Sea of Thieves (ft Oskar oo.com)

Sea of Thieves

Faire des vrais faux papiers n'est pas une mince affaire, mais avec toutes les créatures vieilles comme les dinosaures qui vivent à Oslo et autres immortels, un filon a fini par se créer presque naturellement, et on s'y est rattaché tel un greffon à une branche. C'est un business qui rapporte assez, du moins quand on n'est pas très regardant. Et ça tombe bien, parce que regardant, on l'est pas vraiment. Enfin... oui et non. Disons que je trie les clients sur le volet. Si Nils a tendance à magouiller dans ses affaires qui datent de la création du monde ou presque et qu'en ce sens je lui fais confiance, pour le reste, c'est moi qui gère. Je fais toujours toutes les recherches possibles et imaginables avant de traiter quoi que ce soit avec qui que ce soit. Et le petit Oskar, bien qu'il ait vécu le passage à l'ère Mésozoïque, je l'accèpte comme client. Avec un profil comme ça, y'a moyen de pouvoir se rendre des services réciproques de temps à autres. Je file pas des vrais papiers à n'importe qui ! Ceux que je veux pas revoir, je les fais payer encore plus cher des machins que j'arrive à faire moi-même, qui, bien que fort bien imités, restent des faux. Là, je me fous pas de sa gueule, au mioche. Il faudra probablement remagouiller de temps en temps vu qu'il risque pas de prendre une ride avant l'extinction du soleil, mais en attendant, ses papiers sont prêts, et c'est pas avec ceux-là qu'il aura des problèmes à la frontière. Du moins, les frontières terrestres, parce que pour ce qu'il se passera avec le reste de l'univers dans quelques milliards d'années, je serais pas là pour le savoir hein.

Voilà, j'ai son enveloppe de prête, on a rendez vous dans une demi-heure, j'ai rien de spécial sur le feu alors... un café, un chat sur les genoux, le casque bien vissé sur le crâne, et c'est partie pour une petite session de Sea of Thieves en attendant que le moussaillon daigne pointer le bout de son museau.

Alors que la partie se déroulait tranquillement, j'ai voulu me refaire couler un café sans bouger de mon siège, ce qui est facile avec mes prédispositions génétiques. Sauf que... après les quelques bruits de bubulles qui sonnent comme un doux ronronnement à mes oreilles, la vieille cafetière termina dans un crachin digne des plus belles averses bretonnes. Sauf que... premièrement, on est pas en Bretagne, et deuxièmement, il ne me semble pas qu'il pleut du café là bas. Qu'il pleuve que sur les cons, ma foi pourquoi pas, mais du café, certainement pas. J'aurais déménagé depuis longtemps, si ça avait été le cas. Je préviens mes coéquipiers que je quitte la partie (après tout mon rendez-vous arrive bientôt) et daigne me lever pour aller voir ce qu'il se passe. Y'a tout bien ce qu'il faut là où il faut, elle est propre (c'est que j'en prends soin!), tout va bien... alors qu'est-ce que tu as ma belle ? Bon, si je demandais à l'ancêtre Gurdil, sa réponse serait sans doute liée à quelque chose comme "c'est à cause de l'eau". Ouais, je fais pas mon café à la bière, mais quelque chose me dit que ça lui déplaît pas, au vieux bougon. En tout cas, je finis par perdre mon sang froid, à jurer dans toutes les langues. Comment ça, je suis en manque ? Darky quitte alors la pièce d'un bond alors que je commence à tout démonter. Je sais bidouiller le moindre petit appareil pour les clients ou les missions, je devrais bien pouvoir me débrouiller avec une cafetière, non ?

En retournant à mon bureau, j'aperçois sur le troisième écran un truc qui me fait sursauter en premier lieu. Un truc, oui. Un mioche ! Qu'est-ce qu'il fout là haut, ce con ?! Je repasse vite fait en arrière, pour voir qu'après avoir tambouriné à ma porte, côté logement personnel (il pouvait pas sonner comme tout être civilisé normalement constitué ? Ah, ces vieux et la technologie...), il est entré par... Oh, putain, Pappa, combien de fois il faudra que je te dise encore de FERMER TES PUTAINS DE FENÊTRES QUAND TU T'ABSENTES. Je soupire, grogne encore un peu, et ouvre la porte du bureau au moment où Darky et le petit acrobate se pointaient. Pas besoin de frapper comme un bourrin cette fois-ci. C'est que c'est insonorisé, ici, faudrait quand-même pas que les voisins entendent l'autre lunatique et le roi des explosifs s'entraîner au tir.

- Pour la prochaine fois... là haut c'est les habitations, pour le reste c'est en bas. Y'avait un escalier qui descendait... en général, les gens vont par là avant de grimper aux fenêtres.

C'est pas comme si c'était pas indiqué. Mais bon, je suis énervé, j'ai pas eu mon café. Et du coup, la table à laquelle on accueille généralement les clients sert d'atelier pièces détachées de cafetière en attendant. L'autopsie de Daisy est en cours, faut pas me chercher les poux.

- Bon, assieds-toi... Je lui présentais le canapé. On se tutoie, hein ?

Je sais qu'il est plus vieux que toute mon ascendance naine réunie, mais tout de même... j'peux pas le vouvoyer, c'est physique. Mon chat s'installe à côté de lui, et avec Daisy qui vient de me lâcher, j'en ressens presque une pointe de jalousie. Je tends la main vers l'enveloppe destinée à Gavroche (d'ailleurs je me suis pas gêné pour écrire ce nom dessus), et, sans m'approcher d'un millimètre, cette dernière vient à moi, tel un sabre laser à son Jedi. Devant les humains, je me permettrais pas, mais là, je suppose qu'il en a vu d'autres, le gosse. Je la lui tends sans plus de cérémonie.

- Vérifie si y'a pas d'erreur. Enfin... pas d'erreurs volontaires, du moins.

Ouais, on fait ce qu'on peut, mais à un moment, quand on a l'air d'avoir douze ans, on peut pas non plus demander d'avoir l'âge de boire de l'aquavit sur ses papiers.

- Je t'aurais bien proposé un café, mais va falloir attendre que j'en finisse avec la dissection de la demoiselle. Une bière, peut-être ?

Parce que c'est pas le tout, mais moi je le sais, qu'il a un petit peu plus que douze ans et demi.

Un sacré mioche, oui. Finalement il avait la voix et l'attitude qui collait à son visage, si on lui enlève la bière que je venais de lui servir. Avec un nain, et à présent que je le sais, un quart nain en prime dans ce sous-sol, on ne manque pas de ce genre de boisson. Pour le café en revanche... Je m'atèle à nouveau à la tâche.

- T'as besoin d'autre chose ? Logement, compte en banque, vrai boulot, papiers de scolarité ? Enfin, par vrai boulot, j'entends avoir un job qui correspond plus à ton âge ou à tes capacités qu'à ton apparence.. on va éviter de faire signer des contrats à un môme de huit ans, hein.

Dit le gars qui va crever aussi rapidement qu'un moustique comparé à l'échelle de vie de son interlocuteur. Anyway... Je m'énervais sur le squelette de Daisy, dépité de pas avoir de café à siroter pour me calmer pendant cette lourde tâche.

- Disons que si ça te tente de bosser de temps en temps pour Grincheux et Bordel-Je-Veux-Mon-Café-Putain! tu peux toujours entrer. Par la porte, je veux dire.

Présenté comme ça, je doute que ça vende du rêve, mais il pourrait être pratique, le petit gars.