Ce n’est pas ma faute cette fois, je le jure! -Fin avril 2019- (Aedan Cursse)

Je commence à réellement me sentir mieux dans ma peau, bien dans ce que je suis devenue. Ce n’est pas encore ancré totalement dans ma tête, ça ne se fait pas que par automatisme encore non plus évidemment. Je pense qu’il y aura toujours une partie de moi qui voudra y mettre un frein, mais j’ose espérer qu’un jour, ça me fera un peu moins mal de penser à la vie que j’ai laissé derrière moi, au sang que je dois boire pour me nourrir et continuer de survivre … Peut-être même qu’un jour, je pourrais même dire que je vis réellement et pas juste que je survis, mais pour cette étape, je pense que ça va encore prendre un bon moment. Je ne veux plus uniquement mourir, mais je ne saute pas de joie à l’idée de vivre non plus. Ça viendra. J’ai confiance, un jour j’irais complètement mieux.

Je vais toutefois suffisamment bien pour avoir eu droit à des sorties en dehors de ma chambre, dans le parc et même carrément hors de l’hôpital et ça m’a vraiment fait le plus grand bien.  Du coup, c’est dans l’optique de passer un autre bon moment, même si cette fois je suis seule. Ça devrait bien se passer aussi, non? Enfin, c’est ce que je croyais jusqu’à ce que, à peine quelques minutes plus tard à peine, je vois un jeune homme assis parterre, contre un mur. Au départ, je tente de ne pas focuser mon attention sur lui, me disant que moi aussi si je voudrais prendre une pause de marcher, je regretterais qu’il n’y ait pas plus de chaises dans les couloirs,  mais … une odeur me prend soudainement au nez, l’odeur du sang. C’est lui qui saigne, je vois finalement le sang au niveau de son ventre, ses mains posées dessus et son visage pâle. Bordel, pourquoi est-ce que je me retrouves toujours dans des situations compliquées comme celle-là? Je m’avance alors rapidement vers lui après avoir attrapé une serviette sur un chariot.

- Attends appuie fort .. Venez nous aider!!

Je l’aide à tenter d’empêcher le sang de couler, mais je sens mes crocs appuyer contre mes lèvres, le coeur battant fort et mes mains tremblantes de la vue de tout ce sang..  

J'ai du mal à me contrôler de voir tout ce sang, mais surtout d'en être si près et de sentir l'odeur qui entre dans mes narines et semble aller tout droit vers mon estomac. J'ai faim, j'ai si faim ... Non, je n'ai pas faim ! Je viens tout juste de manger, je n'ai pas faim ! Je tente de me répéter cette phrase tout en appuyant encore plus fort sur la plaie du jeune homme avec la serviette qui rapidement n'éponge plus rien tellement elle est imbibée de sang.

- Arrête de saigner, arrête de saigner ... !

Si seulement le simple fait de le dire pouvait faire que ça se produise réellement ! Mais c'est loin d'être le cas, j'ai même l'impression que ça empire de seconde en secondes, tout comme mes crocs qui poussent de plus en plus contre mes lèvres. Heureusement, des infirmiers viennent finalement chercher le jeune homme et je peux alors tenter de reprendre un minimum mon souffle, mais ce n'est pas gagner. L'adrénaline du moment coule encore à flot dans mes veines. Et de toute façon, je n'ai pas vraiment le temps de souffler que j'entends une voix et, sans avoir réellement compris ce qu'elle me disait, je me retrouver projeter contre le mur alors que je tentais de me redresser pour m'en éloigner. C'est après avoir fermé les yeux sous l'impact que je vois alors Aedan juste devant moi. Je ne comprends rien, j'ai la tête qui tourne et j'ai du mal à me reconcentrer. Je n'ai pas le choix pourtant, parce que je vois bien qu'il semble être dans une colère noire. Pourquoi ? Je n'ai rien fais de ...

- Ce n'est pas moi !! Ce n'est pas moi, je le jure ! Je voulais simplement l'aider ! Il saignait, il était au sol, il avait une plaie ...

Je parle avec une sorte d'énergie du désespoir en tentant de me redresser pour lui montrer qu'il n'y a que mes mains qui sont couvertes de sang et pas ma bouche, malgré mes crocs sorties, la voix un peu tremblante parce que je dois l'avouer, dans un sens, je crois que j'ai autant peur de lui que lui a peur de moi. J'ai peur de sa haine, de ses pouvoirs et du fait que mis ensemble, je suis certaine de voir dans son regard à cet instant précis que rien ne pourrait le retenir de me tuer, pour la seconde fois de ma vie.

Sa colère, je ne fais pas que la voir, je la ressens dans chaque cellule de mon être. ll dégage une puissance négative si forte que n'importe qui pourrait la ressentir. J'en tremble alors que je suis parterre, presque en boule contre le sol et contre le mur, comme pour tenter de m'éloigner le plus possible de lui, mais pas simplement parce qu'il me fait peur dans un sens, mais pour aussi lui montrer que je ne veux pas lui faire de mal moi non plus. Lorsqu'il me redresse d'un coup en me tirant violemment le bras, j'étouffe difficilement un nouveau sanglot, ne voulant pas l'énerver encore plus que ce qu'il ressent déjà à mon égard ... Je me mords fortement la lèvre pour tenter de retenir mes larmes, mais j'ai du mal. Encore plus à ses paroles qui me font secouer la tête de gauche à droite. Je ne veux pas l'énerver, mais je veux qu'il sache ... Je veux qu'il me croit lorsque je lui dis que j'ai fais les efforts que je lui avais promis que je ferais.

- Je ne suis plus un monstre ... Je n'ai pas refais de mal à qui que ce soit depuis ...

Ma voix est tremblante alors que je relève les yeux pour regarder dans les siens, qu'il y lise ma sincérité, après que j'ai essuyé mes joues pour en chasser le plus possible la trace du monstre que je me refuse à être, celui que je laisse au plus profond de moi en le nourrissant régulièrement, malgré que cela me répugne ...

Je veux lui prouver, lui faire comprendre que je ne suis pas un monstre et j'insiste alors sur ce fait, je ne veux pas qu'il me voit encore et encore comme ce monstre que je ne suis pas et que je ne veux pas être. Mais mes paroles ne semblent avoir aucun impact sur lui, aucun impact sur ce qu'il ressent à mon égard. Je pleure un peu plus même si ça aussi, j'aimerais ne pas lui montrer. Il vient cueillir une larme sur ma joue et je peux voir la goutte de sang qui se dépose sur son doigt. Je sers alors fort les paupières face aux paroles qu'il me dit, tentant tant bien que mal de contrôler mes sanglots et ne pas pleurer plus ...

- Ce n'est pas moi ... Je ne suis pas que ça ...

Je souffle dans un murmure et heureusement qu'il est très près de moi, sinon il aurait très bien pu ne pas l'entendre. Ses paroles suivantes me font l'effet d'un coup de poignard et je me mords alors la lèvre. Je secoue la tête et je tente alors de le repousser, doucement, mais fermement tout de même.

- Je ne suis pas une tueuse ! Je ne t'ai pas tué et cet homme, je tentais de le sauver ! Tu ne vois que ce que tu veux bien voir, tu ne vois pas tous les efforts que j'ai fais dans les derniers mois pour contrôler cette nature de vampire ... Je ne suis pas encore parfaite, mais je fais tous les efforts du monde pour que jamais ce que je t'ai fais ne se reproduise ... Je m'en veux encore et je m'en voudrais toujours ...

Je sais que pour lui, les paroles ne veulent sans doute rien dire, mais celles-ci sont la réflexion des actes que j'avais fais pourtant. Elles étaient sincères et je voulais qu'il y croit.

Je pense que si mon coeur battrait encore, même Aedan pourrait l'entendre tellement il taperait fort dans ma poitrine. Je me sens triste et désemparé, mais aussi en colère. En colère contre moi surtout, de ne pas réussir à lui prouver que je ne suis pas qu'un monstre. Je suis tellement mal que je ne fais même pas attention à la façon dont je formules ma phrase et il la retourne alors contre moi. J'ai envie d'hurler, de lui hurler d'ouvrir un peu son esprit, que ce n'est pas en pensant comme ça qu'il va nous aider, nous les "mauvais" vampires, les vampires mordus, a accepté leur condition et à apprendre à se contrôler.

- Bien sur que ça fait partie de moi, mais est-ce que les humains sont réellement mieux ? Les prisons sont remplis d'hommes bien pire que de nombreux vampires ! Les tueurs ne sont pas que surnaturels ...

Je faisais écho à sa phrase sur les tueurs bien habillés. Il y avait bon nombre de psychopathes, humains du coup, qui étaient des êtres dangereux. Je détourne la tête quand il me répond sur le pourquoi je ne l'ai pas tué, venant serrer mes bras autour de moi comme pour me protéger de ses paroles.

- Mais maintenant je me contrôle ... Je bois quand je le peux, quand je le dois ... Je n'étais pas moi-même ... Et clairement, en ayant toute ma tête comme maintenant, je ne voudrais pas m'en prendre à toi ... Et pas parce que je sais que tu peux me recasser les bras, mais juste parce que je ne souhaites plus m'en prendre à personne ... Je veux que tu me crois, qu'est-ce que je peux faire pour que tu me crois ?

Je viens essuyer mes joues de tout le sang qui les tache avec la manche de ma veste.

Je sais que ce que je dis à propos des humains est complètement vrai. Même en étant humaine, j'avais peur de certains autres humains, ceux qu'on voit dans les médias, ceux qui tuent d'autres gens sans défense pour aucune raison parfois ... Je ne peux pas m'empêcher de froncer légèrement plus les sourcils lorsqu'il me dit clairement que le problème ce n'est pas les humains, les psychopathes ou les tueurs, mais simplement moi. En fait, le problème ce n'est pas non plus les vampires ...

- Au moins, on met le doigt sur le problème ...

Je parle à voix basse encore, et je tente de ne pas avoir un ton trop ironique pour ne pas l'énerver davantage, mais j'ai réellement l'impression qu'on avance tout de même un peu. Je lui demande ce que je dois faire pour lui prouver ma bonne foi, le fait que je veuille réellement changer et je me mords la lèvre lorsqu'il se rapproche, à peine à quelques centimètres de moi. Nous sommes si proches que nos souffles peuvent se mêler. Je sens mes genoux devenir tout mou, mais pas pour les bonnes raisons, à ce qu'il me murmure et je dois m'appuyer contre le mur lorsqu'il part pour ne pas tomber au sol. "Crève ... " J'entends son murmure en écho dans ma tête pendant encore ce qui me semble être une éternité, mais qui est tout de même suffisamment long pour que je le vois tourner les talons au bout du couloir.

- Non ... Je te prouverais Aedan ...

Je murmure en regardant fixement l'endroit où je l'ai vu quitter mon champ de vision pour la dernière fois.