Familiar [PV Jimin]

Aujourd’hui était un jour de congé. Jour de congé avant un week-end. Le moment parfait pour s’isoler un moment en forêt. Ombeline y passait beaucoup de temps. Non pas qu’elle souhaitait être seule, mais malgré toute la végétation qu’elle entretenait chez elle, ce n’était jamais assez. Alors à défaut de pouvoir transformer son appartement en forêt, autant aller directement dans celle d’à côté.
À chaque fois elle songeait que ce n’était pas aussi dense qu’à l’époque, mais il fallait s’y faire. Il y aura de moins en moins de végétation et elle s’affaiblira de plus en plus. Elle songeait à ce qu’Aedan lui avait demandé. Si elle était une survivante. Cette simple question l’angoissait. Si elle était une survivante, c’est qu’il n’y avait plus aucune autre fée nulle part et qu’elle était … seule. C’était ruminant sur cette crainte qu’elle s’enfonça hors des sentiers battus à la recherche d’un coin paisible. Comme à son habitude, elle repéra un arbre aux branches épaisses, s’y hissa en flottant et s’installa confortablement. Le contact de l’écorce dans son dos l’apaisait.

Ombeline sortit une paire d’écouteurs branchées sur son téléphone et mit de la musique. Elle aimait les créations des humains au fil des siècles. Ici, c’était un morceau qui la ramenait un peu dans le passé. Elle avait entendu Bach jouer une fois et même si cela ne faisait pas le même effet que de le voir en vrai, elle aimait écouter les musiciens jouer ses partitions. Calme, la fée ferma les yeux, somnolant à moitié.

Une musique retentit, faisant sursauter Ombeline. Elle ouvrit les yeux, se redressa, retira ses écouteurs et baissa la tête vers la provenance du son. Un homme était assis au pied de l’arbre. Visiblement, il ne l’avait pas remarquée. Tant mieux, parce que c’était un excellent moyen de se rendre compte qu’elle n’était pas humaine. La branche où elle était perchée était difficile à atteindre et elle portait une petite robe pas du tout faite pour l’escalade. Cela dit, la fée ne pouvait pas descendre tant qu’il était en bas… C’était problématique. Tant pis. Elle allait devoir attendre.

Observant ce qu’il faisait, elle se rendit compte qu’il dessinait. Ombeline avait toujours beaucoup aimé les artistes, ils avaient une imagination folle et surprenante. Sans compter leur ouverture d’esprit qui en faisait des personnes très agréables avec qui parler d’absolument tout. Son premier mari était un peintre d’ailleurs.

Se penchant pour voir ce qu’il dessinait, elle plissa les yeux. C’était compliqué de voir quelque chose à cette distance… Elle se pencha encore un peu, s’appuyant sur une branche qui… craqua et dégringola aux pieds de l’artiste inconnu. Ombeline poussa un petit cri de surprise, manqua de tomber mais se rattrapa tant bien que mal et eut le réflexe d’utiliser ses illusions pour se rendre invisible. Elle espérait qu’il n’ait pas levé la tête juste à temps pour la voir disparaître.

Ombeline ne bougeait plus d’un pouce, espérant qu’il pense qu’il s’agissait d’un animal ou d’un truc comme ça. Elle ne savait pas qu’il l’avait vue l’espace d’une seconde et restait là, en équilibre à plat ventre sur la branche de la quelle elle avait faillit tomber. Au bout de longues secondes elle se dit quand même qu’elle ne pouvait pas rester indéfiniment comme ça et qu’il fallait l’éloigner de là, reporter son attention sur autre chose.

Elle se concentra et créa un bruit derrière lui. Improvisant, elle fit craquer les buissons et en sortir….. Qu’est ce qui allait en sortir d’ailleurs ? Elle n’en avait aucune idée tiens… Un truc pour l’effrayer ? Elle n’avait pas vraiment envie d’effrayer cet homme mais avait-elle le choix pour le moment ?
Sentant qu’elle mettait du temps à se décider, elle fit dépasser une épaisse fourrure du buisson et la fit passer de fourrées en fourrées sans vraiment se montrer, s’éloignant. Ce n’était pas la création du siècle, mais ça faisait longtemps qu’elle n’avait pas eut à agir dans l’urgence comme ça. Et puis tant qu’il n’allait pas la toucher et l’attraper, il ne pouvait pas découvrir qu’il n’y avait rien en réalité.

Profitant de sa diversion, elle essaya de se redresser sans bruit. C’était sans compter sur son téléphone qui décida de glisser de sa poche et d’aller s’exploser par terre. Surprise, Ombeline perdit sa concentration et sa diversion ainsi que son camouflage disparurent une seconde avant de revenir. Elle se maudit intérieurement et se figea, réfléchissant à un moyen de se sortir de cette situation.

Ombeline fut surprise de voir la branche craquer ainsi. Elle était beaucoup trop grosse pour céder ! Comment était-ce possible ? Un contrôle du bois ? L’homme en bas ne serait pas humain alors ? C’était une bonne nouvelle au moins. Et une moins bonne s’il commençait à essayer de la faire tomber.

Perdant sa concentration, elle redevint visible, se redressa et se retrouva à flotter à côté pour ne pas tomber avec la branche.

Branche qui ne tombait pas en réalité.

C’était… une… illusion…

La fée sentit son cœur s’arrêter une seconde et son souffle se couper. Se pourrait-il qu’il soit… Non, ce n’était pas possible. Elle avait cherché pendant des siècles et des siècles !! Peut-être existait-il d’autres créatures capables de créer de telles illusions.

Ou peut-être était-ce une autre fée.

Une bouffée d’espoir l’envahit et, toujours en l’air, elle baissa la tête vers l’inconnu et demanda :

- Qu’est-ce que tu es ?

Sa voix tremblait sous l’émotion et elle semblait clairement bouleversée.

Sa réponse était plutôt énigmatique. Il ne confirmait pas réellement sa nature de fée mais l’indiquait très fortement.

Totalement sous le choc, Ombeline atterrit en douceur, sans le quitter du regard. C’était à se demander si ce n’était pas une hallucination tellement il lui semblait impossible qu’une autre fée se trouve en face d’elle. Même ses illusions lui semblaient plus réelles que cette éventualité. Cela faisait tellement longtemps qu’elle cherchait, tellement longtemps qu’elle ne trouvait plus personne.

- Tu… tu es… une fée ?

Il lui fallait une confirmation. Il fallait qu’il le dise. Que par ses mots, cette situation devienne bel et bien réelle…

Elle l’observait comme on observait le fantôme d’un proche disparu. Sans y croire mais en espérant très fort qu’il soit vraiment là.

Ombeline avait tout un tas de questions qui se bousculaient dans sa tête : Comment avait-il vécu ? Qui était-il ? Avait-il aussi cherché d’autres comme lui ?

La présence de cette autre fée était absolument miraculeuse et cette étreinte faisait s’envoler des siècles d’angoisses à ce sujet.

Elle finit tout de même par desserrer son étreinte, lever la tête vers lui et vit qu’il pleurait aussi.

- Oh, désolée, dit-elle en essuyant ses larmes du bout des doigts.

Voilà qu’elle faisait pleurer la première fée qu’elle rencontrait. Elle qui préférait faire sourire les gens, c’était bien sa veine.

- J’ai tellement de questions… Mais très honnêtement, ça fait du bien de voir enfin une autre fée.

Ombeline essuya ses propres larmes. Des larmes de bonheur. Elle détailla un peu plus son semblable et, en plus de conclure très vite qu’il ne venait pas du peuple des fées irlandaises, comme elle, se dit qu’elle avait quand même une chance incroyable de le rencontrer dans un endroit pareil. Et puis il avait une bouille absolument adorable.

Elle avait envie de garder ce contact rassurant, de tout savoir de lui, comme si elle venait de retrouver un membre de sa famille perdu de vue depuis trop longtemps.

Elle pouvait poser autant de questions qu’elle voulait ? Eh bien autant commencer par la base !

- Comment tu t’appelles ? Hum, est-ce qu’on peut se tutoyer ?

Voilà qu’elle prenait ses aises maintenant… décidément, elle avait l’impression de faire les choses de travers depuis tout à l’heure… d’ailleurs…

- Oh, et désolée si je t’ai fait peur… j’étais sur la branche en train d’écouter de la musique et j’ai vu que tu dessinais, ça m’a intriguée..

Et dire qu’elle était bien partie pour fuir… quelle idiote ! Mais heureusement, elle avait été maladroite sur ce coup-là.

- Ombeline.

Ce n’était pas vraiment la peine de lui donner son nom de famille, Smith était en réalité un nom très courant qu’elle avait adopté lors de son intégration parmi les humains. Elle aurait même pu prendre Doe que ça aurait été pareil.

La fée s’excusa de lui avoir fait peur. Cela n’avait pas été son attention et il n’avait sans doute pas remarqué qu’elle était là avant lui en réalité. Elle se laissa entraîner et s’installa avec lui par terre. De près le dessin était vraiment joli, enfin, le croquis. Et ça avait quelque chose de dépaysant, d’intrigant. Cette pièce existait-elle ? Pourquoi dessiner cela en pleine nature ? Que savait-il dessiner d’autre ? Avait-il d’autres talents ? Qu’est-ce qui lui plaisait dans l’art ? Pouvait-elle voir d’autres choses qu’il avait dessinées ?

- C’est beau, j’ai hâte de le voir fini ! C’est un endroit que tu as imaginé ? Tu m’as l’air plutôt doué, tu t’entraînes depuis longtemps ? Tu as quel âge ?

Elle se reprit avec un petit rire :

- Hum, je devrais essayer de poser une question à la fois…

Elle avait l’air d’une enfant qui découvrait une nouvelle chose et posait bien trop de questions, mais c’était plus fort qu’elle.

Ombeline leva les yeux vers lui.

- Oh, tu as grandi dans un palais ?

Pour elle qui avait grandi en forêt, c’était un tout autre univers. N’avait-il jamais ressenti de manque vis-à-vis de la nature ? Au moins, il n’avait visiblement manqué de rien ! C’était l’essentiel. Enfin, elle l’espérait. Mais si on lui avait laissé autant de liberté, sans doute avait-il été bien traité.

- Je n’ai jamais fréquenté de roi, songea-t-elle, encore plus curieuse. Et pourtant, j’en ai passé des époques !

Elle avait l’impression qu’il avait vécu des choses exceptionnelles ! Enfin, elle disait ça avec ses mille ans d’ancienneté à elle... D’ailleurs, quand il lui dit son année de naissance, elle prit un air attendri.

- Aw, mais tu es jeune ! Je suis née en l’an 1010, au printemps. Tu viens d’où ? Je viens d’Irlande moi.

Ombeline l’écoutait sagement, ses grands yeux rivés sur lui. Elle avait remonté ses genoux contre sa poitrine et enroulé ses bras autour. Toutes ces fées massacrées. Pourquoi ? Par qui ? C’était si horrible ! Et ce bébé qui avait eut tellement de chance! C’était tellement rassurant ! Au moins il avait été choyé et protégé.

- Mais… Pourquoi es-tu venu ici alors ?

Après tout, s’il était bien là bas, s’il était sous la protection du roi, bien que ce dernier soit sans doute mort…. Hum… peut-être que c’était justement suite à un conflit…

Plus il parlait, plus Ombeline se posait de questions. D’ailleurs, elle se rendit compte qu’elle ne faisait que l’interroger sans trop lui laisser l’occasion de le faire pour elle.

- Oh, tu peux aussi me poser des questions bien sûr.

En le voyant aussi craintif et en entendant la raison pour laquelle il s’est retrouvé dans cette ville, Ombeline ne put s’empêcher de se rapprocher, inquiète et de lui prendre les mains pour le rassurer.

- Oh, désolée.

Sans hésiter une seconde, elle ajouta :

- Si tu as le moindre soucis, je suis là.

Ils se connaissaient à peine mais elle avait l’impression d’être plus proche de lui que de n’importe qui.

Puis il lui demanda comment c’était en Irlande. La fée réfléchit un moment et commença à décrire :

- C’était très vert, il y avait énormément de forêts, le temps était moins froid qu’ici…

Tout en disant cela, elle modifia l’environnement pour lui donner une petite idée de ce à quoi ressemblait l’endroit où elle vivait à l’époque.

- J’ai grandit en pleine nature avec les autres fées. Il y avait aussi des lutins, des farfadets, des sidhes, des elfes et plein d’autres créatures.

La forêt d’Irlande s’estompa pour des citées médiévales irlandaises.

- Mais avec l’expansion des humains, les déforestations massives, nous avons peu à peu été obligés à quitter notre environnement naturel pour nous fondre parmi les humains.

Ses illusions disparurent et elle précisa, légèrement perdue dans ses souvenirs :

- Tu es sans doute trop jeune pour avoir connu ça, mais nos pouvoirs actuels sont bien plus faibles qu’ils ne l’étaient à l’origine.

Ombeline sourit doucement lorsqu’il vint s’accrocher à son cou et lui rendit son étreinte. Elle adorait les câlins de base, mais tenir contre elle un des siens y donnait encore plus d’importance.

Il n’avait pas grandit au même endroit, alors elle lui expliqua à quoi ressemblait l’Irlande de son enfance, à grand renfort d’illusions. Surtout qu’étant plus jeune qu’elle, il n’avait jamais connu l’époque où leur puissance était, eh bien… normale.

À son tour, il lui montra où il avait grandit. La fée observa la chambre avec de grands yeux curieux.

- C’est magnifique.

Elle avait vraiment envie d’en savoir plus encore sur cette personne qu’elle découvrait à peine et qui semblait déjà prendre beaucoup d’importance pour elle.

- À quoi est-ce que tu occupais tes journées ?

Ombeline restait assise, observant et écoutant. Elle sentait l’herbe sous ses mains et voyait l’endroit où avait vécu Jimin tout autour d’elle. Cela faisait tellement longtemps qu’elle n’avait pas vu d’illusion autre que les siennes. Alors elle en profitait. C’était toujours agréable de voir ce que d’autres pouvaient imaginer. Enfin, ici, c’était plutôt pour lui montrer son ancienne vie. En somme, les fées n’avaient jamais eut besoin ni de photos, ni de vidéos. Les illusions pouvaient remplir ces fonctionnalités bien mieux en ajoutant même des informations supplémentaires. Enfin, c’était quand même mignon de voir les humains évoluer.

Visiblement, Jimin était très sociable. Un point commun avec Ombeline. En revanche, il avait bien plus la fibre artistique qu’elle.

- Ah oui ? J’adore danser mais j’avoue ne pas être très douée… surtout avec toutes les nouvelles danses actuelles.

Avant, tout était codifié, c’était simple, maintenant, c’était tellement varié, à la fois complexe et instinctif…

- Et maintenant ? Tu fais quoi ?

Elle précisa :

- Enfin, en général, pas maintenant ici, ce serait une question bête sinon.

Les yeux d’Ombeline pétillèrent lorsqu’il lui parla de lui apprendre quelques trucs en danse.

- Ce serait avec plaisir !

Et puis c’était toujours tellement amusant d’apprendre et de danser ! Et puis ce serait l’occasion de se revoir, de passer du temps ensemble ! Il lui semblait qu’elle avait besoin de passer du temps avec lui, avec ses semblables. Cela faisait tellement longtemps… elle ne s’était pas rendue compte à quel point ça lui avait manqué jusque là.

Puis, s’intéressant à ce qu’il faisait actuellement, elle fit remarquer avec un petit sourire :

- Donc, j’aurais des conseils d’un danseur professionnel… quelle chanceuse je fais !

Et répondit :

- Je suis infirmière… depuis des siècles. Enfin… depuis que les femmes peuvent travailler en Europe. Au début je m’étais dit que je ferais médecin quand je serais autorisée à le faire, mais finalement, je préfères le contact avec les patients, les bichonner et tout…