Lorsque deux mondes se confronte (Ombeline Smith)

C’est la fin de la journée et surtout le début d’un mois… Arrive donc la tâche la plus chiante qui existe dans ce métier : aller dans la réserve et voir ce qu’il nous reste, ce qui nous manque, si c’est bien à sa place bla bla bla bla bla… Non mais sérieusement est-ce que j’ai une gueule d’homme de ménage ? Ou d’un comptable… Surtout pas d’un comptable d’ailleurs ! Le seul comptable que je connais c’est Samaël et c’est pour moi l’incarnation de mon sida à moi. Quelque chose qui me ronge depuis des années, qui m’affaiblit, m’isole, fait en sorte que je suis ce que je suis, que je suis celui qui porte se masque, jusqu’à ce qu’il me tue à force de m’affaiblir. Ça… C’est Samaël, alors clairement, non, je n’ai pas envie d’être un comptable comme ce vieux démon.

Quoi qu’il en soit, j’ai été de corvée pour cette fois, je sais pas si quelqu’un d’autres va être de corvée également, mais ça me fou de mauvaise humeur, remarque ça à un côté extrêmement pratique pour le masque social que je dois constamment porter ici. Soupirant j’entre dans la réserve et allume la lumière en fronçant les sourcils. Je commence alors à m’approcher d’une étagère munie de la planche sur laquelle mon stylo et ma feuille de compte se trouvent. Putain ce que ça me fait chier !

Non, décidément non, ça risquait pas de me mettre de bonne humeur cette histoire de devoir ranger la réserve ! Je n’étais pas cendrillon où je sais pas quoi. Puis il y a eu pas des gens fait pour ça ici ?! Genre comme l’autre vampire-là… Eliaz ! l’homme de ménage, c’est supposer faire ça non ?! Enfin là c’est plus l’inventaire, mais je suis presque sûr qu’il y aurait des gens pour ça. Quoi qu’il en soit je pensais être seul, sauf qu’une voix se fait rapidement entendre. On peut dire que la femme, d'une beauté presque surnaturelle lorsque mon regard se pose sur elle, est discrète ou au pas léger parce que je ne l’avais pas senti. Cependant elle dégage quelques choses qui m’irrite d’entrée de jeu… Ah oui ! Surement sa trop grande bonne humeur !

-Parce que ça te réjouis-toi de faire ça ?

Je relève un sourcil en voyant qu’elle semble vraiment joyeuse et c’est la seule chose que je trouve à répondre face à sa première phrase. Parce que je ne dirais certainement pas « merci » ou quelque chose comme ça. Lui jetant un petit regard je finis par reprendre ma planche de bois avec ma feuille.

-Aedan… Et je suis loin d'être nouveau ici

C’est compliquer avec les nouveaux. Ils ne savent pas encore vraiment quelle réputation j’ai, comme celle du parfait connard, mais en même temps… Je suis un excellent infirmier… Je ne sais pas si je veux que cette réputation me colle encore à la peau, mais en même temps je n’ai pas le choix avec Samaël, alors je suis toujours bridé… Je suis compliqué. Me comporter avec les gens ? C’est compliquer.

J’ai un sourcil qui se relève lorsque je vois que le sourire de la jeune femme face à moi devient plus grand. Pourquoi est-ce qu’elle sourit ? Il n’y a rien qui donne envie de sourire… Je ne vois vraiment rien de quoi rendre quelqu’un joyeux. Et je ne peux m’empêcher de rouler des yeux en l’entendant parler d’esprit aéré, que ça fait du bien ou je ne sais pas quoi. Est-ce que je suis tombé sur une bouddhiste ou quelque chose du genre ?! Toujours grognons, je réponds du tac au tac.

-Ou pas. J’ai passé un diplôme ce n'est pas pour faire le larbin… Pas plus que ce qu’on nous traite déjà en tout cas.

Cependant ce n'est sur qu’avec des personnes comme elle… Et bien les « plus forts » ne se gênaient pas pour profiter encore plus. Quoi qu’il en soit il y avait quelque chose qui me rendait triste en elle et qui du coup m'énervait encore plus. Qu’était-ce ? Sa bonne humeur… Ça me rappelait tant Liorah… Soupirant à cette pensée je me concentre sur la première rangée que je compte avant de jetant qu’un petit coup d’oeil à la belle brune.

-Malheureusement oui… Un peu trop. Franchement, comme si l’homme de ménage qui a pas grand-chose à foutre ne pouvait pas le faire !

Comptant rapidement, je note quelques petites choses sur mon carnet.

-Nous, tu vois; on surveille, on intervient, on fait même des gardes. On n'a vraiment pas besoin de ça en plus.

Je stoppe quelques minutes ce que je fais lorsqu’elle prend la défense des hommes de ménages ou femmes de ménage dont je parle. Je la fixe quelques secondes en relevant un sourcil. Elle glisse ça tout naturellement et continue sa vie. Elle semble être le genre de personne à défendre tout et n’importe quoi tout en m’agitant son stylo rose paillette sous le nez… Je crois que je n’aurais jamais autant haï un inventaire. Encore plus si on part sur ce pied-là. Enfin je dis ça, mais… La plupart des personnes que je côtoie ça finis ainsi… Je suis le beau connard, on ne parle pas et tout va bien dans le meilleur des mondes. Enfin pour celui en face, moi ça me demande un effort considérable. Comptant alors quelques boîtes de médicaments je note le nombre avant de me tourner vers la jolie brune qui a un charme… Que je n’ai jamais vu auparavant, mais bien présent. Je lâche alors un rire, comme amère.

-Qui écoute les petits infirmiers… Personnes. C’est les chirurgiens qui font la loi ici, les docteurs, les spécialistes, pas nous.

Rien au vu de comment ils nous parlaient parfois. Mais bon… J’avais faits un choix il y a des années, ne pas continuer mes études pour garder un œil sur ma sœur à cause de cette saloperie de démon qui en voulait après sa vie et qui rodait à l’hôpital pour me surveiller. Au fond j’étais amère d’avoir abandonné un métier qui me tenais à coeur. Mais c’était fait et ce n’était pas possible de revenir en arrière. Je suis sortie brusquement de mes pensées lorsqu’elle tente de rendre ça « fun » et surtout… Qu’on poursuive cette conversation ailleurs. J’étais assez surpris parce que je pensais avoir été assez de mauvaise humeur pour la faire fuir un petit moment, mais visiblement pas. Alors… Je pense à quelque chose qui pourrait probablement la vexer. J’étais ainsi, j’avais peur qu’on m’approche de trop parce que… Tout simplement je n’avais pas envie d’avoir la vie d’autres personnes sur la conscience.

-C’est tout trouver. Ton stylo, franchement qui achète vraiment ça et l’utilise ?

Je parlais, je me plaignais et tout ça sans réellement m’en rendre compte. Inconsciemment je le faisais devant cette petite nouvelle. Je ne savais pas réellement quel lien elle avait ici en plus, si ça se trouve c’était la nièce de je ne sais quel médecin important ou même la femme ou je ne sais pas quoi… Mais pourtant je le faisais. Moi qui parlais si peu d’habitude je le faisais et elle m’écoutait… Mais tout ça ? Je n’en avais aucunement conscience en réalité. Ce qui pourra n'être que plus énervant lorsque je vais m’en rendre compte, certainement…

Quoique ce bout de femme parvienne à faire des choses bien compliquer normalement avec moi. Déjà elle me fait parler, elle garde son air innocent et gentil et me propose même un jeu auquel je ne veux pas participer, mais je le fais quand même… Encore une fois sans m’en rendre compte puisque je voulais simplement lui faire peur, l’éloigner de moi… Lui montrer ce que les autres voient de moi : le méchant Aedan bouh hou-hou… Mais alors là j’ai une réaction inattendue, un rire... Elle se met à rire. Elle se dénigre dans un sens elle-même et tout ça m’interpelle tout simplement. Plissant légèrement les yeux et la trouvant de plus en plus bizarre je bouge légèrement pour partir sur l’autre étagère où je continue de compter le nombre de cachets présents et de le noter. Le temps n’avait plus de place ici, je ne sais même pas depuis combien de temps nous sommes enfermés ici… Tout ce que je sais . C’est qu’elle a un petit je ne sais quoi qui me fait parler, ce qui ne m’avantage pas, alors je tentais de me taire...

M’éloignant au final de cette source de… Paillette, je tentais de paraître le plus grincheux et antisocial possible. En réalité je n’étais pas du tout comme ça et avant j’étais même quelqu’un de très entouré ! Mais la vie en a décidé autrement et je ne peux de toute façon pas revenir en arrière. Lorsque dix ans sont passé à jouer un rôle, à porter un masque… C’est difficile de le retirer, de le laisser. De toute façon hors de question de laisser quoique se soit, c’est la vie de ma sœur jumelle ou même de ma mère qui pourrait être en jeu si je laissais de telle chose se produire.

Soupirant le plus silencieusement possible j’essayais de ne pas penser à tout ça. Plus je pensais à ça et plus j’étais énervé, dans le fond ce n’était pas plus mal pour le masque que je devais porter, mais pour une fois… Je n’avais pas envie de m’énerver inutilement sur quelqu’un ! Elle semblait comprendre de ne pas trop m’approcher et donc je ne vois pas pourquoi je m’en prendrais à elle plus que nécessaire. Sortant brusquement de mes pensées lorsqu’elle reprend la parole je lui jette un regard.

-L’autre côté, le « secret »… Disons que je suis plus utile de l’autre côté… Et... toi ?

C'était la chose à faire non ? Lui demander en retour... J'imagine. Quoi qu'il en soit avec ma magie c’est plus facile de maitriser les sont les plus récalcitrants… Je finis par fixer la jolie brunette. Si elle me demandait ça… C’est qu’elle était au courant de quelque chose ! De toute façon elle bossait ici ? Donc elle le savait surement. Penchant légèrement la tête je tentais à présent de savoir ce qu’elle pouvait bien être.

Je suis surpris par la question de ma collègue… Normalement on ne se pose pas de question. On le sait c’est tout, mais si elle est nouvelle… C’est normal je dirais. Enfin aussi normal que la définition de « normal » puisse l’être ici. Je la regarde donc me dire qu’elle n’a donc pas besoin de tabouret et je relève un sourcil pour me demander ce qu’elle veut dire par-là. Je ne me questionne d’ailleurs pas longtemps puisqu’elle saute en l’air, mais flotte dans les airs au lieu de retomber. Je reste clairement comme un con quelques secondes à l’observer… Avant de me reprendre lorsqu’elle reprend la parole.

-Euh hm…

Fronçant finalement les sourcils pour me reprendre correctement, je m’éclaircis un peu la gorge pour reprendre contenance.

-Un sorcier… Et toi ?

J’avais beau chercher, je ne voyais pas ce qu’elle pouvait être. Pourquoi je lui disais ce que j’étais ? Parce que ce n’était pas un secret ici pour les personnes qui me connaissaient bien. Enfin aussi bien qu’on puisse me connaître vu la carapace que je mettais autour de moi. Et puis… Elle ne semblait pas méchante, je ne risquais donc rien.

Pourquoi je lui disais tout naturellement ce que j’étais ? Je n’en sais rien… Peut-être parce qu’elle venait de me perturber avec « son tour de magie ». Clairement je ne voyais le fait qu’elle ne pouvait être qu’une sorcière, sauf que… Même les sorciers ne faisait pas ça. Nous n’étions pas comme des stéréotypes fournis et inventés par le cinéma en nous baladant sur un balai volant avec un chat noir et un grand chapeau. Je n’avais ni grand chapeau, ni balais volant et ni chat noir. Puis elle me dit qu’elle est une fée. Une fée ? Je relève un sourcil et la fixe un instant. Est-ce qu’elle se fout de moi ? Les fées… C’est bien la créature que je n’ai jamais rencontré de toute ma vie. J’en ai vaguement entendu parler, mais après… Notre mère préférait ne pas trop nous mêler à tout ce qui était magique pour ne pas nous attiré d’ennuis justement. Si seulement elle savait que c’était trop tard…

Sortant de ma bulle de pensée, je n’osais pas vraiment poser de questions. Je ne voulais pas paraître curieux, même si je l’étais… Mais j’avais un masque et un rôle à tenir ! Je ne pouvais donc pas la questionner en lui montrant que sa race m’intéressait. Finissant toute une étagère, je passe à la dernière de la réserve et reprends alors doucement. Par cette phrase j'espérais en savoir plus, sans devoir la questionner et le tout en me montrant « fermer ».

-Une fée ? Je n’ai jamais eu la moindre connaissance de fée.

Une fée… Je faisais face à une fée. Jamais entendu, jamais vu. Enfin entendu bien sur que si… Mais pas « pour de vrai » on va dire. Après… Je ne suis pas infaillible et en fait je réalise que ma connaissance du monde duquel je viens est limité aussi à mes études pour être infirmier… Je suppose que c’est donc normal de ne pas en avoir connu avant, d’avoir su qu’elles étaient vrais. Après tout on n'a jamais eu de fée en patiente. D’ailleurs est-ce toutes des femmes ? Voilà maintenant que je me questionnais, mais je ne pouvais pas avoir l’air aussi curieux que je l’étais réellement. J’étais quelqu’un de très curieux avant… J’avais soif d’apprendre, mais Samaël me prends, petit à petit, toute ma lumière. Et le peu qu’il m’en reste… Je la cache bien précieusement. Finalement elle me fait comprendre qu’elles sont rares… Et à sa phrase je ne peux m’empêcher de me tourner vers, intrigué. Je la fixe un moment et parle sans réellement le réaliser.

-Ta race est en train de mourir en fait ?

Je en voyais que ça… Comme réponse à ses phrases. Je manquais de tact... C’était certain, mais c’était une épreuve de tous les jours pour moi maintenant de continuer à parler… Avec des gens. Sans les envoyer chier je veux dire.

Finalement l’inventaire se finit et je lui tends la main pour qu’elle me donne sa propre fiche, ne faisant qu’hocher la tête lorsqu’elle me dit qu’on a fini. Lorsqu’elle me rend sa fiche je l'agrafe à la mienne puis relèvent finalement les yeux pour la regarder. Mon premier reflexe est de décliner l’offre et en même temps le côté victoire m’attire… Donc…

-Ok… Mais rapide… Je suis de garde après… Je vais déposer ses papiers avant...

Puis je sors de la réserve pour aller déposer les papiers au bon endroit.