Urgence ! | Alex J. Karev

Aujourd’hui je suis de garde de nuit. Ce n’est pas rare que ça arrive parce que je suis une interne et ce n’est pas surprenant que je ne dort pas pendant 48 heures voient 72 heures parfois ! Mais là, je ne sais pas pourquoi j’ai un drôle de pressentiment ! Peut-être les examens qui arrivent, peut-être le stressent… Peut-être un sixième sens de démons je n'en sais rien. Dans tous les cas j’ai l’impression que quelques choses cloches ou que quelques choses vont arriver ! Et d’ailleurs je ne me trompe pas puisque quelques minutes après être passé du côté des humains pour rejoindre le docteur Karev avec qui je suis de garde une urgence débarque. Un enfant blessé, sorti d'un accident vraiment pas joli. L’os de sa jambe sort, il saigne de l’abdomen… En soi, si l’enfant résiste et tiens bon, ce serait un miracle ! Ça commence alors à hurler dans tous les sens, courir partout. Je reste planter là l'oeil grand ouvert puisque le reste de la famille débarque aussi. Je finis par rapidement prendre de quoi me protéger.

Une énième garde de nuit. Pourquoi suis-je aussi souvent sur les quarts de nuit ? Parce que c'est pendant ces heures où l'on pense que tout est silencieux, que tout est calme qu'il y a en faite le plus d'action, le plus de vie à sauver. Pour le moment tout est calme, mais c'est souvent le cas avant que la tempête ne frappe. Et ce soir, elle frappe fort. On vient de m'appeler pour me prévenir qu'une famille allait nous être amener, ils étaient tous les quatre sacrément amochés. Eretria vient à peine de me rejoindre quand on entend les hurlements des sirènes des ambulanciers et j'ai à peine eu le temps d'enfiler ma blouse jaune et une paire de gants. Je presse le pas pour aller rejoindre les ambulanciers et les écoute me décrire l'état de santé du jeune garçon qui se trouve dans la première civière.

« On l'amène au bloc immédiatement, Syclista tu me suis. Et qu'on me bipe la traumato ! »

Je m'adresse à une infirmière pour la deuxième phrase puis j'attrape des compresses au passage et les donne à mon interne.

« Mets ça sur sa plaie à l'abdomen et maintiens une bonne pression mais pas trop, sinon il va se vider de son sang. »

Ce n'est pas pratique puisque nous sommes en train de bouger et que je pousse le chariot sur lequel les infirmiers viennent de le poser pour nous diriger au bloc. Mais le temps presse et il faut sauver la vie de ce petit garçon ! Les autres résidents s'occuperont des autres. On ne peut malheureusement pas s'occuper de tout le monde en même temps soi-même.

Il y a du mouvement dans tous les sens ! Je parais peut-être idiote à rester planter là un instant, mais il me faut le temps d’assimiler tout ça ! D’autant plus que c’est un de mes premiers gros cas d’accident ! Je n’en mène pas large, mais je sais que je vais devoir assurer si je veux avoir une chance d’impressionner mon titulaire ! D’ailleurs celui-ci est plus réactif que moi, ce qui est normal au vu de ses années d’expérience, et il crie dans tous les sens… Mais pour la bonne cause. Je m’empresse de le suivre tout en finissant de m’habiller. J’attrape à la voler les compresses qu’il me donne et je fais un signe.

« Juste deux secondes ! »

Je fais stopper le chariot vraiment deux secondes, le temps de grimper sur les rebords en métal qui se situent en bas. Ainsi je suis dessus et pousser en même temps qu’eux sans toutefois mettre en danger la vie du garçon puisque je deviens stable. Je bouge en même temps que lui ! Je n’appuie donc pas trop fort et pas non plus pas assez. Jetant un rapide coup d’oeil pour voir ce qu’en pense mon titulaire, je me concentre finalement sur la plaie.

On ne peut pas savoir depuis combien de temps l'accident est survenu. On ne peut donc pas savoir l'étendue des dommages sur les blessés avant de les avoir emmener ou en radiographie ou en chirurgie et vu la quantité de sang qu'il perd, c'est la deuxième option vers laquelle je me tourne. Je prends les rênes, de toute façon c'est un enfant alors c'est mon patient. Je lance des ordres et je me dépêche à prendre la direction du bloc. Je fronce les sourcils lorsqu'elle me demande d'attendre deux secondes.

« On a pas- ... »

Mais je me coupe en la voyant monter carrément sur le chariot et s'installer de façon à ne pas écraser le garçon mais à appliquer une bonne compression de façon stable. Je me resaisis vite et je me remets à avancer vers l'ascenseur puis vers la salle de chirurgie.

« Continue à bien appuyer, on est presque arrivé, il ne faut pas qu'il se vide de son sang. »

Il tient bon jusqu'à la salle d'op. Une fois là-bas, les infirmiers le branchent à toute sorte de machine alors que j'indique à mon interne de rester là où elle est.

« Dès le moment où tu vas cesser de faire la compression, il va recommencer à se vider à un débit rapide. On va devoir être rapide et précis. Tu es prête ? »

Je plante mon regard dans le sien pour la jauger. De toute façon, elle n'a pas le choix de l'être.

Dès la première fois où j’ai vu le docteur Karev j’ai su que je devais l’impression où je serais comme les autres : très rapidement dégager pour lui. C’est ce que je tentais de faire donc chaque fois. Je m’efforçais de le faire ! Là j’avais bien vu que le fait que je marque un arrêt l’avait énervé, mais il c’était tout aussitôt qu’il avait compris ce que je voulais faire. Restant concentré sur le petit garçon je finis par hocher activement la tête.

« Je suis stable ! Je peux maintenir la pression jusqu’à ce qu’on arrive à bon port normalement ! »

On arrive finalement au bon endroit et je les regarde tous se préparer rapidement autour de moi. Moi ? Eh bien on me prépare aussi comme ils peuvent parce que je ne peux vraiment pas bouger ! Je me laisse donc faire même si je commence à transpirer et avoir chaud à force de maintenir une pression régulière avec autant de pression « moral » derrière. Je relève finalement mon regard vascillant entre gris et marron vers mon titulaire et hoche faiblement la tête.

« Je suis prête... »

Eretria a ce petit quelque chose. Elle a cette étincelle d'intelligence, de lucidité que je ne retrouve pas systématiquement chez les autres internes. Que je ne retrouve pas en fait, soyons franc. Aucun autre n'aurait pensé à monter sur le civière pour pouvoir effectuer une meilleure pression. C'est sans doute le genre de chose que j'aurais fait aussi. C'est ça, elle me fait penser à moi un peu. Elle est téméraire, elle n'en fait qu'à sa tête, mais ses idées paient au bout du compte. Je lui donne une autre instruction, même si je sais que ça ne sert à rien. C'est juste pour qu'elle ne sache pas qu'elle m'impressionne, parce qu'à partir de ce moment-là, les efforts sont souvent moindre. La fierté est considérée comme acquise.

On arrive au bloc et on nous prépare rapidement. À partir de ce moment-là, les secondes sont comptées. Je préviens Eretria du sérieux de la situation. À sa réponse, je garde mes yeux plantés dans les siens quelques secondes, une fraction de seconde en fait, pour la jauger, puis je souffle légèrement.

« D'accord. Maintenant, descends lentement et garde tes mains sur la plaie le plus longtemps possible. On va essayer d'éviter qu'il ait à nous envoyer une carte postale de l'au-delà. Dis moi quand tu vas être prête au sol. »

Je ne crois pas vraiment à une vie après la mort, mais après tout ce que j'ai vu dans cet hôpital, je commence à en douter.

Je tente d’être rapide et « intelligente ». Je fais en sorte de me démarquer et d’en même temps briller ! De toute façon il n’y a pas trente mille solutions ! C’est soit j’impressionne mes supérieurs soit je dégagé et il est hors de question que je dégage ! Certes j’ai un club… J’ai de l’argent et je n’aurais même pas besoin de travailler à côté en réalité, mais je tiens à mon indépendance ! J’y tiens vraiment et je sais que je ne l’aurais plus si je lâche tout et que je me contente de ce que j’ai ! Donc je mets tout en œuvre pour être la meilleure tout simplement !

Arriver dans la salle d’opération je sais que le temps va nous êtres compté, d’autant plus que lorsqu’ils sont plus jeunes ils sont aussi moins résistants ! Certes ils guérissent plus vite, mais supporte de moins gros choc aussi ! Je regarde donc le docteur Karev et ma tête se hoche doucement.

« Je ne le laisserais aucunement faire ses valises pour l'au-delà… On va sauver cet enfant ! »

J’ai un ton convaincu parce que je tente de me convaincre en même temps. Je fais finalement ce que m’a dit quelques minutes plus tôt le docteur Karev… Puis une fois mon premier pied ayant toucher le sol je le fixe.

« J'ai un pied au sol...»

On doit faire de notre mieux pour que tout se passe bien et ce, du premier coup. Nous n'aurons pas plusieurs chances pour le sauver, parce que si on ne fait ne serait-ce qu'une seule erreur, le gamin va se vider de son sang et je ne peux pas le permettre. J'ai besoin de savoir qu'Eretria en a conscience et qu'elle ne fera que de son mieux elle aussi. Je lui donne des consignes précises, je n'ai pas le choix d'être le plus clair possible et le plus direct. Elle n'a pas encore assez d'expériences pour pouvoir prendre ses propres décisions et même si l'instinct est primordial à développer, ce n'est pas le moment pour le faire. Je peux lire la détermination dans son regard et la voir dans ses yeux. Je hoche la tête à ses paroles.

« Alors, on sort nos talents de thaumaturgie, on va faire un miracle et éviter d'avoir à faire une résurrection. »

Parce que c'est ce qu'on va devoir faire là, clairement. Je la regarde descendre lentement de la civière pour poser un premier pied au sol. J'appuie un peu plus fort pour faire la compression de ma main gauche, la main droite étant prête à attraper les instruments pour l'opération. Ça va bien se passer. Si j'avais eu un autre interne, je ne l'aurais certainement même pas laisser tenter sa chance et je l'aurais fait seul, mais là ... Je suis convaincu que ça va bien se passer.

« Parfait, maintenant le deuxième.. »

Je sais que nous n’avons pas le droit à l’erreur et c’est bien ça le problème. Ça rajoute un stressé de plus ! Alors dans ces moments-là je tente souvent de pensée à autre chose. Je pense à ce que sera ma vie lorsque j’aurais fini toutes mes études, à ce qu’aurait aussi pu être ma vie si je n’étais pas démone. Que des choses… Qui font que je réfléchis assez longtemps pour ne pas penser qu’une vie est littéralement sous moi. Une petite vie qui plus est. Je ne suis pourtant pas aussi sensible que certain ici à la douleur ou la peine… Parce que je ne suis pas génétiquement programmé à l’être. Mais je tente d’être compatissante un maximum, je tente de m’ouvrir. Donc je tente de me dire que oui c’est grave si cet enfant meurt. Je sais que ça l’est. Mais c’est compliquer d’être aussi touché que le docteur Karev. Cependant je ne le montre pas. Les démons sont très bons en comédie. Au moins un bon point… Finalement je pose mon second pied sur le sol, gardant mes mains sur la plaie puis je jette un coup d’oeil à mon titulaire.

« C’est bon... »

Et je ne bouge plus. Je ne sais pas ce que je dois faire… Je suis ici pour apprendre après tout ! Je ne peux pas tout connaître du premier coup. Ce serait trop simple… Et ennuyant aussi.

Parfois, j'ai l'impression que ma vie dépend de celles de mes patients. J'ai besoin de me donner toujours à fond pour trouver les meilleurs moyens de leur venir en aide. Ces enfants n'ont souvent pas d'autres chances que moi, que nous, alors il faut leur donner la meilleure chance possible. Cette chance aujourd'hui, je la partage avec une interne et hors de question de la laisser nous filer entre les doigts. Mais j'ai confiance. Eretria est douée et elle peut y arriver. Je vois dans son regard qu'elle est déterminée, qu'elle réfléchit à ce qu'elle fait et surtout je ne vois pas de point d'interrogation trop grand dans son regard.

« Ok.. Maintenant, tu vas retirer tes mains, le plus rapidement possible et tu va attraper les fils de suture que l'infirmière va te passer et tu vas fermer cette plaie. Tu sais où elle est, alors au pire garde un doigt dessus, mais il faut arrêter le saignement. »

Je la regarde, complètement sérieux. C'est tout autant le pire moment enseigner que le meilleur. Et là, elle va devoir appliquer la théorie .. et vite. Je jette un regard vers la jambe du gamin dont l'os est toujours sorti.

« Et qu'on bipe la traumato encore ! Et biper l'orthopédie ! Putain mais c'est pas possible qu'ils ne soient pas encore là ! »

Une urgence, c'est ce qui passe en premier alors pourquoi n'étaient-ils pas encore là ?  

Moi qui pensais que la nuit allait être vraiment calme et presque ennuyante, j’étais actuellement booster à l’adrénaline pure. Je ne sais pas d’ailleurs, par quel miracle, je parvenais à contenir tout ça ! Mais j’y parvenais, surement le légendaire sang froid dont doit faire preuve tout chirurgien de droit. Essayant d’être le plus habile possible je jetais, de temps en temps, des regards au docteur Karev, celui qui était mon titulaire. Finalement il me donne un autre ordre et je ne retiens pas le fait d’ouvrir légèrement plus grand les yeux montrant là que… Que je n’ai jamais fait ça, mais lui semble très sérieux et j’imagine qu’il voit là une bonne occasion de m’apprendre… Sauf que moi je n’ai pas envie de tuer cet enfant. Même si je suis un démon et que la mort au final n’a pas du tout la même approche et vision dans ma vie, je sais que pour les humains la mort est importante, surtout celle d’un enfant. Cependant garder son sang-froid face à la mort à un avantage parce que je me concentre et agis au plus vite, n’étant même pas déstabilisé du fait que mon titulaire hurle sur les infirmières à mes côtés. Je me concentre juste pour tenter de « réparer » tout ça.

Je n'ai jamais été du genre à être professeur, pourtant ce métier me demande de l'être et je dois être aussi bon que mes étudiants, sans quoi ils tueront des personnes. Il y a de la pression dans les deux sens de cette relation. Par contre, même si je ne sais pas forcément comment enseigner exactement, je sais que je n'ai pas envie d'être ce genre de professeur qui cajole et qui rassure parce que ce n'est pas la réalité, la vie est loin d'être comme ça. J'applique alors mon enseignement sur Eretria et je peux voir que toute sorte d'émotion passent sur son visage. C'est la réaction à laquelle je m'attendais et si elle est un quart aussi douée que je le pense, elle va réussir à faire ce que je lui ai demandé. Si ce n'est pas le cas ... Cet enfant va mourir. Je la laisse se concentrer, je ne lui dis pas quoi faire, je garde le silence et je regarde. Je détourne les yeux une fraction de seconde lorsque les autres chirurgiens et je leur fais signe de se taire. Je veux qu'elle ait toute la concentration possible. Je garde les sourcils froncés en observant ses mains, agiles et précises.

« Encore une petite suture ... »

Je ne sais pas réellement pourquoi cette phrase s'échappe de mes lèvres, peut-être simplement pour me rassurer un peu moi-même qu'elle est à deux doigts de réussir.

Être une démone est un véritable avantage pour moi. La mort ou la vie d’un enfant en jeu n’a pas le même impact. Je reste donc impartiale et mes mains ne tremblent pas plus. Je tente juste de me concentré, je tente de revoir mes cours et surtout ne pas faire attention au fait que tout le monde retient son souffle à présent puisque mon titulaire à faire taire tout le monde et que tout le monde… M’observe. Ça pourrait me donner une pression supplémentaire et de fou, mais je suis bien trop concentré pour y faire attention. Revoyant parfaitement mes cours défiler sous mes yeux, je réalise les sutures du mieux que je peux… Lorsque je tire le fil pour la dernière fois, je relève finalement les yeux vers le docteur Karev… J’ai fini. Et surtout le coeur du patient semble se stabiliser. Cependant je lui demande, silencieusement et à travers le regard si j’ai bien réussi ou si … J’entends juste mal et si j’ai tué ce petit, trop prise dans l’instant.

Je retiens presque mon souffle pendant qu'elle exécute les sutures sur la plaie de l'abdomen. Profonde, celle-ci coulait à flot et si on ne l'arrêtait pas rapidement, le jeune garçon se viderait complètement de son sang. Les autres médecins arrivent enfin pour sauver sa jambe, mais je leur fais signe d'attendre. De toute façon, si elle ne parvient pas à arrêter le flux sanguin de s'échapper, il n'y aura plus rien du tout à sauver. Je la vois finalement relever ses mains, elle a terminé. Je croise son regard un instant puis je baisse les yeux à nouveau vers la plaie. La suture est belle, nette et précise. Le reste des organes semblent intacts, puisque toutes les machines se stabilisent.

« Sa tension remonte ... Son coeur rebat normalement ... Et il ne saigne plus... Tu as réussi. »

Je relève alors les yeux vers elle et je souris sincèrement, fier et soulagé. Les infirmières du bloc applaudissent, certains médecins également, mais je leur fais plus ou moins rapidement signe.

« On se bouge, il n'est pas encore sauf, vous avez encore sa jambe à sauver ! »

Je pense que ma race est un véritable atout dans mon métier. Je n’ai pas d’attache, je n’ai pas la même vision qu’eux et c’est ce qui me permet de reste aussi calme alors que j’ai la vie d’un enfant entre les mains. Pour moi un enfant ou un adulte… C’est la même chose, ça reste un être humain et je n’ai pas d’attache particulière pour eux… Enfin je n’en veux plus, ça fait trop mal. De ce côté-là… Lilith pourrait être fière, je suis un démon tout ce qu’il y a de plus « beau et fier ». Lorsque je finis je souffle doucement et regarde le docteur Karev qui… Après avoir vérifié mon travail confirme que j’ai réussi. Il me sourit, même si je ne le vois pas à cause du masque, je le devine et je souris également, faisant du coup simplement plisser le coin de mes yeux. Je me recule ensuite rapidement puisque ce n’est plus à moi, ni au docteur Karev d’agir et qu’on ne doit jamais surcharger un bloc. Je sors donc rapidement avant de tout jeter, soufflant à nouveau, comme pour réaliser ce qu’il venait de se passer ! C’était fou !

Je ne sais pas comment elle a fait, mais elle a réussit. Je ne sais pas vraiment non plus tout à fait pourquoi je lui ai fais confiance sur le coup, mais je ne regrettes pas de l'avoir fait. C'est l'interne la plus douée que j'ai pu avoir dans les derniers mois. Elle semble instinctivement savoir ce qui doit être fait et à quel moment exactement. Bien sûr, elle a quelques hésitations que même les meilleurs peuvent avoir, mais elle est très impressionnante. Je lui ai indiqué certaines parties à suivre, mais c'est malgré tout elle qui l'a réalisée cette suture en pleine hémoragie ou presque. On sort finalement du bloc et je retire mon masque et mes gants que je jette, gardant simplement mon chapeau de chirurgie sur ma tête.

« Très bon boulot Syclista. C'était remarquable. N'importe quel autre interne à ta place aurait certainement perdu son sang-froid ou vomi son déjeuner... Ou une combinaison des deux. »

Je passe mes mains sous l’eau pour les relaver simplement, juste question d’enlever la poudre des gants que j’avais mis pour la chirurgie. Je m’intéresse ensuite à nouveau à elle. Doit-elle bientôt choisir sa spécialisation?

« Tu en es où dans ton internat, déjà? »

Être une démone m’aide sans aucun doute dans ce genre de situation. Il est plus difficile pour moi de paniquer ou de me sentir submerger par une émotion. En même temps c’est un mot que mes grands-parents et même ma mère avait banni du vocabulaire. Et je ne connais pas vraiment le paternel, mais du peu que j’ai pu voir, il semble être rayé de son vocabulaire également. Alors forcément ça aidait à rester concentré sur l’objectif. Et là ? L’objectif était de garder ce gamin en vie, même si moi personnellement la vie d’un enfant ne me touchait pas réellement.

Une fois en dehors du bloc, je retire tout ce qui n’est pas nécessaire et suit le mouvement du chirurgien-chef pour le « nettoyage » des mains. Je m’essuie ensuite rapidement les mains en me tournant vers lui, un sourire aux lèvres, heureuse d’avoir su l’impressionner.

« Merci ! »

Je pose ensuite mes mains sur mes hanches, prête à m’en aller lorsqu’il m’interpelle une nouvelle fois. Je me tourne donc vers lui et répond du tac au tac, sans chercher la réponse.

« En juillet ça fera 3 ans...»

Je n'aimais pas particulièrement formé les internes puisque la plupart du temps, je me rtrouvais avec une bande d'incompétents et de ratés. Je ne comprenais même pas comment ils avaient pu accéder jusqu'à leur année d'internat, c'était à n'y rien comprendre. Je n'étais pas si débile à ce moment-là, non? Peu importe. Tout ça pour dire que j'avais donc été très rarement impressionné par une interne et ce titre d'interne impressionnante revenait à Eretria. Même si c'est contraire à mes habitudes, je la félicite pour son sang-froid et elle semble réellement heureuse que je lui dise. J'enchaîne ensuite rapidement sur le sujet qui m'intéresse le plus : la fin de son internat.

« Alors tu dois bientôt choisir ta spécialisation... Tu as déjà une idée de vers quel branche tu souhaites te diriger ? »

Je n'ai pas l'intention de la retenir longtemps, je nous fais même sortir de la salle de préparation au bloc pour laisser les prochains chirurgiens puissent entrer et de toute façon, je pense qu'elle doit être aussi occupée que moi.

Qui aurait du que le grincher chirurgien que représente le docteur Karev me parlerait autant ? Je connais sa réputation, je ne suis pas idiote. Je l’ai même vu en action, il ne semble pas avoir beaucoup de considération pour les internes alors que lui aussi à été interne un jour. Quoi qu’il en soit moi je ne m’arrête pas à ce genre de chose, bien au contraire. Lorsqu’il me demande finalement si j’ai une idée de quoi faire pour la fin de mon internat je marque une pause quelques secondes avant de réfléchir un peu tout en le suivant dehors. Je finis par secouer la tête.

« Non je n’ai pas encore spécialement d’idée, mais j’ai encore un peu de temps... »

Regardant l’heure, affiché en grands au mur derrière lui, je reprends.

« Cependant on doit terminer le service de nuit… On devrait y retourner ! »

Et je pars en avant avec un petit sourire parce que je ne compte pas perdre de temps cette nuit. L’action est ce qui va me maintenir éveiller et parler finira par faire baisser l’adrénaline !

À ma question, je la vois marquer une pause puis réfléchir. Au fond, on est tous pareil à ce stade de notre internat, ou presque. En fait, peut-être qu'on est très peu à ne pas savoir à ce moment-là. C'est difficile il me semble, de se dire que pendant le restant de sa vie, on ne travaillera plus que dans une seule sphère de la médecine, alors qu'on vient de passer un certains nombre d'années à toucher à tout. Je ne suis donc pas tellement surpris de sa réponse, même si au vu de son hésitation je m'attendais peut-être à ce qu'elle me dise les spécialités qui lui font envie, mais cette question sera visiblement pour plus tard puisque j'ai à peine le temps d'hocher la tête qu'elle m'indique qu'il est temps qu'on retourne à nos patients. Je ne suis pas du genre à écouter les phrases du genre des internes puisque habituellement c'est moi qui les dit, mais comme elle n'a pas tord, je confirme et je la suis. Au moins, elle n'a pas eu la mauvaise idée de me faire croire directement que la pédiatrie l'intéresse pour sa spécialisation si ce n'est pas vrai. C'est tout de même une question que je vais creuser.. Je ne lui dirais sans doute pas de façon aussi directe, mais une interne aussi douée qu'elle, n'importe quel titulaire en rêverait dans son équipe.
 

FIN