Le temps passe, mais les souvenirs restent... - Aedan

Depuis mon retour à l’hôpital, les nuits s’étaient montrées plutôt courte et mouvementé. Compensé par un état physique assez peu glorieux, j’avais passé mes premières journées à dormir ou à attendre dans un état de semi conscience. La tête encore remplie de souvenirs des derniers voyages effectués, j’avais passé le temps avec ces bons moments, tout en tentant de rester positive face à l’évidence de la longueur de mon retour à l’hôpital. Heureusement, depuis la veille, mon état s’était amélioré. Je parvenais à passer des journées entières conscientes, tout en bénéficiant de nuits de plus en plus longues. La veille, je m’étais même risquée à entamer une balade à l’extérieur. Cette dernière s’était soldée par un résultat peu encourageant, malheureusement. Néanmoins, je ne perdais pas mon courage de passer mes journées autre part que dans mon lit d’hôpital. Si je n’étais pas assez téméraire.. Ou plutôt tête brûlée pour braver l’interdiction du médecin à sortir, je m’étais mise en tête de sortir me balader dans l’hôpital.

Après avoir attendue que l’infirmière vienne m’ôté la perfusion, je savais que j’avais quelques heures devant moi dans l’après midi avant de devoir retourner dans ma chambre. C’était donc ma première sortie sans perche, et je devais avouer que ne pas avoir ce boulet à traîner derrière moi me soulageait énormément. Cela me permettait d’être plus libre dans mes déplacements, dans mes gestes, et de ne pas subir ce regard compatissant et plutôt... Désagréable, des autres patients ou visiteurs. Si on en oubliait mon teint légèrement pâle et ma perfusion, j’étais presque digne d’une sortie à l’extérieur. Mais pour le moment, je m’en tiendrais à l’accueil et la cafétéria.

N’ayant pas la force ou la motivation de passer par la salle de bain, j’enfilais juste un legging ainsi qu’un pull léger tout en laissant mes cheveux retombés simplement sur mes épaules. Après tout, je ne verrais certainement aucun proche aujourd’hui. Et, même avec toute la bonne volonté du monde, je n’étais pas sûre de pouvoir réellement palier à ce teint. D’autant plus que je n’étais pas très douée avec le maquillage. Après avoir acquiescer aux inquiétudes et aux préoccupations du service hospitalier qui n’était pas ravi que je m’échappe de ma chambre, je m’étais éclipsé pour rejoindre les couloirs communs.

Après tous ces jours face à mon mur blanc d’hôpital, je m’extasiais même sur les couloirs, plus chaleureux que les chambres. Je m’étais d’ailleurs un peu trop extasié puisque l’ascenseur devant moi commençait déjà à refermer ses portes.

- Attendez !

Je levais le bras devant moi en m’élançant vers l’interstice qui se refermait déjà. Heureusement, ce dernier détecta au dernier moment mon bras et s’ouvra de nouveau, me laissant juste le temps de passer rapidement.

- Merci..

Je relevais les yeux vers l’homme qui était présent. Son visage me percuta, un instant, sans que je ne sache pourquoi. Mes sourcils se froncèrent, alors que je cherchais mentalement pourquoi la chaleur me montait précipitamment aux joues, pendant que la porte se refermait derrière moi.

C’est au moment où notre dernière rencontre me revint à l’esprit que mon cœur rata un battement. Sous le choc, j’avalais ma salive de travers, me faisant tousser. Toujours sous la surprise et prise de court, je bredouillais quelques mots qui sortirent de mes lèvres.

- B.. Bonjour.

Nerveusement, je réajustais une mèche de cheveux en appuyant sur le bouton de l’ascenseur. Après avoir levé les yeux vers lui, j’avais fixé mon regard sur le sol. Il n’avait pas l’air d’avoir été si... Etonné. Peut être un peu, de me voir ici. Mais il n’avait pas l’air.. Mal à l’aise. Cette non réaction me déclencha une avalanche de question. Il m’avait peut être oublié. Il n’arrivait peut être pas à remettre notre dernière rencontre. Est-ce que ce n’était pas mieux comme ça ? Ou alors... Il était peut être habitué à ce genre de relation avec les patientes. Cette idée fit rougir de plus belle mes joues, que je camouflais sous ma chevelure. C’était peut être la pire. Je préférais être oubliée, que de passer comme un numéro de série.

Tendue, j’attendais impatiemment que cette rencontre se finisse. Je ne savais pas réellement si je devais engager la conversation. Est-ce qu’on pouvait parler avec une personne après ce genre de... Non, définitivement, je n’aurais pas le courage ni les épaules d’entamer une conversation. Et puis, à ce moment là, j’étais certainement trop occupée à me maudire d’avoir fait quelque chose d’aussi.. Idiot. Je ne savais pas ce qui pouvait me passer par la tête, parfois.

Alors que ces centaines d’idées se bousculaient dans mon esprit, l’ascenseur grinça. Pensant mettre fin à mon calvaire, je levais les yeux, dans l’attente de l’ouverture de la porte. Qui n’en fit rien. A la place, l’ascenseur dégringola de quelques mètres, avant de se figer totalement dans une secousse déséquilibrante. Vacillant, je me rattrapais à l’épaule de l’infirmier pour me permettre de rester debout. Immédiatement après ce contact, j’ôtais ma main comme si une brûlure avait perturbé ce contact.

- Pardon..

Mais, point positif, je n’eus pas le temps de m’en vouloir à cause de cette nouvelle erreur. Quelque chose clochait. Je m’approchais du tableau de bord de l’ascenseur, inquiète. Plus aucune lumière. Je tentais d’appuyer sur un nouveau bouton du rez-de-chaussée, sans succès.

- C’est.. Pourquoi la porte ne s’ouvre pas ?

Petit à petit, je commençais à réaliser. Même s’il allait me falloir du temps pour encaisser l’idée d’être bloquer ici avec la personne qui me mettrait certainement le plus mal à l’aise de l’hôpital. Est-ce que mon karma pouvait être aussi traître que cela ?

- On est bloqué ?

Cette question sonnait plus comme une affirmation. Une affirmation qui me faisait entendre la triste réalité. L’instinct de survie prit le dessus sur toute gêne ou sentiment autre désagréable. Je n’étais pas à proprement parlé claustrophobe, mais l’idée de me retrouver coincée dans un endroit aussi exigu commençait à faire naître une angoisse assez profonde. Mes mains se mirent à trembler alors que ma respiration s’accélérait. Portant une main sur mon cœur qui battait à la chamade, je fixais la porte de l’ascenseur dans l’espoir vain de la voir s’ouvrir.

- Comment on fait ?

Coincée dans l’ascenseur, je lève les yeux pour regarder autour de moi. L’endroit est exigu. Ce qui n’est déjà pas bon pour mon cœur qui s’emballe. Comme si la décharge qu’avait provoquée l’infirmer sur moi n’avait déjà pas suffit. A ce rythme là, j’avais la désagréable sensation qu’il pouvait lâcher à tout moment. Je n’étais pas claustrophobe à proprement parler, en réalité. Mais... Il fallait avouer qu’être confiné dans un ascenseur n’avait rien de rassurant. Surtout lorsque ce dernier avait décidé de n’en faire qu’à sa tête et de nous couper de tout contact avec le monde. Finalement... Je n’étais peut être pas si malchanceuse d’avoir Aedan à mes côtés. Même si... Dans n’importe quel autre situation, j’aurais certainement réfléchi différemment.

Coincée entre le caractère angoissant de la situation, et le choc de me retrouver enfermé dans un endroit exigu avec la seule personne de l’hôpital que j’aurais du éviter, je fixais désespérément la porte, espérant qu’elle s’ouvre, par je ne sais quel miracle. En réalité, je n’avais aucune idée d’où poser mon regard. A l’instant T, j’étais encore trop mal à l’aise pour lever les yeux vers lui. Trop timide. Je n’arriverais certainement pas à soutenir son regard. Et malgré une légère touche de curiosité, de savoir s’il me reconnaissait, ou s’il... Avait une quelconque réaction. Un peu comme moi.

Tentant de maîtriser ma respiration, je cale mon dos contre l’ascenseur, la main légèrement tremblante. Le mystère de la cause de ces tremblements restait entier, mais je préférais me persuader qu’il s’agissait juste de ce confinement. Fermant un instant les yeux, je me laissais porter par la voix d’Aedan pour tenter de retrouver une respiration quelque peu calme. Même si cela semblait cause perdue, je réussis tout de même à reprendre le dessus.

- Ils vont forcément se rendre compte rapidement qu’un ascenseur est bloqué, non ?

Le stress, combiné à la chaleur de mes joues ne me permettait pas réellement de me sentir plus à l’aise. J’avais l’impression d’étouffer dans cet endroit. Redescendant lentement ma main le long de mon corps, je soufflais en lançant un nouveau de coup d’œil au bouton. Aucun n’était allumé. Je relevais les yeux vers Aedan, plutôt dans un reflexe cherchant à retrouver du réconfort dans la seule personne présente dans la même situation que moi. Sauf que... Cette personne avait le don de me..

- Il fait chaud non..?

Soufflais-je en détournant le regard, les joues en feu. A peine ces mots avaient-ils franchis la barrière de mes lèvres, que je laissais une petite toux s’échapper. Est-ce que j’avais réellement dis une chose pareille ? Est-ce que j’avais pu être... Imbécile à ce point ?

- Non, enfin... C’est pas exactement ce que je voulais dire. J’ai juste l’impression d’étouffer. Et..

J’ai comme la délicate sensation que je m’enfonce. Ou pire, que je suis en train de creuser ma tombe, juste sous mes pieds. Dans ces cas là, ferme ta bouche Hailee, avant de débiter plus d’incrédulité et de te mettre dans une position encore plus inconfortable. Les yeux rivés vers le sol, je continuais de tortiller nerveusement mes doigts. Finalement, je ne savais pas ce qu’il y avait de pire. M’entendre déblatérer des imbécillité, ou être victime de ce silence extrêmement pesant.

- On pourrait peut être.. Faire quelque chose pour faire passer le temps ? Enfin ou parler ? Quelque chose...

Non, finalement, je reviens sur ce que j’ai dis. Le silence était plus agréable. Franchement, parfois, je devais avouer que je me haïssais.

st-ce que ces regards furtifs veulent dire qu’il se souvient ? Je ne suis pas sûre de vouloir le savoir, mais cette question ne cesse de me revenir en tête. J’ai beau les chasser, elles reviennent à chaque seconde. Pourtant, aucune des deux réponses ne me satisferaient réellement. Après tout, s’il se souvient, je me sentirais certainement.. Encore plus ridicule et mal à l’aise qu’à cet instant. Tout du moins, si c’est possible. Et s’il ne se souvient pas... Je me sentirais encore plus mal d’avoir commis quelque chose de pareil. Comme si c’était dans mes habitudes de faire ce genre de chose. Si je n’étais qu’une fille parmi tant d’autre. Peut être qu’au fond de moi, se cachait une certaine fierté qui en aurait pris un coup. Ou alors, je me serais simplement sentie encore plus furieuse d’avoir pu me faire berner.

Pour résumer, dans tout les cas, cette réponse ne m’apporterait rien de positif. Du moins, de ce que j’imaginais. Peut être que... Non, je préférais chasser toutes ces idées de ma tête, pour me concentrer sur la réelle origine du problème.. Ce foutu ascenseur. Si je n’avais pas eu ce coup de chaleur à cause de cette situation improbable, j’aurais certainement eu un rire nerveux. Se retrouver coincé, dans un ascenseur de l’hôpital, avec le seul infirmier qu’il n’aurait pas fallu que je croise. Niveau coup du destin, je devais atteindre des sommets.

Je me rapprochais des boutons, pour tenter de focaliser mon esprit sur autre chose. Malheureusement, Aedan et moi avions beau appuyé sur les différents boutons, aucun ne s’allumaient, et aucun ne semblaient provoquer de quelconque réaction.

- Je crois qu’ils sont aussi morts que l’ascenseur... Je n’ai pas non plus de téléphone sur moi..

Bah oui, qui aurait besoin de prendre un téléphone en temps normal pour simplement descendre à l’accueil ? Certainement personne, hormis les deux personnes ayant le pire karma du monde. Passant ma main dans mes cheveux, je reprends une respiration lente et profonde, pour tenter de calmer le rythme de mon cœur qui tambourine de nouveau dans mes oreilles.

Je relève les yeux vers l’homme en entendant sa voix. Apparemment, ma bêtise est.. Passée inaperçue ? J’entre-ouvre la bouche un instant, à sa réponse, sans rien réussir à sortir. Mon regard reste planté quelques instants dans le sien, alors que j’assimile ses mots, avant de reprendre d’un voix peu certaine.

- Bah.. J’ai.. Enfin j’ai pas de débardeur en dessous.. ?

Bégayais-je en pesant le pour et le contre. Mes joues s’enflamment de nouveau, provoquant une nouvelle montée de chaleur. Est-ce que je suis réellement en train de dire ces mots ? Je paierais certainement cher pour pouvoir me réveiller et me rendre compte que tout ceci n’était qu’un rêve improbable.

Et parallèlement... Est-ce que prendre la partie de la pudeur après avoir passer un moment pareil avec lui n’était pas complètement dérisoire et inadapté ? Est-ce que ce n’était pas encore plus ridicule de nier l’évidence ? De toute manière, quel que soit la situation, je pense que je ne pourrais pas être à l’aise. Mais franchement Hailee, à quoi tu as bien pu pensé quand tu as fais ça, franchement ?!

Toujours dans une certaine hésitation, cette sensation de confinement et d’étouffement ne passe pas. Je relève les yeux vers lui à sa question. Etant donné qu’on est deux. Sans rien d’autre. Je... Ne vois pas bien quoi faire hormis.. Parler ? Et parler de quoi franchement ? Est-ce qu’on est censé parler avec un garçon après qu’on ait... Et qu’on ne se soit plus...

- J’en sais rien. Quelque chose qui pourrait nous faire oublier qu’on est coincé, apparemment pour un bon moment, dans un endroit de deux mètres carrés.

Et j’étais gentille. Je levais les yeux vers l’ascenseur, pour en regarder les limites, avant de reposer mon regard sur Aedan. J’avais clairement l’impression que mes joues allaient prendre feu. Sans parler de la chaleur dans l’ascenseur. Est-ce qu’il faisait réellement chaud, ou j’étais juste... Au bout du rouleau ? La sensation me prenait à la gorge. Et puis, sur un coup de tête, certainement aussi intelligent que celui qui m’avait mené à commencer ce petit jeu lors de notre première rencontre, je me tournais dos à lui un instant.

Est-ce que j’espérais une seconde que ça m’enlèverait cette horrible sensation d’étouffer et d’être prise à la gorge par un manque d’oxygène imaginaire ? Peut être. Et puis, au point où j’en étais.. Franchement, je n’avais plus grand chose à perdre. Au pire, je pouvais difficilement faire pire. Donc autant moins... Etouffer. Enlevant mon pull, je le gardais plaquer contre mon soutien-gorge et mon ventre avant de me retourner.

Mauvaise idée. Me retrouver confronter à son regard était une mauvaise idée. Et pourtant, je n’allais pas rester tourner dos à lui. Ni lui demander de se tourner. Et puis, c’était certainement bien j’étais certainement bien plus habillé que dans ces souvenirs. Et là, je ne sais pourquoi, le silence m’a paru trop lourd pour ne rien ajouter. Mais bien évidemment, s’il fallait ajouter quelque chose, autant que ce soit encore plus malaisant, hein Hailee ?

- Je préfère le garder comme ça. Je sais pas.. Peut être que j’ai changé. Enfin depuis... Enfin.. Je crois que je vais me taire finalement.

Sage décision, je détournais le regard pour reposer mon dos contre le mur froid de l’ascenseur. A l’allure où la chaleur montait à ma tête, j’allais certainement faire prendre 5 degré à la température de l’ascenseur.

Nous voilà avec le dernier espoir. Celui de sortir de cette situation assez... Malaisante. Le biper. Avec un peu de chance, il marchera. Malheureusement, mon optimisme était loin de la vérité. Même si... L’espace d’un instant, je ne me suis pas demandé si j’étais si mal tombé... Après tout, c’était une occasion toute donné de.. Parler quand nous n’avions pas su le faire. Après tout, il aurait été peut être amené à me soigner de nouveau ? Mais.. M’assénant une claque mentale, je reprenais mes esprits. Bien sur que j’étais mal tombée. Il n’avait certainement pas envie de me revoir. Et puis il ne pouvait pas y avoir plus étrange comme situation.

Le temps que je me perde un instant dans ces pensées illogiques, la réalité m’avait rattrapé. Le biper ne marchait pas. Forcément. Reposant mes yeux sur les boutons, je laissais un léger souffle inquiet s’échapper de mes lèvres. Il fallait que je trouve une solution. Qu’on trouve une solution. Je n’aimais pas être confinée. Surtout pas dans un ascenseur qui semblait complètement hors de contrôle.

- J’espère qu’ils arriveront à nous trouver...

Laissais-je simplement filer entre mes lèvres, les yeux rivés sur le sol. Et comme une bourde spéciale Hailee n’arrive jamais seule, je me retrouvais quelques secondes plus tard en soutien gorge, face à l’homme qui me déstabilisait peut être le plus de tout l’hôpital, à bredouiller des mots que je regrettais immédiatement.

Pourtant, je ne peux m’empêcher de le fixer avec des yeux étonnés à sa remarque suivante. Les joues toujours en feu, je baisse les yeux vers son rictus alors qu’il se mordille la lèvre. Je.. Mon cerveau s’arrête l’espace d’un instant, comme si rien n’avait de sens autour. Est-ce que... J’avais.. C’était bien ce que j’avais compris ?

- Euh.. O.. Oui.. Du coup...

Très bien. Je n’avais pas demandé s’il avait aimé, je n’avais pas demandé s’il voulait voir de nouveau.. Bref, je m’en sortais plutôt bien, non ? Je laissais donc mon pull glissé par terre, sans trop savoir si je faisais bien. Mais étant donné que le garder contre moi comme s’il.. Ne s’était jamais rien passé était ridicule, je supposais que libérer mes mains était la meilleure solution.

Mais comme avoir éviter une série de réponse complètement incohérente et gênante ne suffisait pas, il avait fallu que j’ajoute à ça une inquiétude sur le changement de mon corps depuis. Franchement, parfois, je me demande si je réfléchis.

- Depuis la dernière fois qu’on s’est vu.. ?

D’accord. Un nouveau coup de chaud. Ce n’était pas une bonne idée de repenser à ça. Absolument pas. Tentant de maîtriser de nouveau la bouffée de chaleur, alors que le souvenir de ses baisers et de ses mains me gagnait de nouveau. Avec les sensations, bien sur, parce que sinon, ce ne serait pas marrant. Tentant de chasser loin ces pensées qui ne cessaient de m’assaillir, je repris.

- Sinon.. Tu travailles ici depuis longtemps ?

C’était aussi soudain qu’inattendu. Je relevais les yeux vers lui, en tentant de garder une respiration calme. Puis des flashs. De nouveau. De quoi me faire tourner la tête. De plus en plus. Agitant légèrement ma main devant mon visage, je déglutis difficilement en fermant un instant les yeux.

- Je ne me sens pas super bien...

Mon dernier souvenir ? Celui de mes jambes qui lâchent et du décor de l’ascenseur qui se floute totalement alors que je sombre dans un noir éphémère. Comme si ces quelques secondes allaient pouvoir me sortir de cette future longue colocation.

Donc, nos espoirs de sortir d’ici se basaient sur des espérances. Autrement dit, on était ensemble pour un bon petit moment. Et je ne savais pas si je devais m’en estimer heureuse ou malheureuse. Malgré tout, j’étais extrêmement chanceuse de ne pas m’être retrouvée seule. J’aurais certainement été traumatisée par ce moment, ces minutes, ou peut être pire, ces heures seules. Pourtant, la personne coincée avec moi n’était certainement pas la plus agréable... Enfin, pas à regarder bien sur, Aedan était un très beau garçon, et il était... Gentil ? Enfin la situation n’était pas agréable et je... Mes idées commençaient sérieusement à s’embrouiller, alors que l’air devenait étouffant.

Baladant mon regard dans l’ascenseur pour ne pas avoir à planter mon regard dans le sien, je tentais vainement de... Je n’avais aucune idée en réalité de ce que je tentais de faire. Trouver un sujet de discussion ? Tenter de faire comme si tout allait bien ? Ou peut être juste tenter d’établir un contact autre que corporel. Peut être que.. Peut être que rien, je n’allais pas commencer à me faire des films, ni à m’angoisser pour rien. C’est grâce à ces réflexions que ma question sorti de but en blanc.

- Oh d’accord. C’est bien.. Enfin je veux dire c’est un beau métier. Je suppose...

Et on revenait au même point. Le même silence gênant, le même endroit clôt, l’air irrespirable, la tension à son paroxysme. Si bien que, malgré mes tentatives pour remplir mes poumons, la chaleur et la pression firent leur petit effet. Et l’instant d’après, tout était noir.

Bizarrement, c’était bien mieux comme ça. Tout noir, plus de pression, plus de... Regard qui pouvait être compromettant. J’aurais adoré passer le reste de notre « captivité » dans cet état second. Pourtant, quelques secousses me ramenèrent à la réalité. Je reprenais doucement conscience, agitée de façon peu agréable. Je relevais alors ma main pour agripper le bras qui me secouait.

- Aedan...

Mes yeux s’ouvrirent de nouveau difficilement alors que je reprenais lentement ma respiration, et que mon cœur se calmait. Les secousses ralentirent, pour mon plus grand bonheur.

- Je suis réveillée, tu peux arrêter de secouer.

Lui glissais-je délicatement avec un léger sourire. Je tentais de me redresser, lentement, sans pour autant me relever. Je préférais attendre quelques secondes de plus avant de braver la gravité. Mais à mesure que je reprenais mes esprits, mes joues s’empourprèrent de plus belle en réalisant la proximité du visage d’Aedan.

- Euh.. Je.. Je suis désolé pour ça.. La.. Je crois que c’est la chaleur.

Ou le manque d’air. Ou la claustrophobie. Ou lui.. ?

HRP : Je suis désolé pour le temps que j'ai mis !

Le destin faisait parfois des retrouvailles... Originales. Je me doutais, intérieurement et bien évidemment inconsciemment, que je le reverrais. A vrai dire, je n’avais jamais su si j’avais eu envie de le revoir ensuite. J’étais trop... Timide pour pouvoir l’affronter. Dans d’autres circonstances, j’aurais espéré pouvoir me faire toute petite et me carapater bien vite. Sauf que, dans un endroit clôt, si petit et angoissant, ma seule source de réconfort... C’était lui. J’étais persuadée que je préférais être avec lui plutôt que toute seule. Pourtant, il ne s’agissait que de ma claustrophobie qui parlait. Mon cerveau, lui me hurlait de river mon regard sur le sol et de ne rien dire. Et pourtant...

Tout semblait s’enchaîner de la pire manière qu’il soit. La gêne, la chaleur, l’endroit étroit... Notre attirance ? Je sentais son regard. Enfin je croyais ? Non, peut être que je me faisais seulement des films. Pourtant, s’il se rappelait de moi, c’était peut être qu’il ne passait pas son temps dans les chambres et les douches d’autres patientes. Repenser à ça me donne un nouveau coup de chaud, ce qui ne m’aide pas vraiment. Mais franchement, parfois, je me demande si j’aime m’enfoncer toute seule ou non. Tentant de chasser tout souvenir de ce moment partagé avec lui, j’ouvre de nouveau les yeux, dans ses bras.

A demi voix, je lui demande d’arrêter de me secouer, intimidée par la proximité de son visage. J’avais l’impression de me retrouver dans la même situation que la première fois. Lorsqu’il orienta son regard vers le mien, et que son visage me fit complètement face, mes joues rosirent immédiatement. Qu’est-ce que.. Qu’est-ce qu’il... Est-ce qu’il allait.. ? Pourtant il ne bouge pas. Il ne fait rien, ne faisant que rendre l’attente que plus insupportable. Mon cœur s’emballe, ma respiration aussi. Je n’arrive plus à orienter deux pensées cohérentes.

C’était... Exactement comme la première fois. Une chute. Nos visages si rapprochés... Et cette attente. Comme s’il attendait que je prenne une décision. Alors ? La même que la première fois, ou... Ou quoi ? A quoi rimerait tout ça ? Et pourquoi je n’arrêtais pas de me poser des questions ? Est-ce que les secondes pouvaient être plus longue que celles actuelles ? Perdue, je relève lentement ma main pour la poser sur son épaule. Timidement, elle se rapproche de sa nuque, sans que je ne contrôle rien. En fait, je ne contrôle plus rien. Et je laisse mes lèvres se rapprocher dangereusement des siennes.