref, voilà comment tout s'est enchainé. Enfin bon, je ne vous dérange pas plus longtemps du coup, je vous prend vos croquis pour les montrer et je vous rappelle d'ici 2 ou 3 jours.

Je lui souris puis je pars donc avec les feuilles de son carnet, sans lui donner le temps vraiment le temps d'ajouter quoi que ce soit. De toute façon, c'est moi la cliente pour le coup et les clients ont toujours raison.

THE END