Quand le monstre surgit (Aedan Cursse)

Je tourne en rond dans ma chambre comme un lion en cage. Je veux sortir, je dois sortir. Mais j'ai faim, si faim ... Je leur fais croire que je bois ce qu'ils me donnent, mais je ne le fais pas toujours. Je ne le fais pas souvent en fait. J'ai réussi à acquérir un peu plus leur confiance alors ils ne m'envoient plus aussi souvent ce sorcier de malheur. Celui qui m'a fait détester encore plus cette horrible vie, cet horrible monstre qui rugit au fond de moi désormais. La faim est vraiment la pire chose que l'on peut ressentir. J'ai mal partout, je n'arrive pas à fonctionner correctement. J'ai l'impression de ne plus avoir de force et pourtant, je marche de long en large dans ma chambre. Je gratte mes bras pour pouvoir penser à autre chose, pour pouvoir avoir mal ailleurs qu'à l'estomac. Mes bras sont à vif, ils saignent et je ne m'en rend même pas compte jusqu'à ce que l'odeur devienne si forte que je ne puisse plus la supporter. Je ne contrôle plus mon esprit, il n'y a plus que la faim qui le contrôle. Je sors alors rapidement de ma chambre et je m'avance dans les couloirs, cherchant quelque chose sans savoir consciemment ce que je recherche. Personne, il n'y a personne dans les couloirs. Quelle heure est-il ? Je ne sais pas. Je marche rapidement, j'ai faim, trop faim. Et soudainement, il est là devant moi. Qui ? Je n'en ai aucune idée, j'ai du mal à voir, mais il fera l'affaire. Il me tourne le dos alors je me dépêche d'arriver à sa hauteur. Je grimpe sur son dos et j'enfonce ma tête dans son cou, mes crocs s'enfonçant alors dans sa chair pour venir boire ce nectar si divin que je rejettes depuis trop longtemps. C'est ce que je suis à présent. Je suis assoiffée.

La faim a pris le contrôle de mon esprit et je ne peux plus rien faire pour la retenir. Depuis de trop nombreux jours je tente de l'enfermer, mais cette fois, c'Est impossible. Je ne peux plus la maintenir en cage, la maintenir au fond de mon esprit. Mes bras couverts de sang prouvent malgré tout mes efforts pour le faire. La douleur est le seul moyen que j'ai trouvé pour me contrôler, mais ça ne fonctionne plus. Mon propre sang me donne soif.

Les couloirs me semblent être un labyrinthe du quel je ne peux pas m'extirper jusqu'à ce que j'étanche ma soif. Le sang est ma sortie et j'en trouve rapidement une source. Mes crocs s'enfoncent dans cette chair tendre qui se crispent rapidement. J'ai le temps de boire un peu, mais ce n'est pas suffisant pour étancher ma soif. Mon dos heurte le mur sans que je n'arrive réellement à comprendre ce qui est en train de se passer. Je lâche ma victime un court instant en lâchant un grognement de douleur, mais je reviens rapidement le mordre, resserrant même mon emprise sur lui de mes forces assez faibles encore, passant mes jambes autour de sa taille. J'ai l'impression que ma vie dépend de ce précieux nectar.
Je ne dois pas lâcher..

M'accrocher. Oui, m'accrochez, voilà tout ce à quoi je pense. Je dois m'accrocher si je veux boire et enfin faire taire le monstre. Le faire taire ? Non, je voudrais le tuer, le noyer sous ce liquide vermeille en bien trop grande quantité pour faire suite à mon jeune des derniers jours. Alors je m'accroche. Un peu de sang coule dans ma gorge, mais pas assez pour pouvoir m'abreuver autant que je le voudrais. Pas assez, jamais assez !! Une douleur sourde vient irradier dans mon dos et je relâche ma prise un instant avant de la resserrer encore plus fort. Non, ne m'échappe pas ! Reste là ! Je passe mes jambes autour des hanches de ma victime. Je la tiens, cette fois elle est à moi.. Et là .. Crac. Non, deux cracs. Un hurlement franchi mes lèvres alors que je me redresse d'un coup pour pouvoir le lâcher, m'éloigner au plus vite de cette source de douleur ! Je m'effondre alors au sol, des larmes de sang ruisselant sur mes joues et le sang de ma victime encore sur les lèvres. Je ne vois plus rien, la douleur m'aveugle et me fait hurler de douleur encore et encore .. J'ai l'impression que la douleur ne partira jamais ...

La douleur est fulgurante, atroce, difficilement supportable. Je me roule presque en boule sur le sol en tenant mes bras près de mon corps, mes poignets n'étaient plus que des bouts pendant à l'extrémité de mes bras. Mais heureusement, du sang frais circule dans mon organisme et la douleur commence déjà à se faire un peu moins grande. Si je n'avais pas eu le temps de boire réellement, je pense que je serais encore en état de souffrance incroyable. J'arrive à entendre ce que dis celui que je reconnais comme étant Aedan, mon infirmier de malheur, mais mon côté humaine remonte comme rapidement à la surface en le voyant la main couverte de sang, s'appuyé contre le mur comme s'il était en train de perdre l'équilibre. Je me relève, mais je chute rapidement parce que ma tête tourne encore sous l'euphorie du sang et l'élancement de mes poignets.

- Je .. je suis désolée.. Je .. je voulais pas ..

La douleur lancinante diminue, mais pas aussi rapidement que je l'espérais. Du moins espérer est un grand mot puisque je ne me souvenais même pas que mes blessures pouvaient guérir rapidement ! Ce doit être le sang que je viens d'ingurgiter ... Parlant de ce sang, le propriétaire originel de ce sang ne semble pas aussi en "forme" que moi et même si je le déteste en temps normal, lorsque je le vois s"appuyer contre le mur pour garder un semblant d'équilibre, je me redresse un peu, m'excusant, mais le pire c'est surtout lorsque je le vois tomber complètement au sol après avoir fait une jolie glissade contre le mur, inconscient ou presque ! J'oublie alors les derniers élans de douleur et je me force à me relever pour venir rapidement vers lui.

- Merde, merde, merde ... meurs pas !

Je profite du fait qu'il n'est plus beaucoup d'énergie et moi encore un peu pour poser mes mains contre sa nuque comme pour essayer d'arrêter le sang de couler. Oui, mes cours de secouristes sont très très loin et en plus avec la panique et l'odeur de son sang qui m'enfument encore les narines ... Mon niveau de concentration est assez bas.

Mes mains sont couvertes de sang. De son sang. Du sang que je voulais boire avec une avidité déconcertante et que j'ai encore envie de boire. Pourtant, je fais de mon mieux pour faire une pression pour arrêter le saignement, malgré que j'ai juste envie de boire, boire pour étancher ma soif ! Je sens mes mains qui tremblent alors que mon regard croise le sien qui devient presque vitreux comme si .. Non, non !!

- Aidez moi !!! Vite !!

Je hurle, je veux qu'on m'entende, je veux qu'on vienne m'aider au plus vite ! Je ne veux pas qu'il meure, même si le monstre à l'intérieur de moi s'amuse complètement. Rapidement, d'autres infirmiers commencent à arriver et on m'éloigne de lui..