Sweet dreams are NOT made of this

La nuit est désormais cette période de la journée où je ne sais plus vraiment qui je suis. Vous allez me dire que c'est totalement idiot en sachant que maintenant, je vis beaucoup plus la nuit que le jour, même si je n'ai pas réellement besoin de sommeil pour être en forme. Je pense qu'au fond, on dort plus par habitude qu'autre chose. Peut-être aussi parce qu'on a tellement de temps maintenant devant nous que de dormir un peu ne nous fait pas perdre grand chose, peut-être simplement l'équivalent d'un battement de cil. Rien d'exagéré en soi à vouloir une bonne et longue nuit de sommeil. Pourtant, personnellement, je n'y arrivais plus aussi bien. Enfin, un peu mieux depuis que j'acceptais de boire du sang plus régulièrement. Peut-être que mon humanité commençait à me quitter à mesure que j'apaisais ma soif. Est-ce que c'est comme ça que ça fonctionne ? Est-ce que nos sentiments nous quittent totalement lorsqu'on accepte enfin pleinement qui nous sommes ? Si c'est le cas, peut-être alors que je tenterais un peu plus d'efforts ... Je n'en peux plus de voir et revoir sans cesse les visages des gens qui me sont chers et qui me manquent. Pourtant, tellement de mois ont passés sans que je ne donne réellement de nouvelles. Ils doivent penser que je les ai tous oublié, que je continue simplement ma vie quelque part sans eux, alors que non, je ne suis au final qu'à quelques pas et je ne peux même pas le leur dire. Ça me déprime. Je tente de me motiver en me disant que si je parviens à bien apprendre, à bien me contrôler ... Peut-être que je pourrais trouver des moyens de reprendre ma vie d'avant, même si ce sera difficile d'expliquer pourquoi je ne sors que la nuit.

Parlant de nuit, celle-ci vient de toucher à sa fin et je n'ai absolument pas envie de retourner dormir. Je me sens encore un peu en forme et je veux en profiter. Je profites donc justement du changement de quart de travail pour me faufiler un peu plus loin qu'à l'habitude dans les couloirs, gardant évidemment un oeil derrière moi pour vérifier si on me suit. Pour le moment non ... Mais je dois faire vite pour ne pas que l'on remarque mon absence. Je ne veux pas fuir, mais simplement explorer encore un peu plus. Je regarde un peu plus autour de moi, jouant avec les manches de ma veste. Je croise quelques médecins et infirmières, alors je baisse soudainement la tête, passant une main dans mes cheveux pour tenter de dissimuler un peu mon visage en même temps. Aller, si je ne joue pas le jeu de la personne en confiance, on va rapidement me griller. Je dois faire comme si je venais ici souvent. Je n'ai même pas le temps de recommencer à marcher que je sens quelque chose sur mon épaule, comme quelqu'un qui tapote. Sur le coup, je me fige et je suis certaine que si mon coeur battrait encore, il battrait à tout rompre à cet instant précis. Je tourne la tête en entendant une voix et je tente de me détendre en voyant que c'est simplement un homme, pas du tout vêtu comme un médecin. Machine à café ?

- Euh ... En fait, je ne connais pas vraiment le coin ...

Je ris un peu en me mordant la lèvre. Je suis assez mauvaise actrice de toute façon. Je pense qu'il doit même très bien voir dans mon regard que je me questionne, mais il ne pourra évidemment pas y lire que j'aimerais comprendre ce qu'il est. Il est si musclé, mais pourtant plus petit que moi. Pas de tellement beaucoup, mais assez pour que je baisse un peu les yeux. Je lui souris à nouveau par la suite.

- Mais il y en a vraiment partout dans cet hôpital, juste en arrivant de l'aile là-bas, j'en ai croisé 2. Je peux peut-être vous montrer l'une de celles-là ? Ce n'est peut-être pas la plus près, mais si ça ne vous gêne pas de marcher un tout petit peu plus ...

Après tout, j'avais toujours aimé aider les autres, ce n'est pas le fait que je sois devenue une vampire ou que mon ancienne vie me manque que je vais rejeter complètement tout ce que j'ai déjà été.

La curiosité a toujours été l'un de mes plus vilains défauts. Ce n'est pas de ma faute, j'ai toujours été comme ça ! Et je n'ai jamais réellement punie ou quoi que ce soit d'autre à cause de cela, alors ... L'habitude est restée ! Même si maintenant je connais certaines choses que j'ignorais enfant, et je sais maintenant que ma curiosité peut rapidement devenir dangereuse, mais ... A quoi serait donc utile d'être immortelle si je ne pouvais pas en profiter un petit peu ? J'avais dis que je profiterai de cette nouvelle vie, de cette nouvelle chance … Et à mon avis, ça pouvait bien passer par de nouvelles explorations de l'hôpital. Je ne me considérais pas comme un danger maintenant.

Je souris finalement à l'homme. Quelque chose chez lui m'intriguait mais j'étais tout simplement incapable de mettre le doigt sur le "quoi". Raison de plus de bien vouloir lui donner un petit coup de main. Par contre, puisque nous étions toujours du côté surnaturel de l'hôpital, je me devais de faire attention. J'avais entendu parler de chasseurs dans la salle commune et même si je n'étais pas familière avec ce terme, je n'avais pas eu trop de mal à comprendre la finalité d'une rencontre avec quelqu'un comme ça. Et j'avais aussi compris qu'ils étaient prêts à tout pour atteindre le but … Alors pourquoi pas même de se faire passer pour un homme perdu à la recherche d'une machine à café ? Non non … Il ne me sert à rien de paniquer ou de me faire de faux scénarios. Il y a des gens partout ici de toute façon.

-Vous êtes en attente de voir un des médecins de l'urgence alors ? Il ne faudrait pas trop s'eloigner pour pouvoir entendre si vous êtes appelé … Même si les hauts parleurs peuvent être entendu d'assez loin si ils répètent. Ou vous êtes peut-être en visite pour voir quelqu'un ?

Je lui souris un peu en commençant à marcher dans le couloir avant de me crisper un peu quand il me parle de ma partie de l'hôpital. J'espère ne pas être devenue trop blanche et je viens passer ma main dans mes cheveux pour tenter de me donner contenance. Je n'ai pas envie qu'on sache que je suis une patiente ici, même si c'est un peu de ma faute si il en fait la supposition. Je m'empresse de tirer la manche de ma veste sur mon bracelet d'identification de l'hôpital, tout en tentant de ne pas trop attirer son attention sur mon mouvement.

- Oh non non, je ne vis pas ici. Je suis venue rendre visite à une amie, mais elle est ici depuis longtemps du coup … Je connais assez bien son département, mais non je peux vous assurer que le café devrait être bien meilleur ici, ceux sur les étages semblent tous suffisamment infectes pour faire descendre tout le monde ici et ne pas avoir trop de machine à sous à vider régulièrement.

Je lâche un petit rire, complètement nerveuse même si je tente de le cacher. Improvisation ratée ? Seule sa réaction me le dira, mais j'espère que même si il ne me croit pas, il fera l'effort de faire semblant devant moi. Je veux simplement pouvoir discuter normalement avec quelqu'un qui ne sait pas que je suis malade, quelqu'un qui pense que je suis normale. Nous arrivons quelques instants plus tard face à l'une des machines à café et je souris à l'homme.

-Et voilà ! J'espère que vous êtes prêt, elle a beaucoup de question.

Taille du gobelet, choix de café, niveau de caféine, mousse, ect … À croire qu'il fallait obtenir la moyenne à un quiz pour obtenir un café.

- Au fait, je m'appelle Artemis et vous ?

J'aurais peut-être pu donner un faux nom, mais au fond à quoi bon et si il ne connaît pas mon nom de famille il ne devrait pas pouvoir fouiller sur moi de toute façon ! En tout cas, je l'espère … Bon ça y est que je recommence à délirer.

Je souris un peu à l'homme, même si je ne suis pas trop certaine de comprendre ce qu'il vient faire ici si ce n'est ps très urgent parce que du coup il bloque potentiellement la place de quelqu'un qui pourrait en avoir plus besoin ... Je n'ose toutefois rien dire puisqu'il est tout de même assez imposant en son genre.

- Je suis heureuse pour voir alors si ce n'est pas trop grave ... Ce n'est pas génial de devoir être hospitalisé lorsque c'est trop grave.

Je dois tout de même faire attention à ce que je dis si je ne veux pas trop contredire ma propre couverture que je viens de me construire en disant que je suis venue rendre visite à une amie. J'ai l'impression que je m'empêtre moi-même dans mon mensonge et je déteste ça. Lorsqu'il me demande ce qu'elle a, je me retiens de justesse d'ouvrir de trop grands yeux. Vite, vite ... Je repense à mon amie d'enfance et je fais une petite moue triste.

- C'est un peu compliqué, mais elle est en attente d'une greffe de rein, du coup chaque jour elle doit faire des dialyses et toute sorte de traitements compliqués ... Alors je viens lui tenir compagnie le plus possible !

Je pense que ce n'est pas tout le monde qui connait les termes de toute façon donc ça ne devrait pas faire de moi quelqu'un de louche ... pas vrai ? Non ? Bon et bien ... Changement de sujet avec les présentations et heureusement, je pense que ça marche. Par contre, il n'est pas tout à fait rassurant comme type, même si au départ je ris un peu, finalement mon rire devient un peu teinté de malaise.

- Vous calmez ?

Il me montre alors sa main qui tremble et je fronce un peu les sourcils dans une forme d'inquiétude.

- Je ... C'est pour ça que vous veniez consulter un médecin ? Vous ne savez pas pourquoi vous avez ces tremblements ?

Je me mords la lèvre presque directement après avoir terminé ma question. Je pense qu'il va facilement comprendre que je suis gênée d'avoir été aussi curieuse, mais je n'ose rien ajouter ayant au fond un peu peur de sa réaction.

A la réplique de l'homme, je confirme d'un hochement de la tête. Au fond, nous disons la même chose, ce qui me fait un peu sourire. Il a dû mal me comprendre tout simplement.

- Oui, je suis d'accord ... Mais justement, il vaut mieux éviter d'attendre que ce soit trop grave et de justement venir avant, comme vous le faites, ça évite les possibles complications.

Je souris tout simplement, espérant ainsi l'inviter à continuer à se présenter pour voir un médecin même dans des cas moins grave justement, parce qu'il semble presque surpris de ce qu'il vient lui-même de dire alors ... un petit encouragement ne ferait peut-être pas de mal ! Par la suite, je lui parle de mon amie imaginaire et de son problème de rein tout aussi imaginaire et je me sens extrêmement mal lorsqu'il se montre aussi compatissant à son égard, surtout qu'il semble avoir vécu quelque chose de similaire ... Ce qui me fait me sentir encore plus mal ! Pourquoi est-ce que ce genre de situation malaisante tombe toujours sur moi ?

- Oh ... Vous avez été malade vous aussi ?

Trop curieuse. Encore. Je devais vraiment apprendre à tenir ma langue. Mais au fond, peut-être qu'il pourrait réellement m'aider avec son expérience. Moi aussi dans un sens j'avais une maladie pour laquelle je ne pouvais rien faire d'autre (ou presque) et attendre le meilleur. Je le vois presque sursauter ou en tout cas, sortir de ses pensées où il semblait s'être bien empêtrer lorsqu'un infirmier appelle quelqu'un. J'écoute alors ce qu'il me répond et je me sens plutôt triste pour lui. J'avais eu raison au fond un peu plus tôt d'insister à lui conseiller de consulter plus tôt lui aussi.

- D'accord ... J'espère que le médecin parviendra à trouver le moyen de vous aider à dormir un peu mieux ... Je ne pense pas que ça vous sera d'une très grande aide, car vous avez surement utiliser déjà toutes les techniques, mais personnellement, c'est le sport qui m'a toujours aidé à dormir ... La danse plus particulièrement, même si je pense que ça ne doit pas être votre sport préféré ! Même si je peux me tromper.

Je souris pour ne pas qu'il pense que je me moque de lui. Je suis peut-être simplement un peu nerveuse de parler de moi, de donner des conseils par rapport à moi qui sont un peu trop précis à mon sujet.

L'homme m'avait surpris d'admettre qu'il fallait venir tôt à l'hôpital lorsque le besoin s'en faisait ressentir, puisqu'il était assez rare que les gens aient cette attitude. Surtout les hommes en plus ... Mais j'étais heureuse pour lui en tout cas qu'il ait cette façon de pensée, certaine que ça lui serait utile pour maintenant ainsi que pour le futur. Mais lorsqu'il me parle de sa femme, je suis soudainement triste pour lui. Je n'avais "que" perdu ma mère et ça avait été affreux, même en passant ses derniers jours avec elle.

- Je suis vraiment désolée pour vous que les médecins n'aient rien pu faire ... Mais je suis certaine qu'elle comprenait que vous aviez été obligé et que vous auriez préféré resté à ses côtés ...

Je ne lui disais pas que pour lui faire plaisir ou lui remonter le moral, je le pensais réellement. On sous-estime souvent la capacité des malades de comprendre ce qui les entoure et le fait qu'ils savent très bien que notre vie continuera après leur départ et que donc du coup ... Nous ne pouvons malheureusement pas la mettre sur pause indéfiniment. Je lui adresse ensuite un petit sourire.

- Ça se comprend, déjà qu'en temps normal le manque de sommeil fait pas mal de ravage ... Si ça fait vraiment longtemps que vous ne dormez presque plus, c'est normal que vous soyez un peu à cran.

Je l'avais été pour bien moins que ça d'ailleurs, mais je me garde mon commentaire pour moi. Je le regarde jeter son gobelet alors que je lui parle de danse et qu'il me surprend, me faisant sourire un peu plus grandement.

- Pour le coup, je suis très heureuse de m'être trompée ! J'aimerais beaucoup vous voir danser ! Mais oui ... Mon amie devrait être là encore un moment ... Ça peut attendre une prochaine fois pour ne pas empirer votre état ... Mais même si j'ai très envie de vous voir danser ... Je vous souhaite que le médecin trouve votre souci sans que vous n'ayez besoin de revenir trop souvent.

Mais ça me faisait du bien à moi aussi pour le coup de pouvoir parler de danse. Mon sourire était encore plus sincère.

- Je faisais du hip-hop ! Un style qui bouge assez et qui fait dépenser pas mal d'énergie ! Mais je pense qu'on est beaucoup à passer par un parcours classique avant de trouver notre style, au moins pour le côté strict et plus rigoureux, qui donne directement le ton à ce qu'on doit faire par la suite.

Je souris puis je lève la tête vers l'un des haut-parleurs en entendant un nouveau nom être appelé. Nils. Je repose mon regard sur l'homme face à moi, souriant un peu plus, heureuse qu'il n'ait pas eu à attendre trop longtemps.

- Je crois que c'est votre tour. Je vous souhaite sincèrement que tout aille bien pour voir dans le futur ... Vous semblez réellement le mériter ... Et si on ne se revoit pas ici, j'espère vous revoir quand même peut-être en dehors d'ici !

Même si pour moi ... Ça risquait d'être plus compliqué. Je lui adresse finalement un petit sourire avant de partir de mon côté, plutôt heureuse de cette rencontre.