Une sortie trop ambitieuse... [Newton]

Mon séjour à l’hôpital avait recommencé de nouveau. J’avais pu sortir il y a quelques mois de cela, suite à la réussite époustouflante de l’un des traitements expérimentaux qui m’avait été administré. Malheureusement, les effets secondaires avaient rapidement pris le dessus. Des nausées, des pertes de connaissance. Je les avais ignoré, pendant un moment beaucoup trop long. Mon corps avait encaissé les doses de médicament, tenant un équilibre précaire pendant ces quelques mois de sorties. Intérieurement, je devais savoir que cela ne durerait pas. J’en avais profité pour partir, prendre l’avion et ne plus revenir, sauf en cas d’urgence. C’était une grande première pour moi. Les voyages, aussi loin. J’avais pu faire plusieurs pays, jusqu’à ce que ma santé ne se dégrade. Je m’étais alors progressivement rapprochée de chez moi, jusqu’à finir par retourner dans mon ancien appartement. Quelques jours après, je prenais place dans l’un des lits des urgences, à bout de force.

Cela faisait maintenant une semaine que mon hospitalisation avait été commencée. Les premiers jours s’étaient résumés à un état de semi conscience, avec quelques moments d’éveil, bien trop rare à mon goût. Heureusement, l’arrêt du traitement expérimental avait permis à mon corps de se remettre de cette épreuve. Aujourd’hui, j’étais toujours faible, mais presque remise sur pied. Loin de sortir de l’hôpital, également. J’étais repartie pour quelques doses de traitements expérimentaux, une nouvelle fois. Qui sait combien de temps allait s’écouler avant que je ne puisse mettre de nouveau un pied dehors.

De ma fenêtre, je voyais le soleil briller haut dans le ciel. Il faisait toujours froid, mais le printemps pointait le bout de son nez. Sortir me fatiguerait, certes, les médecins me l’avaient bien répétés mais... Après une semaine cloitrée à l’intérieur, je ne pouvais pas me priver d’une petite sortie. Elle serait courte, et me ferait certainement un bien fou. J’avais donc enfilé un legging noir, ainsi qu’un pull, pour prévenir la fraicheur de l’extérieur, malgré le soleil. A l’aise, j’avais gardé ma perche avec moi, profitant d’un temps dans le début d’après midi pour m’éclipser. Je n’avais qu’une poche qui s’égouttait lentement. L’heure prochaine, une nouvelle arriverait, et j’avais déjà prévu d’être au rendez vous.

Une fois descendue dans le jardin de l’hôpital, je m’étais éloigné de ce dernier, m’enfonçant dans une nature réconfortante. Des couleurs, des sensations, de la vie. Voilà certainement ce qui m’avait remonté le moral et réchauffer le cœur. Les murs blancs, le passage rapide des infirmiers, la solitude, tout cela me pesait bien trop après une grande expédition dans divers pays. Sans m’en rendre compte, le temps avait filé à une allure ahurissante. Lorsque j’avais entrepris le chemin du retour, mes forces étaient déjà presque totalement épuisées.

Mes jambes étaient lourdes, de plus en plus lourdes. Avec un peu de détermination, je me persuadais que je pourrais aisément arriver à destination. Du moins, je l’espérais jusqu’à ce que ma tête ne commence à tourner. Le banc devant moi était bien trop loin pour que je ne l’atteigne. Profitant d’un tronc assez large, je m’adossais à ce dernier en sentant ma vision se brouiller. Lentement, mes jambes commencèrent à trembler. Le simple fait de me maintenir debout était pesant. Puisant dans mes dernières forces, je pris une inspiration profonde en me laissant glisser contre le tronc derrière moi. J’allais simplement m’assoit pour tenter de retrouver mes forces. Si je ne perdais pas conscience en chemin...

Alors que ma vision avait commencé à se brouiller et que mon rythme cardiaque s’était emballé, j’avais rapidement pu jeter un coup d’œil autour de moi. Je n’avais pas cru voir de médecin, à qui demander de l’aide. Et le faire à d’autres patients n’était pas forcément une très bonne idée. Ils devaient déjà assez souffrir pour devoir supporter le poids d’une autre personne. A la fois inquiète pour mon état, mais également pour les futurs sorties qui risquaient de ne plus être permise pendant un moment, je m’étais laissé glisser contre un arbre en tentant de reprendre une respiration calme, ce qui n’était pas le plus simple.

Posant une main sur ma poitrine, je fermais les yeux en me concentrant. La perche me gênait, et tirait sur bras, sans que je ne puisse y faire grand chose. J’espérais juste pouvoir récupérer un peu avant de retourner à l’intérieur de l’hôpital. Si je croisais l’un des infirmiers ou médecin de mon service, j’étais certainement bonne pour une nouvelle semaine alitée, et je préférais rester là plusieurs heures dans cet état que de revivre ça.

Une voix masculine perturba ma semi conscience. Je rouvris les yeux, dans un premier temps éblouie par le soleil. Papillonnant légèrement à cause des flashs blanc, je mis ma main au dessus de mes yeux pour poser mon regard sur le garçon blond qui me regardait, avec un petit air inquiet.

- Oui.. Enfin je crois.. J’ai juste.. Une baisse de tension ou quelque chose comme ça..

Ma voix résonna aussi fort dans ma tête, qu’à l’extérieur, dans une sorte d’échos déconcertant. Je repris une longue inspiration, pour essayer de ne pas paraître trop pitoyable. Je relevais alors les yeux vers le jeune homme.

- Vous n’êtes pas médecin ?

Il fallait que je m’en assure. Si jamais il ne l’était pas, je pouvais possiblement demander son aide. S’il l’était, je tenterais juste de... Paraître naturelle pour qu’il pense que je fais simplement une pause ? Oui, dans les situations quasi impossible, je garde espoir.

Mon inquiétude principale se tassa légèrement. Il n’était pas médecin, ce qui me rassurait énormément. Je ne voulais pas que l’un d’eux me croise dans cet état, sinon, l’interdiction de sortir tomberait de nouveau et... Je ne supporterais plus de rester enfermé. Mais mon soulagement fut de courte durée, puisque, s’il ne l’était pas lui même, l’un d’eux finirait par passé dans le parc. Il fallait que je me reprenne au plus vite. Pourtant, ma respiration était courte, je n’arrivais pas à la canaliser. La chaleur se montrait étouffante, et j’avais encore cette désagréable impression d’être dans du coton. Celle que j’ai quand les doses de médicaments sont trop fortes, ou que je n’ai pas dormi depuis longtemps.

- Si ça ne vous dérange pas, je veux bien...

Son aide tombait à pic. Je tendis la main vers lui, pour qu’il m’aide à me relever. Ce qui n’était pas gagner, vu à quel point l’environnement semblait instable autour de moi. Je pris une bonne inspiration avant de pousser sur mes jambes pour me redresser. L’instant d’après, des petits points noirs tournèrent autour de moi, me faisant fermer les yeux un instant. Je vacillais, perdant l’équilibre. Heureusement, je me rattrapais à l’arbre derrière moi en soufflant.

- C’est juste.. Le temps que je m’habitue. Je me suis relevée trop vite..

Une fois légèrement plus stable sur mes appuis, je m’avançais vers l’homme, en tentant un petit sourire. Malgré tout, mon regard resta planté sur le chemin à prendre, afin de l’appréhender et de rester concentré dessus.

- Oui, je n’étais pas sortie depuis mon entrée à l’hôpital.. Mais j’aimerais éviter de croiser un médecin comme ça. Je n’aimerais pas me retrouver de nouveau enfermé dans une chambre.

J’étais certainement trop bavarde. S’il avait un ami ou une connaissance médecin, j’espérais simplement qu’il ne s’empresse pas de lui dire. Mais après tout, il n’était peut être qu’un ami d’un patient, venu pour prendre de ses nouvelles. Je préférais juste qu’il reste discret sur ce qu’il venait de ce passer.

- Mais ça va... J’ai juste peut être un peu trop marché.

Ce n’était absolument pas le moment de flancher. Je m’en voulais presque à mort de toujours tuer toutes mes chances d’aller mieux, de sortir de cette chambre d’hôpital beaucoup trop blanche. Maintenant que j’avais la chance de pouvoir sortir, mes jambes me lâchaient. Je détestais cette foutue maladie. Cette foutue maladie qui m’empêchait d’avoir une vie stable, normale. De pouvoir vivre ma vie comme je l’entendais. A la place, j’étais bloquée, sans boulot, sans réels amis, sans profiter de toutes les joies dont profite les filles de mon âge. Soupirant intérieurement, je ne pouvais que remercier le ciel de m’apporter un peu de chance dans mon malheur grâce à ce jeune homme. Tentant de garder le minimum de dignité et de face qu’il me restait, je prend sur moi pour paraître le plus stable possible.

Je comprend bien vite que ma tentative est veine, puisque je vacille au premier pas. Sa main dans mon dos se stabilise et je pose ma main sur son épaule pour y prendre légèrement appui. L’instant d’après, je réussis à me concentrer pour commencer une marche lente.

- Je suis désolée pour tout ça, j’aurais aimé pouvoir m’en sortir seule mais.. Autant se rendre à l’évidence.

Lâchais-je avec une pointe de déception dans ma voix. Heureusement pour moi, quelques pas plus tard, je n’ai besoin que de son bras pour avancer à une allure plus.. Raisonnable disons. Celle d’une grand-mère sans déambulateur, à comparaison. Je mordille ma lèvre inférieure, en continuant de puiser dans mes forces en me concentrant. J’ai l’impression d’avoir les jambes de plus en plus flageolantes, à mon grand désespoir.

- Parce qu’ils pensaient que je ne pourrais pas affronter l’extérieur et une trop longue marche... Et ils avaient peut être raison. Ma masse osseuse semblait s’être légèrement renforcé, mais les traitements m’épuisent encore trop pour que je puisse me balader sur mes deux jambes.

Je ne sais pas pourquoi je lui confie tout ça. Ca ne l’intéresse peut être pas. Certainement pas même. Mais disons que ça me change les idées, et que ça m’évite de penser que la situation est assez... Pathétique. J’oriente alors notre marche vers l’ascenseur en le désignant d’un coup de tête léger.

- Merci pour votre aide.. Je suis au deuxième étage. Heureusement que les ascenseurs sont là.

Le karma n’était pas de mon côté ces derniers jours. L’interdiction de sortir, ma faiblesse une fois avoir mis les pieds dehors... Les effets secondaires des traitements, bref, tout était réunis pour que je passe des heures toutes plus désagréables et ennuyeuses que les autres. Mais, heureusement, dans ce karma bien négatif, certaines lueurs venaient rattraper tout cela. Comme l’arrivée de cet homme, lorsque je n’étais plus capable de marcher. Mon père aurait certainement positivé en me disant que j’avais de la chance dans mon malheur. C’était le cas. Si le karma avait réellement été contre moi, j’aurais croisé un médecin qui m’aurait enfermé dans ma chambre, une bonne semaine de plus au minimum.

- J’aimerais pensé qu’il s’agit de courage, mais là, je pense que c’est surement plus une évidence...

Même si ses propos étaient étonnement bienveillant pour ceux d’un inconnu, je ne pouvais m’empêcher de me sentir ridicule. Voir pathétique. Mais je ne le reverrais peut être jamais, alors j’essayais de me cacher derrière cette excuse pour ne pas perdre tous mes moyens.

Sans pouvoir l’expliquer, je le sens se tendre lorsque mes mains s’accrochent à son bras. Durant tout le trajet jusqu’à l’ascenseur, je sens une certaine tension émanant de lui. Comme si je le dérangeais, ce qui ne serait pas très étonnant, je devais l’avouer. Une fois arrivé dans ce dernier, je m’appuie donc sur ma perche et sur le mur pour me décoller un peu de lui et observer soigneusement sa réaction.

- J’avais surtout besoin de sortir de cette chambre d’hôpital et de ce lit. Je ne sais pas si vous en avez déjà fait l’expérience, mais elle alité pendant plusieurs semaines, sans grande distraction hormis le passage des infirmières et les examens, c’est très long. Surtout quand vous ne savez pas quand vous pourrez vous remettre sur vos pieds.

Avouais-je en secouant la tête. Je n’avais jamais été rebelle. J’avais toujours sagement écouté ce que l’on me disait, mais certaines choses restaient trop dure à accepter. Je ne regrettais pas mon choix d’être sorti, au fond. Je regrettais de n’avoir pas pu supporter plus de marche. Mais je savais que cette journée me permettrait de prendre un bol d’air. D’être sortie, d’avoir vu de nouvelles choses, parler à des personnes différentes... Ce simple fait me donnait déjà plus de courage pour amorcer la longueur de l’attente de la prochaine sortie qui allait suivre.

Avant de sortir de l’ascenseur, je relève les yeux vers lui en souriant légèrement. Je ne suis, certes, pas au mieux de ma forme, mais je pense pouvoir marcher. Finir la balade dans un fauteuil, très peu pour moi.

- Je vais bien, le fauteuil ne serait pas utile.

Est-ce que je disais la vérité, ou est-ce que je tentais simplement de me persuader de cela ? A peine sortie de l’ascenseur, je tente de marcher seul, en longeant le mur blanc du couloir. Je m’appuie sur ce dernier, ce qui me permet de ne pas encombré l’homme à mes côtés. Les choses se corsent quand un chariot, laissé contre le mur, me barre la route.

Je tente de le contourner lâchant le mur. Après deux pas, je vacille et rentre dans le coin de ce dernier, m’arrachant un soupir de surprise. Pour ne pas tomber plus bas, je me rattrape au bras de l’homme, en grimaçant.

- Ca va.. J’ai juste.. Perdu l’équilibre.

Je pose ma main contre ma côte touchée en soufflant légèrement. Je vais avoir une belle contusion, voir pire. Normalement, aucun craquement ne s’était fait entendre, donc aucune côte cassée ? Je l’espérais réellement.

- J’ai un tube de Diclofénac dans ma chambre, ça suffira... C’est la numéro 12.

Précisais-je en me remettant sur pied, gardant tout de même appuie, malgré moi, sur l’homme à mes côtés.