Le café de la victoire [PV Aedan]

Reposant le dossier rempli précédemment par la petite fée et moi-même au bureau prévu à cet effet je marque une petite pause en étant seul. Je regarde un instant le dossier… Et commence sérieusement à me demander pourquoi j’ai accepté de prendre un café avec elle. Parce que j’ai gagné ? Oui… Peut-être, c’est surement ça, de toute façon il faut que ça ne soit que pour ça. Peut-être que je tente de me convaincre, oui… Peut-être, mais en attendant je dois y aller et je me dois de trouver une excuse rationnelle au fait que je vais voir une collègue en dehors du cadre du travail. C’est qu’un café certain me diront, pas pour moi. Pour moi chacun de mes faits et gestes sont beaucoup plus compliqué.

Soupirant donc je quitte rapidement l’hôpital et regarde un peu derrière moi, comme pour être sûr que l’ombre du démon qui me prends pour son petit chien ne me suit pas. Pas totalement sur… Puisqu’il a des yeux et des oreilles partout j’accélère un peu le pas comme si ça pouvait changer quelque chose. Je parviens donc finalement au bon café après quelques minutes de marche. Je tente de maitriser mon souffle qui peut-être un peu saccadé dû à ma marche rapidement puis j’entre dans ce dernier. Mon regard cherche des yeux la jolie brune de tout à l’heure et je la trouve assez facilement. Je finis par m’installe face à elle, retirant mes mains de mes poches. Je ne la regarde pas immédiatement et … Je ne sais pas quoi dire à vrai dire. Est-ce que j’ai mis longtemps ? Est-ce que ça a été suspect ? Alors… Je sors la première chose qui me vient à l’esprit.

-Tu as déjà commandé ?

Je ne sais pas combien de temps j’ai mis à rejoindre celle qui a perdu son pari face à moi, mais elle ne m’en fait aucune remarque. Cependant lorsque je relève la tête pour croiser son regard quelques secondes je peux y voir une étincelle d’amusement briller dans son regard. Comment est-ce que je peux remarquer ça aussi facilement et rapidement? Et bien c’est simple… Lorsque pendant dix ans tu te forces à ne rien ressentir, à ne rien montrer, à ne rien laisser paraître tout simplement, et bien tu observes. Tu observes tout simplement, tu apprends à décrypter les émotions rapidement et efficacement pour toi-même contrôler tes propres émotions. Tu observes leur arrivée pour mieux les neutraliser. Après tout il faut connaître son ennemi non? Et les émotions sont mes ennemies puisque ce sont les armes de chantage de Samaël. Je fronce donc légèrement les sourcils ne faisant cependant aucune remarque, évitant ainsi de devenir virulent au cas où pour rien. Je préfères donc me concentrer sur sa question, jetant un coup d’oeil à ma montre je relève finalement le regard vers elle.

- Dans une bonne grosse demie-heure…

Ma voix était encore une fois sans réelles émotions apparentes, c’est-à-dire ni joyeuse, ni triste, ni impatiente… Rien. De toute façon nous sommes rapidement coupés par le serveur qui se pointe enfin. Je regarde la jolie fée commander un chocolat chaud tandis que je commande un café. Le serveur en prend note et part plus loin. Je tourne de nouveau la tête vers Ombeline. Je n’ai tellement plus l’habitude d’être social que je ne vois pas comment continuer la conversation. Au final Samaël a réussi il m’a en quelque sorte amputé, m’enlevant cette partie si simple que devraient être les interactions humaines.

Le silence régnait… J’avais répondu à sa question, mais je n’en engageais pas vraiment. Toujours dans le simple but de me protéger, peut-être qu’elle finirait par me lâcher, par abandonner, comme bon nombre. C’est une bonne chose, ça fera potentiellement une victime en moi, une personne en moins à protéger par mon masque de connard. Quelle ironie du sors quand j’y pense… Être un connard pour protéger ceux que j’aime… D’ailleurs, une fée… C’est têtu ? J’imagine que je vais le savoir bien assez tôt. Je sors soudainement de mes pensées lorsqu’elle me questionne avec… Beaucoup de questions et je la regarde un moment en silence avant de plisser légèrement les yeux et hausser les épaules en reprenant.

-Avec mon emploi je n’aime pas vraiment le temps d’avoir des … Choses à côté, je préfère passer du temps à l’hôpital…

Je me mords immédiatement l’intérieur de la joue. Par ma seconde phrase, j’en ai déjà trop dit. Si je passe mon temps à l’hôpital c’est pour une raison bien précise… Parce que ma sœur jumelle y est, c’est chez elle… Alors c’est un peu chez moi aussi au fond. Même si je ne lui montre pas. Alors pour qu'elle ne s'attarde pas trop sur cette phrase, j’enchaine rapidement, chose que je n’aurais pas fait normalement.

-Et toi ?

Première question que je lui posais… Que je lui retournais, mais encore une fois c’était dans le but qu’elle oublie ma seconde phrase. Je remercie finalement le serveur d’un geste rapide de la tête et remue mon café alors que je la regarde… Se brûler avec son chocolat, un micro sourire, inconscient, arrive sur mes lèvres tandis que je reprends, en référence à sa grimace.

-Moi qui pensais qu’une fée était tout ce qu’il y a de plus… Mignon....

Peut-être que j’avais été un peu trop rapide sur le coup… Forcement que ça allait paraître suspect, mais j’espérais qu’elle comprendrait que justement je ne veux pas en parler, d’où la précipitation… Et visiblement c’est ce qu’elle fait. Elle sourit quand même, me faisant légèrement plisser les yeux de peur de ce qui allait sortir de sa bouche, mais elle répond tout simplement à ma question sans chercher à en savoir plus et… Ça me faisait me détendre immédiatement. J’étais soudainement moins tendu.

Lorsqu’elle me parle de chose qui bouge, mais qu’elle aime bien faire ça … Ou ça, je l’observe tout simplement. Au final ça semble être des activités qu’elle peut faire à n’importe quelle époque, sauf pour le cinéma… J’imagine. Elle a quel âge d’ailleurs ? Mais comme je ne suis pas assez con, non plus, pour lui demander directement son âge, je le fais de façon plus subtile.

-Tu as connu combien d’époque ?

Je me surprends moi-même à poser une autre question. Mais c’est définitivement une race que je ne connais pas et dans un sens… Ça me fait un peu peur. Je ne connaissais pas assez bien les démons et maintenant je suis le chien chien de l’un d’eux... Alors on ne sait jamais, pour les fées ! C’est alors qu’elle grimace de la façon là moins… Glamour au monde ce qui fait qu’une petite remarque m’échappe qui la fait rire… Est-ce que l’ambiance a changé soudainement sans que je m’en rende vraiment compte ? Mais ce qu’elle dit m’intrigue alors… Et je plisse légèrement les yeux. Pourquoi il y a quelques années ce n’était pas cette vision-ci ?

-Pourquoi… ?

Je n’allais pas lui dire qu’au fond je me méfiais d’elle, parce que si je lui disais alors elle pouvait braver plus facilement mes barrières en faisant plus attention. Non… Je veux simplement en savoir plus sur elle… Et sa race surtout.

e posais rarement de question parce que généralement je fuyais tout ce qui était interaction social. Pourtant, pour le coup, on pourrait me féliciter d’avoir réussi à poser une question plutôt « mal vu » de façon plutôt « délicate ». Est-ce que je m’intéressais vraiment à elle ? Disons qu’elle m’intriguait surtout et puis… Je ne voulais pas qu’elle se penche plus sur mon cas. Et quitte a passé du temps ensemble le temps d’un café, il valait mieux que je la fasse parler le plus possible d’elle et non de moi. Moi… C’était compliqué. Tout était toujours trop compliqué, malheureusement. Je crois que ma surprise se lit une demi-seconde sur mon visage lorsqu’elle me dit qu’elle est né au moyen Âge, car… C’est loin et elle ne le paraît vraiment pas. Puis c’est vraiment une période vague dont on ne sait pas réellement combien de temps elle a duré, alors… Au final elle reste plutôt vague niveau âgé. Puis elle dit quelque chose qui m’intrigue et quitte à être dans un sujet assez… Sortant de l’ordinaire, autant y mettre les deux pieds.

-Ah ouai ? Quel genre d’évènement par exemple… ? J’imagine qu’avec tout ça… Il y a bien une période que tu as préféré parmi tant d’autres, non ?

Peut-être que j’aurais pu simplement dire « ok »… Ça aurait été mieux pour le personnage que je me dois d’être. Mais c’était prendre le risque qu’elle me retourne des questions… Et puis surtout, au fond, moi ça m’intéressait vraiment. C’était rare que quelque chose ma passionne, mais là… Tout ça… Si. C’est alors qu’elle me raconte une partie de son histoire, une histoire que l’on ne retrouve pas dans les livres… Et ça me ramène à ses paroles plus tôt. Je finis par boire un peu de café avant de la regarder à nouveau.
-Ça fait partie des évènements oublier de l’histoire… C’est ça ?
Reposant la tasse, je reprends alors.

-Tu es une survivante alors ?

Peut-être que c’était pour ça qu’inconsciemment… Ça passait, même si je ne le voulais pas. J’étais un survivant… Que je le veuille ou non.

-Mais je me demandais pourquoi on a eu cette vision de vous au final… Du coup. Enfin… Peut-être que tu n’en as pas la moindre idée…

Croisant finalement les bras sur la table, les ramenant un peu à moi, je reprenais.

-Du coup les fées ne sont ni pailletées, ni avec une baguette et toute rose ou verte, mais… Elles sont des matriarches de la forêt qui n’hésitent pas à punir quiconque ne la respecte pas, c’est ça ?

Au final je ne sais pas ce que ça fait de vivre une éternité et je ne le saurai jamais. Je suis peut-être un sorcier, Samaël dit que je suis puissant, mais je ne suis pas éternellement puissant. Je vieillis, comme tout le monde et un jour je finirais par mourir tout simplement. Et je me demande ce qui est le mieux : vivre pour toujours ? Ou mourir et abréger parfois la vie de merde que l’on peut mener ici-bas ? Cependant ça doit être passionnant de vivre autant d’époque et c’est peut-être pour ça que je suis aussi curieux. Ce qui est à noter chez moi, car… C’est rare, extrêmement rare. Ma tête se hoche finalement et presque « simplement » lorsqu’elle me donne sa réponse. J’aimerais lui poser plus de questions, me passionner totalement… Mais ce serait complètement hors personne. Hors… « Aedan Cursse le gros con ».

Alors à la place je me contente de poser quelques questions ici et là sur elle et sur la nature de sa nature justement. Ne connaissait absolument pas les fées je me dis que comme j’en ai une devant moi autant en profiter plutôt que de mourir con.

-Si tu as fait ce qu’il fallait et que tu es une des seules restante alors tu es une survivante…

Mais ce mot lui faisait peut-être peur. Moi aussi… Il me faisait peur. Parce que je savais que je devais encore le faire pour un long moment. Mais lorsqu’elle me fait part du fait de ne pas vouloir en être une, je… Me sens obliger à répondre, normalement j’aurais simplement laissé ou j’en aurais profité pour être méchant, là, je n'avais aucune raison.

-Tu n’es pas obligée d’être seule pour être survivante…

Ma tête se hoche par la suite lorsqu’elle me fait référence aux humains qui réinventent sans cesse les légendes… Lorsqu’elle me parle de vampire à paillette je ne retiens pas un micro-sourire d’amusement et hoche simplement la tête.

-Heureusement… Pas les sorciers. Enfin c’est peut-être pire… On nous met d’énorme… Veste / robe… Affreux.

Puis soudainement c’est à mon tour de la faire rire on dirait bien tandis qu’elle me reprends immédiatement. Moi qui n’imaginais que des femmes, visiblement c’est faux. Déjà. Ma tête se hoche à nouveau puis lorsqu’elle me parle des sorciers je la regarde alors droit dans les yeux, parlant le plus sérieusement possible, même si je ne le suis pas.

-Peut-être… Tu as déjà testé ?

Je ne sais pas d’où me venait cette soudaine... Empathie. Enfin si, j’étais comme ça… Avant. Avant Samaël, avant nos dix-huit ans, avant cette cicatrice, avant le masque tout simplement. Et d’ailleurs c’est celui-ci que je devrais avoir actuellement et pas montrer le “vrai” Aedan que je suis. Pourtant ça a été plus fort que moi lorsque j’ai vu cette peine l’envahir, de la réconforter dans un sens, parce que je sais ce que c’est d’avoir le sentiment d’être seul et d’avoir peur. Elle m’adresse d’ailleurs un petit sourire auquel je détourne les yeux, montrant là ma petite gêne de m’être un peu “dévoilé”.

Mais heureusement la conversatione st un peu plus légère par la suite, me touchant un peu moins personnellement, bien que paradoxalement on parle un peu plus de nous puisque l’on parle des fées et des sorciers, mais disons… Que c’est plus général. Moins centré sur nous. D’ailleurs face à ma description des sorciers elle ose me rappeler les affreux chapeaux pointus et je ne peux retenir une grimace en secouant la tête et en reprenant.

- C’est vrai ça… ! Vraiment, mais vraiment affreux, tu vois ?!

C’est alors qu’on dirait bien que j’ai une vision un peu erronée des fées et elle me rappelle doucement à l’ordre mettant les sorciers en exemple. Et je ne sais pas vraiment ce qu’il me prend, mais je me sens d’humeur un peu… Taquine ? Ou quelque chose qui s’en rapproche tout du moins. C’est donc comme ça que je prends un air sérieux, le plus que je puis et que je la “défie”. Elle entre alors totalement dans mon jeu et réalise mon défi, se redressant, plissant les yeux et tentant de me lancer un regard mauvais. Mais avouons-le… Elle a plus l’air d’un innocent petit chiot qu’autre chose. Du coup je ne peux pas vraiment, malheureusement, retenir un sourire totalement amusé alors que je secoue la tête et reprends.

- Pardon, mais… Sans vouloir te vexer, tu ressemblais plus à un petit chiot qui essayait de faire le grand qu’autre chose !

C’est terrible ce qui était en train d’arriver. J’étais détendu… Donc je laissais tomber quelques armes et malheureusement je ne devrais pas. On ne sait jamais vraiment qui nous observe, qui nous regarde… Parce que je sais que je suis sans cesse observé… Dans le fond. Cependant je ne pouvais pas le retenir, ce sourire-là, pour le coup… Malheureusement… Un grand malheureusement d’ailleurs. Continuant pourtant dans le délire, je reprends.

-Un traumatisé des chiens… C’est sur que ça, ça ferait son petit effet, mais sans ça… C’est certain qu’il va te rire aux nez !

Lorsqu’elle me dit qu’un chiot en colère doit être trop mignon, je secoue la tête totalement amusé parce qu’on dirait bien qu’elle vient de « s’auto-avoir » ainsi.

-Peut-être que c’est pour avoir les fées au final… Les chiots !

Et pour cacher mon nouveau sourire, je porte ma tasse à mes lèvres pour boire, histoire qu’on ne voit plus ce terrible sourire qui montre qu’au fond… Ce n’est qu’un masque que je porte tous les jours.

Je n’aurais jamais parié sur le fait que ce petit « rendez-vous » qui n’en est pas tellement un, aurait pu durer aussi longtemps. Je ne suis pas quelqu’un de bavard, en tout cas je ne le montre pas… Parce que j’ai toujours peur de trop parler, d’en dire … Trop, de façon à ce que l’on devine mon manège au fond. Je n’aime pas ça… Que l’on soupçonne quelque chose au fond, parce que ça peut mettre potentiellement ces personnes en danger et je ne veux pas avoir la responsabilité de plus de potentiel mort sur la conscience. Et ça, ça, c’est ma vie depuis dix ans maintenant. Quoi qu’il en soit… Je crois qu’au fond je profite quand même un peu de ce moment passé en compagnie de la fée, comme si c’était le dernier instant que je vivrais ainsi avant des décennies et qui sait… Peut-être que cela sera vraiment le cas.

-Je pense dans ce cas-là que si ça arrive… Je ne viendrais aucunement te chercher, je ne pense pas que tu aimerais réellement être secourue dans ce cas-là... Je me trompe ?

Finissant alors ma boisson je la repose sur la table, le regard un peu plus sombre. C’est bel et bien ce que je disais… Ce petit instant, comme suspendu dans le temps, prendra malheureusement bientôt fin.

Je retiens clairement, difficilement, un sourire amusé lorsqu’elle me dit qu’elle ne pourrait pas abandonner autant de chiot. Comment est-ce arrivé en fait ? Je veux dire… Que je sois aussi détendu. Est-ce un effet secondaire des fées ? Je suis totalement troublé et je pense que je vais rapidement faire des recherches sur ces dernières en rentrant alors qu’elle me fait d’ailleurs justement la remarque qu’il est temps de retourner bosser. Reprenant alors mon masque, soudainement, ma tête se hoche simplement et je me relève après qu’Ombeline est payer le tout. À ce qu’elle me dit… J’aimerais y répondre par la positive, mais mon masque me permet simplement de sortir un vague « à voir... » avant que je ne parte de nouveau vers l’hôpital également, mais n’adressant plus la parole à la fée, je pars de mon côté. Solitairement… Comme à mon habitude.



FIN